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La revanche de la Betamax

Par Giuseppe Salza | Publié le
La revanche de la Betamax

Quel est le format vidéo qui, en 1988, pouvait afficher 500 lignes, c’est-à-dire une définition pratiquement identique au DVD (NTSC) qui ne verra la lumière qu’un peu moins de dix ans plus tard ?…

Non, la réponse n’est pas le LaserDisc, mais le Beta ED, la troisième déclination de la Betamax, la malheureuse cassette vidéo inventée par Sony. Ironiquement, la même année le fabricant nippon sortira son tout premier magnétoscope VHS, mettant fin à la première guerre des formats vidéos.

La première guerre des formats

Le mot « Betamax » reste aujourd’hui synonyme d’une norme vidéo qui était considérée comme technologiquement supérieure à la VHS de JVC (il y avait un troisième larron, le Video 2000 de Philips, mais il ne fit pas long feu), mais qui se fit rattraper et ensuite écraser par son concurrent à cause de mauvaises décisions industrielles.

L‘« affaire Betamax » reste aujourd’hui encore un cas d’école dans le monde des affaires, et les raisons qui l’ont mené à sa perte sont nombreuses et complexes. Mais s’il ne fallait en retenir qu’une seule, c’est que les cassettes standard du Betamax pouvaient enregistrer 60 minutes contre 180 du côté VHS…

Peu importe au final que le VHS produisait une image de moins bonne qualité. Il avait changé la société : le consommateur pouvait enfin enregistrer le film ou le match sans être devant son poste. La durée de la VHS était idéale pour les besoins de Hollywood. La messe était dite.

La Cour Suprème et le droit à l’enregistrement

Paradoxalement, si Sony passe aujourd’hui comme une corporation envahissante auprès des consommateurs, la démocratisation de la vidéo dans les ménages lui doit beaucoup.

Dans les années 70, Hollywood voit d’un très mauvais oeil l’arrivée des magnétoscopes dans les salons car, horreur, les consommateurs peuvent désormais enregistrer les films. Les publicitaires sont tout aussi atterrés, car les téléspectateurs peuvent zapper les pubs grâce à l’avance rapide. Universal et Walt Disney ne tardent pas à traîner carrément Sony devant les tribunaux.

Après une longue bataille judiciaire, l‘« arrêté Betamax » de la Court Suprème américaine en 1984 légalisera enfin le droit à l’enregistrement dans un cadre familial. D’autres dispositions verront le jour à l’étranger comme par exemple la copie de sauvegarde en France.

Amis sur la cassette, ennemis sur le laser bleu

En 1975, Toshiba avait rejoint Sony pour commercialiser le Betamax. Un quart de siècle plus tard, les deux ex-partenaires sont devenus les frères ennemis de la deuxième guerre des formats vidéos, celle de l’élection du successeur du DVD.

Comme autrefois avec le Betamax, Sony avait tiré le premier, en présentant à l’automne 2000 avec Pioneer le DVR Blue, le prototype d’un disque optique à laser bleu qui donnera vie au Blu-ray Disc en février 2002.

Pour sa part, Toshiba avait choisi de s’allier avec NEC pour présenter le AOD quelques mois plus tard (voir cet article). Et c’est ce dernier qui est adoubé par le DVD Forum en novembre 2003 comme successeur du DVD. Un nouveau nom s’impose : le HD DVD.

L’histoire semblait en passe de se répéter. Sony a été la première à présenter son nouveau format à laser bleu, qui possède au final une capacité et une bande passante vidéo et audio supérieures à celles du HD DVD. Mais une fois encore, elle semblait coiffée au poteau par un rival, qui vantait des amitiés influentes au sein du DVD Forum (dont Warner Bros). De plus, le HD DVD est une technologie moins coûteuse que le Blu-ray Disc, un souci qui avait déjà affligé le Betamax à son époque. La solution de facilité (HD DVD) allait-elle prendre le dessus sur le choix de la rupture (le Blu-ray Disc) ?

Mais cette fois-ci, Sony avait décidé de ne plus faire cavalier seul. Le groupe historique de la Blu-ray Disc Association comprend le gotha de l’électronique de loisirs : Hitachi, LG, Matsushita (Panasonic), Pioneer, Philips, Samsung, Sharp, Sony et Thomson (Mitsubishi et Apple arriveront un peu plus tard).

Et surtout, Sony avait une arme secrète, qui sera dévoilée en 2004 : la PS3 fabriquée autour d’un lecteur Blu-ray Disc. L’enjeu est de taille. La PS2 disposait d’un lecteur de DVD, mais cette intégration avait eu lieu à une époque où plus aucun doute ne subsistait sur l’avenir doré du DVD, et où les coûts de fabrication avaient déjà été maîtrisés. Inclure une technologie non testée dans une console de jeu s’apparentait à la fois un défi d’ingénierie et à un cauchemar financier.

La seconde guerre des formats

L’alliance industrielle risquait de ne pas suffire. Vingt ans plus tôt, Hollywood et le secteur pornographique s’était prononcée massivement en faveur de la VHS parce que c’était le format le plus pratique et aussi le moins cher. Et au départ, le HD DVD Promotional Group mené par Toshiba, avait réuni un noyau dur composé de Warner, Universal, Paramount, New Line et HBO.

Dans le camp du Blu-ray Disc, la présence de Sony Pictures et MGM/UA était acquise, mais c’était loin d’être suffisant. Ils seront rejoint par Disney, séduite par la capacité supérieure du BD-50 (Blu-ray Disc double couche d’une capacité de 50 Go), et quelques mois plus tard par Universal Music et LionsGate. Pour obtenir les faveurs de 20th Century Fox, le BDA devra concéder une deuxième couche de protection du contenu (le BD+).

À la fin de l’été 2005, les deux camps sont à égalité. La répartition au box-office est pratiquement la même, et plus aucune médiation n’est possible pour éviter la guerre des formats. Microsoft rallie le HD DVD car le BDA refuse l’intégration de sa couche interactive HDi (mais sans doute aussi car ils ne pouvaient pas aider la PS3, le concurrent direct de la XBox 360). Mais malgré son coût et ses retards, la PS3 séduit Hollywood, et à l’automne de la même année, Paramount et Warner Bros décident de soutenir les deux camps.

La guerre des formats peut alors commencer…

Reportage , .
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