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La santé du DVD : second diagnostic

Par François Chollier | Publié le
La santé du DVD : second diagnostic

Après analyse, déclaration et droit de réponse, DVDFr reste au chevet de ce DVD dont on ne sait toujours pas vraiment si il est malade ou non. Aujourd’hui, après son droit de réponse, Jean-Yves Mirski du SEV répond à nos questions…



Il y a de cela quelques semaines, le SEV (Syndicat de l’Edition Vidéo - www.sev-video.org) publiait des chiffres à la baisse concernant les ventes de DVD. Période incriminée : le 1er trimestre 2004 versus le 1er trimestre de l’an passé.

Dès la publication de ces chiffres, la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques - www.sacd.fr) réagissait par un communiqué signifiant son « étonnement », arguant non pas d’une baisse mais d’une « forte augmentation en valeur et en volume » pour finir par encourager le SEV et ses membres à moins d‘« opacité » et à plus de transparence dans la régulation de ce marché.

Dans notre article du 19 mai, DVDFR tentait d’y voir plus clair dans cette affaire en relayant le point de vue de la SACD. Nous nous interrogions également sur les véritables intentions du SEV, allant même jusqu’à soupçonner le syndicat d’influencer le débat sur les moyens de lutter contre la piraterie.

Après un droit de réponse publié ce lundi 24 mai, DVDFR a souhaité interroger Jean-Yves Mirski, Délégué Général du SEV, sur la source de ce différent qui a pris des proportions médiatiques importantes. Il s’est très aimablement prêté au jeu des questions-réponses et nous livre à chaud son sentiment sur l’actualité brûlante du DVD et sur les critiques dont il fait l’objet. Interview-vérité !


DVDFR : Les ventes de DVD sont-ils en baisse au 1er trimestre 2004 ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Oui ! Les chiffres montrent bien un recul mais comme je l’ai indiqué dans mon droit de réponse, ces chiffres prennent uniquement en compte les envois aux points de vente ainsi qu’aux points de location. Ils sont l’addition de ceux qui m’ont été communiqués par les éditeurs membres du SEV. Et comme vous le savez, ces éditeurs représentent 90% du marché français.

DVDFR : Que peut-on en conclure ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Pas grand-chose pour le moment ! Ces résultats sont intimement liés aux variations saisonnières du marché de la vidéo. Un marché qui réagit au calendrier des sorties. Et il faut bien admettre qu’en termes de grosses sorties, le 1er trimestre a été relativement dépourvu.

DVDFR : Par conséquent, pour statuer sur une baisse ou une hausse réelle du marché, il faudra donc attendre la fin de l’année ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Exactement ! Seule la photographie de l’année apportera un éclairage pertinent sur le sujet !

DVDFR : Dans ce cas, pourquoi avoir publié les chiffres du 1er trimestre ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Mais parce qu’on n’a pas arrêté de nous les demander ! C’est tout de même un monde ! On nous reproche sans cesse de manquer de transparence et de ne pas assez relayer l’information sur le marché du DVD. Nous communiquons des chiffres et voilà qu’on nous le reproche encore. Nous avons donc soigneusement récolté les résultats auprès de nos membres puis obtenu la validation du communiqué. Croyez-moi, nous n’avons rien fait à la hâte. Tout a été mûrement réfléchi ! Je suis irrité par ces attaques violentes et injustes dont le SEV fait l’objet.

DVDFR : Ce « On » a bien un nom ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Bien sûr et vous devinez aisément de qui il peut s’agir mais cela ne m’intéresse pas d’entrer dans d’interminables querelles de clochers. Elles lassent les patiences et desservent l’intérêt commun. Par conséquent, n’attendez pas de moi que j’alimente la polémique.

DVDFR : Ne pensez-vous pas que ce qui ait choqué fût l’étonnante coïncidence des calendriers ? L’annonce de résultats à la baisse intervenant quelques jours à peine avant l’ouverture du débat Cannois sur le piratage.

JEAN-YVES MIRSKI :
Comme vous l’avez dit, il s’agit là d’une pure coïncidence. Le SEV n’a pas communiqué ces chiffres dans l’intention d’influencer le débat sur le piratage. Nous avons communiqué nos chiffres parce qu’ils étaient calculés à cette date et pas avant. Il ne faut pas tout mélanger ! Même s’il n’est pas exclu que le piratage contribue à significativement faire chuter les ventes de DVD en 2004 si l’on ne fait rien pour l’arrêter, les chiffres du 1er trimestre n’avaient pas vocation à le prouver. Nous avons communiqué des chiffres … point !

DVDFR : Profiter de Cannes pour tirer la sonnette d’alarme n’était pas dans vos projets ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Non ! Absolument pas ! Je ne crois pas le Festival de Cannes fait pour ça !

