La Lettre du Kremlin (1970) : le test complet du Blu-ray

The Kremlin Letter

Réalisé par John Huston
Avec Bibi Andersson, Richard Boone et Nigel Green

Édité par Filmedia

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Le 21/10/2013
Critique

Durant la guerre froide, un groupe d’espions américains est envoyé à Moscou afin de récupérer « La Lettre du Kremlin », un document extrêmement compromettant pour les Etats-Unis et certains responsables soviétiques.

« Si vous manquez les 5 premières minutes, vous manquerez un suicide, deux exécutions, une séance de séduction, et la clé du complot » pouvait-on lire sur le dossier de presse original. Alors que le cinéma hollywoodien est en pleine mutation, John Huston qui n’a plus rien à prouver et dont les plus gros succès sont derrière lui fait un pas en arrière en revenant au cinéma d’espionnage pur et dur plongé en pleine guerre froide, presque anachronique à la fin des années 1960. En effet, alors qu’Easy Rider, Bonnie & Clyde, Le Lauréat et même 2001, l’Odyssée de l’espace déferlent sur les écrans, le réalisateur du Trésor de la Sierra Madre est bel et bien décidé à mettre en scène un film de genre que certains trouvent usé.

Inspiré du roman éponyme de Noël Behn (1966), La Lettre du Kremlin demeure un film âpre, violent, souvent cruel, loin de l’exotisme d’un 007. Ce réalisme désiré par John Huston montre plusieurs puissances en conflit permanent, mais également les organismes chargés de la sécurité, la CIA, le FBI, empiétant les uns sur les autres, se surveillant constamment, se mettant des bâtons dans les roues.

Point de glamour et de scène d’action chez John Huston. Le monde de l’espionnage est froid, glacé, figé même, les meurtres sont commis sans sourciller, un assassinat en entraîne un autre, comme dans La Taupe de Tomas Alfredson, qui s’est largement inspiré de La Lettre du Kremlin. Les identités (patronymes, sexuelles, nationalités) des agents sont annihilées, les surnoms ont pris le dessus : le Débauché, la Sorcière, le Grand Muet, le Détrousseur. Les espions sont tenus de faire ce qu’on leur ordonne et sont traités comme des hommes à tout faire, sous prétexte d’agir pour la sécurité de leur pays et récupérer un document confidentiel, McGuffin autour duquel tout s’organise.

La Lettre du Kremlin est un film souvent hypnotique, sec comme un coup de trique, ne laissant aucune place à l’humour, car le monde et ses sbires sont tous aussi pourris les uns que les autres et n’hésitent pas à trahir leur cause et leur pays dès que l’occasion, ou plutôt les intérêts se présentent. L’homme dans toute sa « splendeur » pour le réalisateur qui fait d’ailleurs une courte mais marquante apparition au début de son film où il dresse un portrait du monde au vitriol et surtout des institutions et des agences de renseignements. Ou comment prévoir l’implosion de la politique américaine avec quelques années d’avance en se basant sur les conflits passés.

Si La Lettre du Kremlin peut parfois paraître long et l’intrigue tortueuse (comme dans Le Faucon maltais en quelque sorte), on sent le plaisir de John Huston derrière la caméra à manipuler ses personnages comme un marionnettiste, tandis que le casting quatre étoiles porté par Richard Boone (exceptionnel), Bibi Andersson (sexy et ambigüe), Max von Sydow, Orson Welles et d’autres trognes bien marquantes, confère au film un indéniable cachet. Il en est de même pour le soin apporté à la mise en scène oppressante, à la photographie austère et au montage pointu.

Noyé sous le rouleau compresseur du Nouvel Hollywood, ce film ample, ambitieux et souvent virtuose, qui apparaissait presque comme un musée de cire à sa sortie mérite amplement d’être redécouvert, d’autant plus que la séquence finale est l’une des plus marquantes du cinéma de John Huston.

Présentation - 4,5 / 5

La très belle jaquette est glissée dans un joli boîtier de couleur noire. Le menu principal animé et musical en reprend le visuel.

Bonus - 3,5 / 5

Cette édition HD reprend les suppléments déjà disponibles sur le DVD de La Lettre du Kremlin :

Ne manquez pas le génial documentaire intitulé John Huston et l’enfer de l’espionnage (24’) donnant la parole aux indispensables historiens du cinéma, Jean-Baptiste Thoret et Patrick Brion (auteur d’une biographie sur John Huston) ainsi qu’au critique de cinéma et spécialiste du cinéma d’espionnage Pierre Murat. Les propos entrecroisés de nos trois interlocuteurs se complètent parfaitement. Quand l’un explore la filmographie de John Huston, l’autre met en avant les thèmes récurrents de ses films, tandis que le troisième croise habilement le fond avec la forme. Ce module passionnant est illustré par quelques belles photos. Chacun s’accorde à dire que La Lettre du Kremlin est un film à redécouvrir, d’autant plus que le film de John Huston a depuis inspiré moult réalisateurs à Hollywood comme Quentin Tarantino et Bryan Singer.

S’ensuit un reportage plus anecdotique, retraçant l’histoire du film d’espionnage (20’) concocté par Christophe Champclaux. A travers quelques bandes-annonces, d’affiches et de photographies, l’historien du cinéma propose une énumération d’oeuvres ayant marqué et fait évoluer le genre, du cinéma d’Alfred Hitchcock en passant par l’apparition de James Bond au cinéma en 1962 avec un saut spectaculaire sur La Mémoire dans la peau, sans oublier les séries télévisées américaines, Mission : Impossible, Le Prisonnier et 24 heures chrono. L’exercice apparaît un peu facile et très scolaire.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

Image - 4,5 / 5

Le master HD au format 1080p de La Lettre du Kremlin participe à sa redécouverte. Le cadre large affiche d’emblée une propreté remarquable et une profondeur de champ inédite. La stabilité est de mise, les contrastes et la colorimétrie sont raffermis, la clarté convaincante, le piqué aiguisé. Les menus décrochages sur les fondus enchaînés et la gestion aléatoire du grain sur les séquences sombres n’entravent en rien la beauté et l’élégance de cette indispensable édition Blu-ray.

Son - 4,0 / 5

Comme nous l’indique un panneau en ouverture, en version originale, tous les dialogues en langue russe ont été couverts par des dialogues anglais afin de faciliter la compréhension du spectateur américain, à l’instar de quelques doublages disponibles en Europe de l’Est. Cette volonté des producteurs et de John Huston lui-même a donc été respectée et pourra en étonner quelques-uns. A part cette petite pirouette, les mixages DTS-HD Master Audio 2.0 anglais et français (excellent doublage) instaurent un parfait confort acoustique. Même si la version originale l’emporte sur son homologue du point de vue homogénéité et ardeur, l’écoute demeure propre et percutante dans les deux cas. Aucun souffle ne vient parasiter l’écoute.

Crédits images : © Filmedia

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm