Holy Motors (2012) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Leos Carax
Avec Denis Lavant, Édith Scob et Kylie Minogue

Édité par Potemkine Films

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Le 06/11/2012
Critique

De l’aube à la nuit, quelques heures dans l’existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille… M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier, mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l’immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. A la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l’action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?

Holy Motors ne ressemble à rien de ce que vous avez pu vivre jusqu’à maintenant dans une salle obscure. Le réalisateur prodige et déclaré persona non grata par les financeurs et producteurs depuis le gouffre financier des Amants du Pont-Neuf est de retour. Hormis une participation au film à sketchs Tokyo! en 2008 sous la forme du court-métrage Merde, Leos Carax avait disparu des écrans durant treize ans. C’est peu dire que nous attendions son nouvel opus avec impatience et l’attente est largement récompensée. Osons le dire, Holy Motors est un pur chef d’oeuvre, magnifiquement interprété(s) par Denis Lavant incarnant pas moins de 11 personnages en à peine deux heures (dont le M. Merde de Tokyo!), et marqué par les obsessions, les névroses, les angoisses, l’humour et le romantisme du metteur en scène.

Dès les premières séquences marquées par la courte apparition de Leos Carax lui-même (qui se réveille au sens propre comme au figuré), le spectateur est invité à entrer dans les songes du réalisateur par un accès dérobé qui mène dans une salle de cinéma bondée de spectateurs endormis (ou morts ?). Le personnage principal entre ensuite dans sa limousine-loge conduite par une étrange employée (Edith Scob) et n’en ressort à chaque fois que transformé pour se rendre à un rendez-vous où il sera assassiné, agonisera auprès d’une proche, raccompagnera sa fille après une soirée, kidnappera une mannequin pour l’emmener dans les égouts, fera la manche sous les traits d’une mendiante roumaine, jouera de l’accordéon avec une bande à la Kusturica dans une église. Se pose alors la question : qui est réellement cet homme ? Est-on dans les rêves d’un metteur en scène ou d’un comédien qui « ramène » son ou ses personnage(s) chez lui ? Qu’est-ce qui est vrai ? En fin de course, ces questions s’évaporent puisqu’on ressort totalement ébahi par tant d’émotions.

Holy Motors est une expérience personnelle et il est même conseillé de le voir une première fois seul puisque chaque spectateur y verra quelque chose de différent. Rares sont les films libres qui touchent autant les spectateurs en plein coeur tout en triturant les méninges. Holy Motors est de ceux-là. Un chef d’oeuvre du cinéma sur le cinéma (les « jolis moteurs » du titre sont peut-être ceux des vieilles caméras abandonnées au profit du numérique), une invitation au voyage cinématographique, un enlacement des genres (film de gangster, drame psychologique, comédie-musicale, burlesque, mélodrame), une esquisse de chacun des films que Leos Carax n’a pu mettre en scène, un art qui permet de retrouver ceux et celles qu’on a aimés, qui permet de ressusciter les morts, de changer de peau, de vie, pour pouvoir vivre ou plutôt revivre comme le chante Gérard Manset.

Présentation - 5,0 / 5

Le Blu-ray au boitier classique est glissé dans un surétui cartonné reprenant le visuel des limousines rentrant au bercail. De la sérigraphie aux visuels en passant par le menu principal animé et musical d’une folle élégance, la qualité technique, tout fait de cette édition Blu-ray un objet indispensable.

Bonus - 4,5 / 5

Le documentaire Drive in Holy-Motors (48’) est un magnifique making of dévoilant l’envers du décor du film. Des images volées nous montrent Leos Carax à l’oeuvre avec ses comédiens bien que sa voix demeure constamment voilée ou inaudible, tandis que la directrice de la photographie Caroline Champetier, les comédiens Denis Lavant, Kylie Minogue et Edith Scob interviennent à plusieurs reprises pour évoquer leur collaboration respective avec le metteur en scène. Bien entendu, ne visionnez ce making of que si vous avez déjà vu le film.

Les plus courageux se dirigeront vers une fascinante conversation avec Leos Carax au Festival du film de Locarno (62’). Bien caché derrière ses lunettes fumées et fumant cigarette sur cigarette, Leos Carax tente de répondre aux questions de l’animateur et critique de cinéma Olivier Père et des journalistes en short qui lui font face, bien que, comme il le dit lui-même, parler de cinéma en pleine lumière est un cauchemar. Si les réponses de Leos Carax n’ont parfois pas de rapport avec les questions posées, le metteur en scène demeure pourtant passionnant quand il aborde sa conception et son rapport au cinéma, aux spectateurs, ainsi que les partis-pris adoptés, sa collaboration avec Denis Lavant et ses débuts dans le cinéma. Quelques indices sur Holy Motors et sa production sont dévoilées mais le cinéaste sait rester évasif. Etrangement, Leos Carax parait plus à l’aise et plus concis en anglais.

Nous retrouvons ensuite le comédien Denis Lavant pour une interview (18’) absolument passionnante. Notre interlocuteur aborde son rapport au jeu, évoque la création du personnage de M. Merde et des autres figures du film, ses influences, sa séquence avec Michel Piccoli, et sa collaboration avec Leos Carax.

Outre la bande-annonce, l’interactivité se clôt sur deux scènes coupées et deux séquences alternatives (9’) montrant M. Merde et Kay M. (Eva Mendes) se quitter après leur moment passé ensemble, ainsi que L’homme à la tache de vin qui regagne sa limousine noire après s’être entretenu avec Oscar. Les deux autres scènes permettent d’entendre Kylie Minogue en live et a cappella durant la séquence de La Samaritaine, ainsi qu’une toute petite saynète muette où l’on voit Denis Lavant rire devant la caméra.

Image - 4,5 / 5

Entièrement tourné en numérique (pour une raison de coût de production et bien que Leos Carax méprise complètement ce support), Holy Motors bénéficie d’un transfert HD quasi-parfait, qui permet de se replonger à satiété dans l’univers de ce chef d’oeuvre. L’encodage AVC magnifie les partis-pris esthétiques de la photographie de la chef opératrice Caroline Champetier, la luminosité des séquences diurnes est littéralement éblouissante (la séquence sur le Pont Alexandre-III et celle du Père Lachaise), le relief est omniprésent en extérieur comme dans les scènes en intérieur (à l’instar de la scène de l’oncle mourant) et le piqué est tranchant. Les détails sont un peu plus limités et les noirs sensiblement poreux sur les séquences sombres mais l’apport HD demeure probant tout du long et la colorimétrie est étincelante. Les contrastes sont denses et les détails ne manquent pas, bref, voici un très beau Blu-ray à rajouter au palmarès de Potemkine Films & Agnès. B.

Son - 4,5 / 5

Les dialogues sont ardemment délivrés par la centrale et la piste unique DTS-HD Master Audio 5.1 exploite adroitement et généreusement l’ensemble des enceintes, y compris le caisson de basses, grâce aux séquences de l’entracte, et des merveilleux Revivre de Gérard Manset et Who Were We de Kylie Minogue. Les ambiances naturelles (comme les bruits de la circulation) ne sont évidemment pas oubliées et demeurent présentes sur toutes les séquences en extérieur. La spatialisation est donc indéniable et percutante, à l’instar de la scène d’ouverture dans le cinéma où le ressac entêtant du film projeté hypnotise le spectateur. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

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Sabrina Piazzi
Le 20 novembre 2012
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