Les Soeurs Brontë (1979) : le test complet du Blu-ray

Charlotte Brontë évoque certains épisodes de sa vie avec sa famille dans l’Angleterre du début du XIXe siècle : le quotidien avec son père pasteur, ses soeurs Anne et Emily, qui aspiraient comme elle à devenir écrivains, et son frère Barnwell, un peintre au tempérament passionné.

Les Soeurs Brontë d’André Téchiné aurait mieux fait de s’appeler « Les Soeurs Brontë et leur frère » tant le personnage de Branwell Brontë, merveilleusement incarné par Pascal Greggory dans un de ses premiers rôles, demeure l’élément charnière de cette histoire. Le réalisateur et son co-scénariste Pascal Bonitzer ont eu la bonne idée de se baser uniquement sur les témoignages d’époque mais aussi et surtout sur les écrits des trois soeurs. Les deux collaborateurs se sont bien gardés d’inventer pour combler les éventuelles lacunes et ont eu recours à l’ellipse de temps ou géographique. D’où un aspect décousu qui pourra en rebuter plus d’un, notamment durant la première heure, difficile d’accès et étouffante. Le passage d’un point de vue à l’autre permet en outre de se rendre compte du caractère aride de la vie désertique de cette famille et force est de constater qu’André Téchiné semble plus intéressé par leur vie plutôt que par leurs écrits.

Ajoutez à cela le jeu dépouillé et minimaliste des acteurs voulu par le réalisateur qui a d’ailleurs fait entièrement reprendre les dialogues en postsynchronisation à l’ensemble de ses comédiens. En réalisant un film sur les Brontë en français, Téchiné ne prétend pas au réalisme mais cherche la vraisemblance. Une fois adoptée cette démarche de stylisation, aussi bien dans la bande-son retravaillée que dans l’image stylisée (magnifique photo signée Bruno Nuytten), le charme et l’émotion du film commencent à effleurer sans que l’on puisse s’y attendre. Si Isabelle Huppert est la plus effacée du lot, Marie-France Pisier prête son immense sensibilité à Charlotte, Isabelle Adjani apporte à Emily la fougue et la modernité de son jeu, tandis que Pascal Greggory, dos vouté comme le voulait André Téchiné, restitue de manière déchirante la déchéance psychologique et physique du personnage de Branwell.

Les Soeurs Brontë est un film unique dans la filmographie d’André Téchiné. Les sentiments sont simples mais le traitement adopté mérite toute l’attention du spectateur, même plus de trente ans après.

De la jaquette en passant par l’élégance des menus et la restauration du film lui-même, saluons le travail de l’éditeur qui n’a pas son pareil pour offrir au spectateur un bel objet à ranger dans sa collection Gaumont Classique. Notons que le menu principal, animé et musical, met en avant les trois comédiennes et oublie honteusement Pascal Greggory. Il est cependant dommage que la version de trois heures présentée au Festival de Cannes en 1979 demeure introuvable, mais il semble que les scènes coupées aient été à jamais perdues.

Outre la bande-annonce originale, Gaumont nous livre son désormais incontournable documentaire rétrospectif, intitulé Les Fantômes de Haworth. Pendant près d’une heure, André Téchiné (réalisateur et co-scénariste), Pascal Bonitzer (co-scénariste), Christian Gasc (créateur des costumes), Pascal Greggory (Branwell Brontë) et Claire Bazin (universaitaire, spécialiste des Brontë) évoquent tour à tour la genèse du film, l’écriture et l’évolution du scénario, les volontés artistiques (minimalisme du jeu, postsynchronisation, la photo), développent la psychologie des personnages et les thèmes abordés. A travers quelques croquis d’époque, Christian Gasc, césarisé pour les costumes de Ridicule et Le Bossu, commente avec élégance ses créations et n’hésite pas à donner son avis sur le jeu des comédiennes. Le casting est d’ailleurs passé au peigne fin, André Téchiné rappelant avoir tout fait pour éviter la concurrence entre les actrices, notamment entre Isabelle Adjani et Isabelle Huppert, alors âgées de 25 ans. De son côté, Pascal Greggory se souvient d’un tournage tendu et de la façon dont André Téchiné l’a dirigé.

Fort d’une promotion numérique, Les Soeurs Brontë est enfin proposé dans un master HD de très haut niveau, permettant de revoir les tableaux concoctés par André Téchiné et son chef opérateur Bruno Nuytten (Manon des sources, Jean de Florette) baignant dans de magnifiques clairs-obscurs. Bien qu’elles demeurent froides et presque cotonneuses, les séquences extérieures sont les mieux loties, le relief y est en effet plus probant, le piqué plus acéré et les détails plus nombreux. Les scènes sombres ne sont pas pour autant dédaignées avec une jolie restitution des matières (boiseries, tissus), le grain cinéma est respecté, et bien que divers fourmillements demeurent constatables sur certains plans fixes, la copie demeure impressionnante, la restauration est superbe (toutes les scories ont disparu) et les contrastes assurés, en dépit de noirs sensiblement poreux.

Si quelques effets se révèlent pour le moins précis et même impressionnants, à l’instar de la plume grattant le papier, les dialogues manquent parfois d’intelligibilité et sont souvent noyés sous les airs mélancoliques joués au violon et la superbe composition de Philippe Sarde. Les comédiens ont visiblement repris leur texte en postsynchronisation, alors ne soyez pas étonnés du manque de naturel et du léger décalage entre les voix et le mouvement des lèvres. La piste DTS-HD Master Audio 1.0 n’en demeure pas moins d’une propreté absolue, aucun souffle ni craquement ne sont à signaler. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.