Réalisé par Peter Howitt
Avec
Rowan Atkinson, Natalie Imbruglia et Ben Miller
Édité par Studiocanal
« Johnny English » alias Rowan Atkinson, comprenez l’agent
triple zéro, est un des spectacles les plus réjouissants de
cette triste année 2003. D’abord parce qu’il s’agit du grand
retour (par la grande porte, celle cinématographique) de
celui qui demeurera encore longtemps Mister Bean. Ensuite
parce qu’il y a bien longtemps qu’on attendait une parodie de
James Bond à la hauteur du mythe. Evénement qui ne s’était
produit depuis Casino Royale. Avec « Johnny
English », c’est chose faite. Deux monstres sacrés se sont
enfin rencontrés. Il ne reste plus qu’à faire le constat.
Carambolage hilarant entre le vrai et le faux, le héros et le
challenger, le séducteur et celui qui n’a rien pour lui,
« Johnny English » n’hésite pas à grignoter la stelle de la
légende et détourner un à un les codes de James Bond.
Première bonne idée, avoir su donner au film un nemesis à la
hauteur de Rowan Atkinson. « Réussissez le méchant et vous
réussirez le film » disait Hitchcock. La prophétie n’a
jamais été aussi bien vérifiée. Malkovich en méchant :
c’est le carton assuré. Démarche ridicule, ego démesuré,
l’homme se lance alors dans une imitation du nobliau français
à tomber par terre et à se tordre de rire. « Comme ont
l’habitude de dire les français, c’est le top » restera
une phrase d’anthologie dans la bouche d’un Malkovich plus
cabotin et survolté que jamais. Tour à tour sérieux,
hargneux, mégalo et angélique, il est l’incontestable
révélation de ce film qu’il a très certainement pris beaucoup
de plaisir à faire. Quand c’est le cas, ça se voit !
Deuxième bonne idée, avoir réuni un casting enthousiaste
capable de rendre l’histoire la plus abacadabrante intense et
crédible. Autour d’Atkinson, Nathalie Imbruglia (si si la
chanteuse, déjà présente à la télévision dans la cultissime
série anglaise « Neighbours »), dont ce sont là les débuts
cinématographiques, réalise une performance très prometteuse.
Quant à Ben Miller (l’inoubliable Johnny Two Dogs de
Jimmy Grimble), il marque de son empreinte le film
dans la peau du flegmatique agent Bough, personnage lunaire
qui évolue dans l’ombre de « Johnny English » et ressemble
étrangement au Docteur Watson. Toutefois et c’est bien
normal, la palme des palmes revient à Rowan Atkinson qui
gravit ici des sommets de comiques rarement explorés. Atteint
de malchance chronique, celui qui voulait être numéro 1 doit
de surcroît composer avec une encombrante maladresse. Hélas,
c’est là qu’est l’os…
Voulant bien et trop bien faire, il rate l’essentiel, passe
carrément à côté de la mission, perd cent fois son chargeur
dans la bataille pour finir enfoui sous les sécrétions anales
de ces ennemis. Ne peut-on imaginer personnage plus
gagesque ? Désopilant comme l’a pu être en son temps un
Leslie Nielsen, il se glisse non sans une certaine malice
dans la peau de cet agent qui croit savoir mais ne sait rien.
Avec un impeccable sérieux (source du comique), il enchaîne
les situations désopilantes. L’affront involontaire à son
ennemi déclaré, la poursuite en voiture, le repas japonais,
le saut en parachute sans oublier…clou du spectacle…la
méprise au cimetière. Atkinson possède parfaitement son
sujet. Il avait eu à plusieurs reprises l’occasion de se
familiariser avec en tournant des spots (que beaucoup d’entre
vous auront vus) pour une marque de carte crédit. James Bond
triple zéro alors, il se sera un moment séparé du personnage
pour mieux ensuite le retrouver.
Une courte et néanmoins mémorable apparition dans
4 mariages et 1 enterrement, puis dans
Maybe Baby, Rowan Atkinson enchaîne deux succès
américains que sont Mr Bean, le film le plus catastrophe et « Rat Race ».
