Réalisé par Kenji Mizoguchi
Avec
Narutoshi Hayashi, Raizô Ichikawa et Tatsuya Ishiguro
Édité par Films sans Frontières
Japon, XIIIe siècle : l’histoire de la chute de l’ère Heian (784-1185) et de la naissance de l’ère Kamakura (1185-1332), chute et naissance organisées par la victoire des samouraïs du clan Taira de Kyoto contre une aristocratie corrompue.
Le scénario de ce second film tourné en Eastmancolor par Mizoguchi est adapté d’un roman contemporain d’Eiji Yoshikawa (La Pierre et le sabre) qui adaptait lui-même le Heike monogatari (Histoire du conte de Heike) rédigé par un anonyme et dont l’action se passe au XIIIe siècle, à une époque où le Japon est déchiré entre deux empereurs et plusieurs clans dépravés de nobles et de prêtres : c’est l’histoire de la chute de l’ère Heian (784-1185) et de la naissance de l’ère Kamakura (1185-1332), chute et naissance organisées par la victoire des samouraïs du clan Taira contre une aristocratie corrompue. Le titre alternatif du film est d’ailleurs La Saga du clan Taira ou Nouvelle histoire du clan Taira. À partir de cette vaste intrigue historique (dont la suite fut réalisée l’année suivante par le cinéaste Teinosuke Kinugasa) Mizoguchi s’est attaché à une seconde intrigue : la découverte de ses origines par un jeune homme, découverte qui remet en question sa vision du monde et lui permet de triompher des apparences et du mal.
Absolument unies par la dynamique de l’histoire, ces deux luttes collectives et personnelles sont menées d’une manière rigide, directe, tendue tout entière vers leurs issues liées et concomitantes. Mizoguchi a intériorisé l’histoire japonaise et l’a symbolisée dans le destin d’un individu dont tout dépend, qui préserve l’Empereur du Japon comme symbole de l’unité. Vision religieuse et nationaliste, critique de l’arrivisme et des classes inutiles, revendication de la noblesse guerrière : Mizoguchi n’avait-il pas déjà tourné Les 47 ronins (Genroku Chushingura) (Jap. 1942) qui exaltait de tels thèmes ? On a dit qu’il n’aimait pas diriger de plans avec une trop nombreuse figuration mais il faut avouer qu’ils sont réglés à la perfection : on sait que des jeunes gens émérites tels que Shindo ou Masumura furent ses assistants méticuleux de l’époque, il est vrai. Mais la partie proprement intemporelle et symbolique du récit est, pour sa part, typiquement mizoguchienne. Sa rigueur, son dynamisme interne, épuré et lointain, maintiennent constamment l’intérêt du spectateur le plus étranger à son thème. Et l’ensemble force la plus constante estime, le plus vif intérêt tout du long tant Mizoguchi manifeste ici sa magistrale maîtrise, la hauteur de son point de vue conciliant sans effort drame national et drame individuel en une même épopée.
Edition collector 2 DVD Pal zone 2, éditée par Film Sans Frontières, collection « Auteurs », section « Mizoguchi ». Durée vidéo PAL du film : 108 minutes environ. Image au format respecté 1.37 en Eastmancolor compatible 4/3. Son mono japonais en VO ou VOSTF ou VOSTA, au choix. Boîtier Amaray standard. Les DVD des films de Mizoguchi édités par FsF bénéficient de copies chimiques mieux nettoyées et de masters vidéo d’une qualité supérieure à celle des anciennes éditions DVD sorties en 2004 par Opening puis en 2006 par Aventi.
Suppléments DVD n°1 : fiches historiques, littéraires, témoignages de collaborateurs, apparat de critiques d’époque, photos japonaises. Suppléments DVD n°2 : Kenji Mizoguchi, la vie d’un cinéaste (Japon, 1975) de Kaneto Shindo, documentaire d’une durée de 150 minutes avec la participation de nombreux collaborateurs et témoins de la vie et de l’oeuvre de Mizoguchi.