DVDFR : Pour quelle(s) raison(s) ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Pour 2 raisons. Primo, parce que le Festival de Cannes est la grand messe des producteurs et distributeurs de films et documentaires cinéma. Tout ce qui se tient ou se décide à Cannes concerne avant tout le cinéma. La vidéo s’y produit en marge et le DVD occupe une place mineure. Par conséquent, nous ne pouvons en aucun cas influencer le débat. Secundo, parce qu’il est inutile de sortir ce genre de chiffres pour déplorer le piratage. 35% des téléchargeurs de films sur internet déclarent acheter moins de DVD qu’avant. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le CNC. Comment après cela peut-on encore oser soutenir le piratage et tergiverser sur la nécessité ou non de lutter contre ? Tous les professionnels de l’audiovisuel sont d’accord pour enrayer la menace et ce n’est pas de notre fait. Demandez à l’éditeur du Monde de Némo s’il ne souhaite pas réagir contre le piratage ou mieux demandez au distributeur de « Kill Bill Volume 2 », lui qui a vu son film piraté avant même la première mondiale. Cannes a permis de se rencontrer pour discuter du problème. C’est déjà un début.

Kill Bill 2

DVDFR : Cela n’a pas empêché le CNC, les producteurs et les distributeurs d’annoncer à grand renfort de communiqué leur intention de profiter de Cannes pour sensibiliser tous les acteurs du marché sur les méfaits du piratage.

JEAN-YVES MIRSKI :
C’est normal et utile. Si Cannes est l’occasion de souligner une communauté d’intérêts entre professionnels, nous ne demandons pas mieux ! La piraterie attaque tous les secteurs : musique, cinéma, vidéo. Il est important de s’unir pour lutter contre ce fléau. C’est pour cela que je trouve inconcevable de s’épuiser dans de vaines querelles de clochers. Nous sommes tous dans la même galère et ramer ensemble est nécessaire.

DVDFR : Cette querelle entre le SEV et la SACD ne pointe-t-elle pas du doigt l’urgente nécessité de combiner les efforts de chacun et d’harmoniser le système ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Vous ne le savez peut-être pas mais une commission a été déléguée par le CNC pour œuvrer dans ce sens.

DVDFR : Qu’attendez-vous de cette commission ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Ses recommandations ! Pour ma part, je suis serein. Le SEV a toujours fait preuve d’une très grande transparence et nous avons bien l’intention de continuer.

DVDFR : Estimez-vous que cette « opacité » dont parle la SACD encourage le consommateur sur la voie de l’illégalité ? A force de contradictions entre sources, chiffres et données, il ne sait plus qui croire ni quoi penser !

JEAN-YVES MIRSKI :
Si vous voulez mon avis, le consommateur ne comprend rien à ces histoires de comptabilité pour la simple et bonne raison qu’il n’en a que faire ! Et puis, encore une fois, j’ai la nette impression qu’on essaie de tout mélanger. Il y a les chiffres du 1er trimestre d’une part et le problème du piratage de l’autre !

DVDFR : Honnêtement ! Ne soupçonnez-vous pas que certains consommateurs aient été tentés de faire le lien ? Comme vous l’avez mentionné tout à l’heure, le piratage est souvent pointé du doigt pour expliquer une baisse des ventes de DVD.

JEAN-YVES MIRSKI :
Je suis de votre avis. Le mélange des genres conduit à d’inévitables raccourcis. C’est pour cela que je tiens à séparer les résultats du 1er trimestre et le problème du piratage. Si les histoires de comptabilité n’intéressent pas le consommateur, le piratage et ses conséquences retiennent en revanche toute son attention.

DVDFR : Et pourtant, le consommateur a la désagréable sensation d’être tenu à l’écart de tout ce qui se passe actuellement sur le marché du DVD ; les résultats, les lois, les commissions … Ce sentiment d’incompréhension ne favorise-t-il pas les comportements incivils et les téléchargements illégaux ?

JEAN-YVES MIRSKI :
On peut citer une quantité de raisons au problème du piratage. Ce qui est sûr, c’est qu’il règne parmi les téléchargeurs un sentiment d’impunité. Combien de fois ai-je entendu un pirate me dire qu’il avait payé 30 ou 40 euros son abonnement haut débit et que cela lui donnait le droit de télécharger de la musique, des jeux ou des films ? Pirater est aujourd’hui entré dans les mœurs sans qu’on ne se soucie à aucun moment des conséquences désastreuses que le piratage entraîne. Derrière, c’est toute une industrie qui est mise en péril. Ca n’est pas un fantasme. C’est la réalité !!! Et à l’intérieur de cette industrie, c’est le principe même de diversité culturelle qui est menacée.