Mais on le sent bien, chez lui la distinction et la
maladresse sont innées. L’acteur est taillé, destiné pour ce
rôle qui lui colle à la peau d’agent le plus malchanceux de
la terre. « Johnny English », c’est lui !!! Il est ce
personnage, à ce point même qu’on ne sait plus qui incarne
l’autre. Est-ce Atkinson dans la peau d’English ou English
dans celle de Rowan « Bean » Atkinson qui, jamais en panne
d’inspiration, improvise sur les beanesques variations du
désir frustré, de l’enfance contrarié, de l’amour
fantasmé… thèmes chers à Rowan. La rencontre avec l’agent
Campbell alias Nathalie Imbruglia cristallise cette
interpénétration des deux mondes. Une fois la mécanique du
rire amorcée par les turpitudes du personnage, scénario, mise
en scène et réalisation n’ont plus qu’à fournir à ce Bean
devenu Bond (ou ce Bond devenu Bean) les situations,
prétextes à gags.
C’est ce qu’il y a de plus simple et de plus complexe à la
fois. Simple parce qu’il suffit de laisser matière à
l’improvisation la plus débridée pour faire d’une bonne scène
une scène d’anthologie (cf. le cimetière). Complexe parce que
cela demande de coucher une multitude de gags sur le papier
sans savoir ce que cela va donner à l’écran et par-dessus
tout si cela va fonctionner. Idée lumineuse de la production,
faire écrire le scénario par Neal Purvis et Robert Wade
(auteurs de Le Monde ne suffit
pas et Meurs un autre
Jour). Sous la plume des deux scénaristes, l’histoire prend
alors des allures de véritable mission que ce James Bond de
pacotille aura toutes les peines du monde à mener. Dans
l’ordre, il lui faudra résoudre une / des énigme(s),
approcher le méchant, séduire l’agent féminin et déjouer le
complot qui menace le monde. Vraie mission pour faux James
Bond. Le reste tourne autour de trucs liés à la mise en scène
et d’une faramineuse prédilection pour l’improvisation….la
bonne !
La réalisation prend ainsi la succession pour finir
d’empaqueter le gag et rendre l’ensemble dynamique. Pour
l’occasion, Peter Howitt (réalisateur d’Antitrust)
s’adapte parfaitement à la personnalité de ce Bean de
Bond ; il offre à Atkinson assez d’espace pour que son
jeu s’épanouisse tout en rythmant le gag afin d’obtenir plus
que ce que la simple improvisation pourrait donner.
Exemple : « Vous êtes Monsieur dans la zone la plus
sécurisée d’Angleterre » déclare Johnny English. A peine
a-t-il terminé sa phrase qu’une bombe explose. Le temps de
s’attarder sur le coup d’oeil embarrassé d’English et on
passe à la scène suivante. Lègere, rythmée, décalée, ce genre
de scenette produit alors l’effet escompté : on est
forcé de rire en savourant l’absurdité. Et c’est si
bon !
Leçon de comédie donnée par Maître Atkinson… c’est plus que
bonnard ! C’est inventif, tordant et inspiré. Vite… la
suite qu’on puisse assister à la naissance d’une réjouissante
franchise…pour le coup totalement décomplexée. A voir
absolument !!!
Studio Canal a mis les petits plats dans les grands pour cette
édition spéciale du non moins spécial agent au service de sa
Majesté. Oublié le DVD de Mr Bean, le film le plus catastrophe, cette fois
avec force menus animés, transitions léchées et musiques
Bondesques que Rowan Atkinson débarque en vidéo. Enfin, un
traitement digne de l’immense star qu’il est. Enfin, un DVD
loufoque qui va nous livrer les secrets de son comique.
Mais Bean à l’écran est Rowan Atkinson à la ville. Et c’est à
un personnage plutôt reservé auquel on a affaire.
Dommage ! On aurait aimé qu’il apportât à cette édition
un grain de folie. Mike Myers l’a bien fait pour les 2
dernières éditions d’Austin Powers.
Il faut croire que le génie d’Atkinson ne se galvaude pas.
A la place, nous aurons droit à un intéressant et complet
making of (Bien plus élaboré que celui
d’Austin Powers) dans lequel la star
livre humblement quelques unes de ses pistes de travail en
même temps que quelques unes de ses phobies. L’éditeur a
emmailloté le tout avec grand soin. Pas moins de 4
pistes-sons incluant 3 standards différents pour un seul et
même film. Quant à l’image, exempt d’imperfections, elle rend
hommage à la minutieuse complexité de la réalisation.
