La Grande illusion (1937) : le test complet du DVD

Réalisé par Jean Renoir
Avec Jean Gabin, Julien Carette et Erich von Stroheim

Édité par Studiocanal

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Le 15/03/2012
Critique

Première Guerre mondiale. Deux soldats français sont faits prisonniers par le commandant von Rauffenstein, un Allemand raffiné et respectueux. Conduits dans un camp de prisonniers, ils aident leurs compagnons de chambrée à creuser un tunnel secret. Mais à la veille de leur évasion, les détenus sont transférés. Ils sont finalement emmenés dans une forteresse de haute sécurité dirigée par von Rauffenstein. Celui-ci traite les prisonniers avec courtoisie, se liant même d’amitié avec Boeldieu. Mais les officiers français préparent une nouvelle évasion.

 » Tous les démocrates du monde devraient voir La Grande illusion «  disait Franklin Delano Roosevelt. Inspiré du récit authentique des prisonniers de guerre en Allemagne, La Grande illusion demeure non seulement l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma français mais également l’un des films les plus importants de toute l’Histoire du 7ème art. Reprenant littéralement le titre d’un essai de Norman Angell paru en France en 1910, La Grande illusion fait surtout référence à la démence de croire que la fin de la Première guerre mondiale prenne fin rapidement mais aussi que ce conflit armé sera le dernier (l’ombre de la Seconde guerre mondiale plane sur tout le film). Le rapprochement des classes sociales est-il éphémère ? Jean Renoir a pourtant déclaré avoir choisi ce titre parce-qu’il ne voulait rien dire de précis.

Merveilleusement interprété (Jean Gabin en titi parisien est sublime), mis en scène, photographié et dialogué, La Grande illusion dresse le portrait d’hommes ordinaires plongés dans un contexte extraordinaire. Jean Renoir y décrit la fin de l’aristocratie française et allemande caractérisée par Pierre Fresnay et Erich von Stroheim, tout en présentant les rapports de force et les affinités inattendues entre les différentes classes sociales derrière les frontières. La Grande illusion est un film de guerre sans scène de bataille, ni espions. Comme dans tous les films de Jean Renoir, l’homme est au centre du récit, la fraternisation et l’amour entre les peuples sont célébrés, les barrières de la langue dissoutes. Charge contre le nationalisme et l’antisémitisme, antimilitariste, le chef d’oeuvre humaniste de Jean Renoir demeure exceptionnel, indispensable, extraordinaire, et n’a pris (et ne prendra jamais) aucune ride. Universel, intemporel, éternel.

Présentation - 3,5 / 5

A l’instar des autres Blu-ray issus de la  » StudioCanal Collection « , le menu principal est élégant et animé sur musique pesante et commune à chacune des éditions HD qui ornent cette anthologie. La couleur du visuel est identique à celle de la sérigraphie du Blu-ray. Ce dernier est confortablement logé dans un superbe digibook comprenant également un livret d’une vingtaine de pages signé Dominique Maillet.

Bonus - 4,5 / 5

L’interactivité démarre par un magnifique court-métrage muet de 30 minutes réalisé par Jean Renoir en 1928, La Petite Marchande d’allumettes d’après le conte d’Andersen. Superbement photographié par le chef opérateur Jean Bachelet, avec qui Jean Renoir collabora sur La Règle du jeu, tourné dans les studios du Vieux Colombier à Paris et dans les dunes de sables de Marly, nous retrouvons dans ce film la comédienne Catherine Hessling, un des derniers modèles du peintre Pierre-Auguste Renoir et la première épouse de Jean Renoir. Pour l’anecdote, c’est pour elle que le cinéaste abandonna la céramique et débuta dans le cinéma en faisant de sa compagne l’héroïne de ses cinq premiers films muets.

 » Ça serait bon de se réchauffer à la flamme d’une allumette «  se dit Karen, la petite marchande d’allumettes qui grelotte de froid sous la neige en cette période de Noël. Réfugiée sous une palissade, alors qu’elle s’est fait rabrouer par des bourgeois pressés qui ne lui ont rien acheté, elle s’endort sous le froid, et elle rêve. Chez Jean Renoir, les soldats de bois prennent vie dans un décor féérique, la Mort et la faim ne laissent pas les pauvres âmes en paix même en plein rêve et l’agonie prend la forme d’une poursuite à cheval dans les nuages. La copie de ce film affiche une stabilité incroyable (même au niveau des surimpressions), à croire que les rayures, tâches et scories multiples ont été rajoutées exprès afin de donner à cette oeuvre un cachet  » vieux film « .

Script-girl sur le tournage de La Grande illusion, la journaliste, écrivaine et femme politique Françoise Giroud partage ses souvenirs et anecdotes liées à la production du film de Jean Renoir dans le segment Françoise Giroud se souvient (11min) réalisé en 1986. En revenant sur les lieux du tournage, en particulier au château médiéval du Haut-Koenigsbourg (Bas-Rhin) où résonnent encore les voix de Pierre Fresnay et d’Erich von Stroheim, notre interlocutrice évoque sa collaboration avec Jean Renoir, les étapes successives du scénario qu’elle tapait au fur et à mesure, l’entente entre les acteurs, les conditions de tournage la nuit et dans le froid, ainsi que la scène d’altercation entre Gabin et Dalio après leur évasion écrite par ses soins après avoir osé dire à Jean Renoir que le dialogue ne fonctionnait pas du tout.

Ginette Vincendeau enseigne le cinéma au King’s College de Londres. Française, elle s’exprime ici en anglais sur la genèse, la production et le triomphe de La Grande illusion en 1937 (12’), oeuvre essentielle du patrimoine cinématographique mondial, profondément européenne dans sa thématique, et seul film qui valut à Jean Renoir à la fois un succès critique et un succès public. Notre interlocutrice revient rapidement sur la carrière de Jean Renoir (fils du peintre Auguste Renoir, ses premiers succès, ses oeuvres célèbres) tout en croisant habilement le fond et la forme de La Grande illusion. Les nombreux débats et polémiques apparus à la fin de la Deuxième guerre mondiale sont également abordés, tout comme la signification du titre et surtout le voyage du négatif original qui sera plus amplement détaillé dans le module suivant.

S’ensuit un passionnant retour sur l’histoire exceptionnelle du négatif original de La Grande illusion (11’30”) et de sa restauration en compagnie de Natacha Laurent, déléguée générale de la Cinémathèque de Toulouse. Le trajet que suivit ce négatif, et au terme duquel il arriva à la Cinémathèque de Toulouse, illustre à la fois les aléas de la conservation et la relation particulière entre cette archive et la Russie. Quand le Gosfilmofond choisit de donner à la Cinémathèque de Toulouse le négatif original nitrate du film, c’est un geste qui intervient dans le cadre d’une collaboration inaugurée par les deux archives au milieu des années 1960. Raymond Borde, fondateur de la Cinémathèque de Toulouse, décida en effet dès son adhésion à la Fédération internationale des archives du film (FIAF) en 1965, d’entrer en contact avec son homologue à Moscou. Une collaboration exceptionnelle, fondée sur la confiance, la passion pour le cinéma, et la même conception d’une archive du film, vit alors le jour. Échanges d’informations, de documents et d’expériences, c’est donc dans ce cadre que le négatif original du film de Jean Renoir entra dans les collections de la Cinémathèque de Toulouse.

Mais où et dans quelles conditions le Gosfilmofond, fondé officiellement en 1948, avait-il retrouvé ce précieux matériel, que Jean Renoir rechercha en vain toute sa vie ? En 1945, lorsque l’Armée Rouge était entrée dans Berlin, elle avait saisi comme trophées de guerre un certain nombre d’oeuvres d’art, et notamment des pellicules conservées par le Reichsfilmarchiv. Ces  » films-trophées «  (la destruction d’un film est très rare malgré les conflits), comme les appelèrent les Soviétiques, furent tellement nombreux à entrer alors en Union soviétique qu’ils furent un des éléments déterminants de la création du Gosfilmofond. Parmi eux, et au milieu de titres américains, allemands, français - négatifs, matériels intermédiaires, positifs confondus - se trouvait le négatif original de La Grande Illusion que les Allemands eux-mêmes avaient saisi à Paris en 1940 et emporté alors à Berlin. Paris-Berlin-Moscou-Toulouse : l’incroyable voyage effectué par ce négatif en une quarantaine d’années rappelle que le cinéma a toujours représenté un enjeu politique important.

Historien du cinéma et spécialiste de Jean Renoir - nous l’avions d’ailleurs déjà aperçu dans les suppléments de l’édition Blu-ray de La Règle du jeu - Olivier Curchod approfondit encore plus tous les propos entendus dans les segments précédents tout en apportant sa pierre à l’édifice. Le 21ème film de Jean Renoir est donc à nouveau passé au peigne fin, même si certains arguments ou anecdotes font inévitablement redondance avec tout ce que nous avons déjà entendu, notamment sur la sortie du film en 1937, son accueil triomphal ainsi que la restauration du film en 1958. En revanche, l’analyse du personnage juif merveilleusement incarné par Marcel Dalio, décrié après la Seconde guerre mondiale, notamment par Louis-Ferdinand Céline, est aussi passionnante qu’indispensable puisqu’elle met à bas toutes les critiques virulentes apparues à la fin de la Deuxième guerre mondiale qui qualifiaient La Grande illusion de film pré-vichyssois et antisémite.

John Truby est ce qu’on appelle un script doctor, autrement dit un consultant en scénario. Dans un court segment de 4 minutes, notre interlocuteur s’exprime sur la dramaturgie de La Grande illusion tout en analysant les mécanismes du récit, ses thèmes (l’opposition et le rapprochement des classes sociales) la structure du film de Jean Renoir, tout en indiquant que beaucoup de ses confrères dont lui-même ont appris leur culture scénaristique grâce à La Grande illusion, jalon important de l’Histoire du cinéma mondial.

Un court module de 3 minutes réalise un impressionnant comparatif avant/après la restauration numérique.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de 1937 ainsi que le film-annonce de 1958 durant lequel Jean Renoir prend la parole et s’adresse aux spectateurs. Avec sa bonhommie habituelle, le réalisateur s’exprime sur le succès international du film lors de sa sortie 20 ans auparavant, les évènements ayant inspiré La Grande illusion (le Général Pinsard qui avait sauvé Jean Renoir pendant la première guerre mondiale) ainsi que les étapes qui ont conduit à la restauration du film pour cette nouvelle sortie dans les salles.

Image - 5,0 / 5

Tout d’abord un peu d’histoire. Au milieu des années 1970, dans le cadre d’échanges entre la Cinémathèque de Toulouse et le Gosfilmofond (archives nationales russes), le négatif nitrate de La Grande illusion revient en France à la Cinémathèque de Toulouse. La restauration des Archives françaises du film, du CNC et de Studiocanal, réalisée en 1997, avait permis de générer un marron, élément de sécurité, et des éléments de tirage image et son, afin que le film continue d’être vu et exploité dans sa version originale, fidèle au montage initial voulu par Jean Renoir.

En 2011, Studiocanal et la Cinémathèque de Toulouse décident de restaurer le film en numérique mais avec les techniques du XXIe siècle. Le négatif nitrate a été numérisé et restauré en 4K par le laboratoire L’Immagine Ritrovata (Bologne) permettant ainsi de retrouver une image originelle. Ensuite l’élément a été restauré et étalonné.

C’est peu dire que La Grande illusion renaît littéralement devant nos yeux ébahis. La stabilité (y compris sur les fondus enchainés), la densité des contrastes, la luminosité, le piqué, les détails foisonnants, la richesse du N&B, le relief, tout contribue à faire de ce master HD l’une voire la référence de la restauration ultime d’un des chefs d’oeuvres du patrimoine cinématographique. Proposée dans son format plein cadre original, la copie est si belle qu’on en aurait presque les larmes aux yeux. Pour les cinéphiles, revoir La Grande illusion dans de telles conditions techniques est réellement bouleversant.

Son - 4,0 / 5

De son côté, le son a bénéficié d’une restauration particulière. Le négatif son variable nitrate a été scanné permettant une restauration du son plus pointue due à cette nouvelle technologie. Sur la piste française, les dialogues sont plutôt grinçants, certaines saturations demeurent inévitables tandis que d’autres voix demeurent sensiblement couvertes. Notons que la dernière bobine semble plus marquée par les affres du temps et les échanges entre les comédiens se révèlent plus bouchés avec un souffle plus appuyé. La composition de Joseph Kosma est fort bien mise en valeur et possède un coffre inédit. L’ensemble demeure clair, les ambiances sonores appuyées contrairement au mixage allemand, également disponible, qui se révèle plus agressif. N’oubliez pas d’enclencher les sous-titres français pour la traduction des dialogues en anglais et en allemand.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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cineberry
Le 16 septembre 2011
Pas de commentaire.
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Daniel
Le 22 mars 2004
Film exceptionnel, magnifiquement restauré. Un films résolumment humaniste dans lequel Erich Von Stroheim est tout simplement sublime...
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Compte utilisateur désactivé
Le 9 avril 2003
Pas de 16/9 ! Le son n'est pas 5.1 !

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