DVDFR : Vous faîtes ici allusion à l’industrie cinématographique ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Oui, mais l’industrie cinématographique et l’industrie de la vidéo sont intimement liées ! Le cinéma est le premier à subir les conséquences du piratage. L’industrie cinématographique est souvent comparée à une industrie de prototype ; sur les centaines de films qui sortent, 5 à 10% réalisent un carton au Box Office. Ce sont le plus souvent des films de grosses maisons de production. Ces cartons permettent à l’industrie du cinéma de gagner de l’argent et servent par le biais d’aides à la création et d’avances sur recettes à subventionner d’autres films moins grand public, plus ambitieux, … en un mot différents. Le pirate télécharge en priorité les Blockbusters (Le Monde de Nemo, Kill Bill - Vol. 1) mais ce faisant, il pénalise les films indépendants en s’attaquant directement à leur source de financement.

Le Monde de Nemo (Édition Collector) - DVD
 
Kill Bill - Vol. 1 - DVD

DVDFR : Selon vous, il est urgent d’agir ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Vous savez, je viens de l’industrie musicale. Et la musique a été confrontée très tôt au problème du piratage. A l’époque, je voyais qu’il était urgent d’agir comme il est urgent d’agir aujourd’hui pour préserver l’industrie du cinéma et de la vidéo. Vous avez lu comme moi le rapport du CNC. Les pirates français effectuent en moyenne 31,8 millions de téléchargements de films par mois (soit au total 11 films par mois), ce qui fait 7,9 millions de téléchargements de films par semaine et 1,1 millions de téléchargements de films par jour. Ces chiffres sont proprement extravagants et dévoilent l’ampleur du problème. Je ne suis pas un partisan de la répression mais si nous ne trouvons pas de solution très rapidement, l’industrie du film est en grave danger !

DVDFR : Pourquoi vendre alors des lecteurs DIVX, des graveurs de DVD, des connexions haut débit 2048 Kbits/s…n’est-ce pas encourager le vice ?

JEAN-YVES MIRSKI :
On ne peut pas aller contre l’évolution technologique. Je ne crois pas la technologie responsable. En revanche, ceux qui ne cessent de rabâcher qu’ils « ne peuvent pas faire la police » le sont entièrement.

DVDFR : Vous voulez parler des fournisseurs d’accès ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Entre autres ! Il est anormal que nous ne puissions disposer de moyens d’action rapides pour éliminer les fichiers suspects. Aujourd’hui, il nous faut envoyer un référé puis attendre 24 heures avant d’être enfin autorisés à les enlever un par un. C’est dix fois trop long et signe manifeste d’une mauvaise volonté de la part de ceux qui hébergent ce type de fichiers. Le cycle de vie du film a eu largement le temps d’être gravement menacé avant que nous n’ayons pu faire quoi que ce soit pour le préserver.

DVDFR : Mais si la technologie n’avait pas facilité autant le piratage, on n’en serait peut-être pas là ? Aujourd’hui, on vend à l’internaute tous les outils pour pirater et une fois qu’il les a achetés, on lui demande de ne pas le faire !

JEAN-YVES MIRSKI :
C’est pour cette raison que nous militons pour un renforcement de la réglementation et que nous incitons les internautes à la réflexion. Nous ne leur jetons pas la pierre ! Je comprends très bien qu’il puisse régner une certaine confusion dans l’esprit de beaucoup d’internautes. Les pirates occasionnels ne sont ni entièrement de bonne foi, ni entièrement de mauvaise foi. Ils ont l’impression de jouir d’un droit qu’ils ont acheté aux fournisseurs d’accès mais il faut qu’ils comprennent que télécharger nuit à cette industrie du film qui leur apporte détente et diversité.

DVDFR : Sans forcément lier cette baisse des ventes au piratage, pensez-vous qu’elle soit dommageable à la pérennité du DVD ?

JEAN-YVES MIRSKI :
Non ! Comme je vous le disais en début d’interview, cette baisse est de nature conjoncturelle. Le marché devrait repartir et pourquoi pas finir en hausse à la fin de l’année ! Mais il convient de rester extrêmement vigilent. Le vent de sympathie pour le support pourrait très vite tourner, les marges se réduire et le marché s’effondrer. Tout est question de temps ! Le DVD est aujourd’hui le support vidéo de prédilection des français mais il est évident qu’il ne sera pas un El Dorado pendant 15 ans.


Propos recueillis le vendredi 21 mai 2004 de Jean-Yves Mirski, Délégué Général du Syndicat de l’Edition Vidéo, par François Chollier.


Autre article sur ce sujet :
le 19 mai 2004
le 24 mai 2004

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