Le making of largement détaillé pallie quelque peu l’absence
d’autres suppléments consistants. Accompagné d’une
bande-annonce et de filmographies, ces coulisses du tournage
nous livre quelques unes des pistes de travail de Rowan
Atkinson. Preuve indiscutable que pour faire rire, il faut
(parfois ?) se prendre très au sérieux. Une idée qui
viendra très certainement contrarier l’image que vous vous
faisiez du comique un grand bonhomme dégingandé sautillant
et grimaçant. Ici, vous trouverez l’un des comédiens les plus
posés et attentifs qu’il vous ait été donné de voir. Loin
d’improviser dans tous les coins, à tout bout de champ et
dans toutes les langues, l’acteur se livre à travail constant
sur la scène, sur le texte, avec ses partenaires et sous la
direction attentive du réalisateur. A méditer…
Making of (24’18 - VOST)
Construit à la manière d’un making of de film d’action, il
interroge tour à tour techniciens, acteurs et réalisateur
afin de recouper les différentes approches et d’en dégager
une méthode de travail commune. L’objectif est clair :
analyser les causes du succès. « Et la première des
raisons de ce succès, c’est le casting » dixit Rowan
Atkinson en personne. Vous le soupçonnez de vouloir être
gentil avec ses petits camarades. Pas du tout ! Il est
tout simplement lucide sur ce qui transforme une gentille
petite comédie en énorme succès : le casting. Si les
acteurs sont bons et qu’ils donnent la répartie au héros de
l’histoire avec assez de métier, d’insolence et de
cabotinerie, alors le film sera réussi. Sinon, la sauce
risque de très vite tourner au one man show mégalomaniaque et
ennuyeux. C’est la philosophie essentielle que nous livre ce
passionnant making of, alternant interviews, coulisses du
tournage, post-production, et extraits. Mieux vaut un making
of dense et captivant plutôt qu’une caravane de bonus tous
plus futiles et pompeux les uns que les autres. Ce
supplément vaut amplement le détour !
Bande-annonce (2’00 VOST)
Oubliez la filmographie pour très vite passer à la
bande-annonce du film qui concentre certains des éléments
les plus hilarants. C’est d’autant plus agréable de la
visionner que la qualité de son et d’image est au
rendez-vous. Seul reproche : pourquoi avoir délibérément
choisi de la présenter en VF ? Hormis cet insignifiant
grain de sable, nous sommes en présence d’une bande-annonce
qui fonctionne efficacement et donne à chaque fois envie de
revoir le film. D’ailleurs, vous voudrez bien m’excuser…
Rien à redire au niveau de l’image. On a rarement vu un
transfert d’aussi bonne qualité offrant un contraste à la
fois souple et élégant (cf les scènes d’intérieur et
notamment la Cathédrale). C’est du très beau travail.
Excellent travail également en termes de compression. Gels,
bruits et pixellisations sont proscrits au même titre que le
crénelage et les stries. La poursuite dans les rues de
Londres montre à quel point le détail et la précision de
l’image sont élevés. Vous pourrez ainsi savourer le film en
toute sérénité.
Il n’était pourtant pas facile de restituer une ambiance
harmonieuse composée d’atmosphères aussi contrastées. Le
cimetière, la soirée, le parachutage… l’ensemble s’enchaîne
avec le plus grand naturel. Roland Emmerich (auteur de
Stargate,
Independance Day…) aurait sans nul
doute quelques cours à prendre. C’est tout de suite
maintenant avec Peter Howitt et son équipe auxquels l’image
de cette édition DVD rend hommage.
Vous aurez le droit à 4 pistes-sons incluant 3 standards
différents. VF en DTS 5.1, Dolby Digital 5.1 et Dolby
Surround 2.0 ou alors VO en Dolby Digital 5.1.
Même si la piste VF DTS 5.1 est mixée un ton au-dessus et
propose une lecture plus dynamique du film, préférez-lui la
VO DD 5.1, seule piste à même de retranscrire l’irrésistible
accent de John Malkovich. De toutes les façons, niveau
surrounds, vous allez être servis. Les balles vous sifflent
aux oreilles, les voitures vous frôlent et les explosions
vous clouent.
Pas le temps de dire ouf ni de souffler. La bande-son ne
marque que très peu de temps mort pendant lesquels, Rowan
Atkinson, bredouille 2 ou 3 de ces répliques hilarantes (là
aussi préférez la VO) et c’est reparti pour un tour de
manège. Toutefois, si vous tenez à la VF à tout prix, le DD
5.1 équivaut à peu de choses près à la VO DD 5.1. Oubliez
cependant le surround 2.0. Vous y perdriez à la foisd en
richesse et en finesse.
Johnny English vous souhaite une excellente
projection…bon DVD !