Disque 1 : suppléments à Le Héros sacrilège
Fiche historique sur l’époque Heian (794-1185), fiche littéraire sur le Heike Monogatari médiéval et le roman moderne de Eiji Yoshikawa adapté vers 1950 de cette source (roman dont la première partie sert à son tour de base au scénario du film de Mizoguchi). Viennent ensuite les témoignages écrits de Kazuo Miyagawa, directeur de la photo (extrait d’un entretien avec Ariane Mnouchkine paru dans les Cahiers du cinéma n°158), de Iwao Otani (paru dans les Cahiers du cinéma n°463), du scénariste Yoshikata Yoda (parus dans le même n°158 des Cahiers du cinéma et dans ses Souvenirs sur Mizoguchi édités chez les mêmes en traduction française). Puis des extraits de critiques françaises de 1961(une parue dans L’Express et qui fait référence à Shakespeare, une parue dans les Lettres françaises et qui fait référence, sans surprise, à la lutte des classes) ou sans date mentionnée mais probablement de la même époque (une parue dans France Observateur, signée André Labarthe), et des extraits d’études critiques de Daniel Serceau (provenant de sa monographie sur Mizoguchi), de Pascal Bonitzer (texte accompagnant une rétrospective Mizoguchi). Un jeu complet très riche de photos japonaises N&B (bien que le film soit en couleurs, cela n’a rien de surprenant car à cette époque, on trouve souvent des jeux de photos N&B pour des films couleurs et inversement) bien reproduites. Enfin deux fiches bio-filmographiques succinctes mais précises sont consacrées au cinéaste Mizoguchi et à l’acteur Raizo Ichikawa.
Disque 2 : documentaire Kenji Mizoguchi, la vie d’un cinéaste (Japon, 1975) de Kaneto Shindo
Documentaire au format 1.37, couleurs et N&B, d’une durée de 150 minutes, VOSTF ou VOSTA au choix (pas de VO sans sous-titre) avec la participation de nombreux collaborateurs et témoins de la vie et de l’oeuvre de Mizoguchi. Indispensable pour la connaissance, non seulement de Mizoguchi lui-même mais encore de celle de l’histoire du cinéma japonais dans son ensemble depuis la période muette jusqu’à 1956. Kaneto Shindo (L’Île nue, Onibaba, Le Chat noir (Kuroneko)) et Yasuzô Masumura qui intervient à un moment (Passion (Manji), La Femme de Seisaku, L’Ange rouge, Tatouage, La Bête aveugle) furent tous deux assistants de Mizoguchi et devinrent ensuite deux cinéastes originaux dont l’âge d’or correspond aux années 1960-1970. Shindo a poussé la conscience professionnelle jusqu’à interroger les hôtesses de bars que fréquentait Mizoguchi. Du coup, son reportage devient parfois, bien que ce ne soit pas son objet initial, un documentaire sur l’état du Japon dans les années 1970. Sur le plan de l’histoire de l’art, c’est aussi un document esthétique sur la manière dont le Japon conçoit en 1975 l’histoire de son cinéma avec le recul conscient fourni par le temps. C’est particulièrement sensible dans le cas de certains collaborateurs techniques de Mizoguchi. Passionnant d’un bout à l’autre.
Format 1.37 Eastmancolor compatible 4/3. Copie chimique (plus aucune griffure ni rayure, plus aucune poussière négative ni positive) dans un état supérieur de restauration, master vidéo (compression, encodage, définition, contrastes) dans un état supérieur aussi, à ceux des anciennes éditions Opening et Aventi sur DVD Pal zone 2 sorties en 2004 puis 2006. Qu’on n’attende pas, cela dit, la qualité d’un bluray (notamment concernant le piqué et les couleurs) mais on dispose, avec cette édition, de la meilleure image actuellement disponible en DVD chez nous, de ce grand classique.
Son mono japonais d’origine en VO ou VOSTF ou VOSTA, au choix sauf le documentaire de Shindo sur Mizoguchi, uniquement VOSTF ou VOSTA. Offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone et même aussi anglophone. Le souffle a été convenablement réduit sans altérer la sonorité originale des voix de la piste mono d’origine. Là aussi, progrès évident par rapport aux pistes sonores de l’ancienne édition Opening. Effets sonores et musique bien restitués. Inutile de regretter une VF d’époque qui n’a jamais existé : le film fut exploité dans le circuit Art et Essais en France, qui exigeait la VOSTF mais ne nécessitait pas la VF, afin de permettre aux distributeurs français de diminuer les frais de sortie.
Crédits images : © Films Sans Frontière