Querelle (1982) : le test complet du Blu-ray

Version intégrale

Réalisé par Rainer Werner Fassbinder
Avec Brad Davis, Franco Nero et Jeanne Moreau

Édité par Gaumont

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Le 31/08/2012
Critique

Dans une atmosphère chargée de sensualité, le jeune et séduisant marin Querelle débarque à Brest. Le port devient le théâtre d’un jeu morbide et fascinant où se tissent des rapports d’amour et de haine dont Querelle est à la fois l’instigateur et le jouet.

Querelle est le testament de Rainer Werner Fassbinder, décédé officiellement d’une rupture d’anévrisme à seulement 37 ans, alors qu’il travaillait encore sur le montage de son film. Un temps envisagé par Werner Schroeter, c’est finalement Fassbinder qui s’empare de l’oeuvre radicale et jugée inadaptable de Jean Genet, Querelle de Brest publié en 1947, et, loin de se laisser intimider par cette transposition, livre l’un des films les plus singuliers de toute son oeuvre prolifique, mais également un de ses plus beaux.

Cette rencontre avec l’univers de Jean Genet marque le sommet artistique du cinéaste. Avec son scénario vertigineux, sulfureux et foudroyant dans lequel il se met à nu comme rarement auparavant, Fassbinder créé un univers atypique et surréaliste, nécessaire selon lui car une approche naturaliste n’aurait pas pu retranscrire l’univers allégorique et étouffant de Jean Genet. Les décors de Rolf Zehetbauer (oscarisé pour Cabaret) construits sur un seul et même plateau sont renversants de beauté, la photo nimbe les comédiens dans un univers trouble, jaune-orangé où le crépuscule semble omniprésent. Les personnages réalistes sont ainsi ancrés dans un monde stylisé, décalé, qui participe à l’angoisse latente distillée par la crudité des dialogues et des scènes de sexe, mais également par la musique obsédante de Peer Raben.

Partagé entre son libre-arbitre et son destin inéluctable, le personnage de Querelle est magnifiquement interprété par Brad Davis, tout juste révélé par Midnight Express d’Alan Parker, qui demeure encore à ce jour l’une des icônes gay des années 80. Son chemin de croix parsemé de métaphores religieuses est sublimé par la mise en scène de Rainer Werner Fassbinder, ses partis-pris esthétiques flamboyants et envoûtants, l’intense interprétation de Brad Davis donc, mais également celles de Franco Nero et de Jeanne Moreau, merveilleuse patronne vieillissante d’un bar-bordel qui semble être la seule représentation féminine d’un monde masculin en perdition. Sa chanson récurrente Each Man Kills the Thing He Loves résume a elle-seule le constat sans appel de Fassbinder sur la solitude des êtres, l’amour et les relations humaines.

Présentation - 4,5 / 5

De la jaquette en passant par l’élégance des menus (avec l’entêtant Each Man Kills the Thing He Loves chanté par Jeanne Moreau) et la restauration du film lui-même, saluons le travail de l’éditeur qui n’a pas son pareil pour offrir au spectateur un bel objet à ranger dans sa collection Gaumont Classique.

Bonus - 4,0 / 5

L’éditeur reprend l’entièreté de l’interactivité présente sur l’édition DVD sortie en 2009, le tout ayant été gonflé en HD.

Le cinéaste Volker Schlöndorff présente Querelle de son compatriote Rainer Werner Fassbinder. Il replace ce film dans son contexte, évoque l’évolution du cinéma allemand depuis l’après-guerre et de l’oeuvre de Fassbinder, ainsi que l’obsession voire la nécessité de mettre en scène de ce dernier au cours de sa vie.

Nous trouvons ensuite un documentaire rétrospectif sur Querelle, Le Crépuscule des corps (34’) marquée par les interventions du comédien Laurent Malet (Roger Bataille dans le film) et de l’écrivain Claude Arnaud. Ayant été témoin du tournage (où l’alcool et la drogue circulaient dans tous les coins), le premier partage de nombreuses anecdotes liées à la production, aux coulisses et aux prises de vue de Querelle, tandis que le second se concentre sur la mise en parallèle de l’oeuvre de Jean Genet avec la transposition à l’écran de Fassbinder. Le casting est ainsi passé au peigne fin, tout comme la construction de l’immense décor, les thèmes explorés et les partis-pris esthétiques adoptés, tandis que Claude Arnaud déclare que le cinéaste a corrigé les points négatifs de l’oeuvre originale, notamment au niveau des dialogues qui étaient datés.

Le comédien Franco Nero (Lieutenant Seblon dans Querelle) intervient ensuite dans un entretien (18’) réalisé en 2005. Il y évoque sa rencontre atypique avec Fassbinder par téléphone - le cinéaste grand fan du comédien était tellement ému qu’il n’a pas pu décrocher un seul mot -, son arrivée sur le projet, sa collaboration avec les autres comédiens et le réalisateur, les conditions de tournage, les partis-pris esthétiques, ainsi que ses deux autres projets envisagés avec Fassbinder (le contrat avait été signé un soir au restaurant sur une serviette en papier), une adaptation du Bleu du ciel de Georges Bataille, ainsi qu’un film centré sur la vie et le combat de Rosa Luxemburg, militante socialiste et théoricienne marxiste, dans lequel Vanessa Redgrave devait tenir le rôle principal.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

Image - 4,5 / 5

L’élévation HD sied à merveille aux magnifiques partis-pris esthétiques de Querelle. Ce master (français) affiche une tenue exemplaire, le piqué n’a jamais été aussi aiguisé, le grain cinéma est respecté, les détails abondent sur le cadre large, les contrastes et la luminosité flattent les rétines et l’incroyable restauration permet d’observer chaque recoin du décor principal. La colorimétrie jaune-orangée donne du fil à retordre à la compression et s’en sort avec tous les honneurs, les moindres reflets sont luminescents, et les volontés artistiques originales, comme l’usage de filtres vaporeux, occasionnent divers flous et pertes inévitables de la définition sur certains plans rapprochés ou mouvements de caméra. Notons également des noirs un peu bouchés qui tirent sensiblement vers le vert. Il serait néanmoins difficile voire impossible de faire mieux.

Son - 4,0 / 5

Querelle réunit des comédiens français, américains, allemands, italiens. Le film ayant été tourné en anglais, sélectionnez donc immédiatement cette piste DTS-HD Master Audio, d’autant plus qu’elle surpasse techniquement ses homologues française (adaptation réalisée par Catherine Breillat) et allemande. Ces deux dernières privilégient le report des voix au détriment de quelques ambiances annexes, même si elles demeurent propres, dynamiques et fluides. Même à bas volume, la piste anglaise est plus ample et homogène, allie la musique glaçante de Peer Raben, les dialogues et les effets avec efficacité, alors que la version allemande se révèle la plus étriquée du lot. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

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P. de Melun
Le 6 mars 2021
Ultime film de Rainer Werner Fassbinder (dont il ne verra pas le résultat final, succombant à une overdose durant le montage), son envie d’adapter le plus cru des romans de Jean Genet ne pouvait qu’aboutir qu’à un pensum érotico-gay pleinement assumé. Mais, comme à son habitude, le cinéaste allemand est allé si loin dans sa démarche que son film, même s’il a conservé une part du lyrisme de l’œuvre du dramaturge français, ne semble pas être autre chose qu’un amas de stéréotypes. Dans des décors factices filmés avec couleurs criardes, l’intrigue criminelle apparait comme purement accessoire, le scénario ne donnant de l’importance qu’à la tension sexuelle qui lie chacun des personnages. La prestation très monocorde de Brad Davis, découvert précédemment dans « Midnight Express », est décevante, à peine rattrapée par celles de Jeanne Moreau et Franco Nero. « Querelle » ne vaut finalement que pour la réussite de sa mise en scène ‘esthétisante’ à la fois torride et oppressante mais reste un objet filmique purement fétichiste.
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jean-marc
Le 12 juillet 2012
Je vois que cette semaine on reste dans la thématique films de boules :D.
Sinon le film n'était pas "mauvais", mais franchement pas plus passionnant que ça.
Peut-être plus "à voir" pour sa culture cinématographique, qu'à posséder.

C'est du Fassbinder quoi.

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