Lola Montès (1955) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Max Ophüls
Avec Martine Carol, Peter Ustinov et Anton Walbrook

Édité par Gaumont

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Le 17/09/2013
Critique

Réduite à la déchéance, la scandaleuse Lola Montès est contrainte de donner en représentation sa fabuleuse destinée sous le chapiteau d’un cirque gigantesque.

Après avoir longuement planché sur une adaptation de l’opérette Mam’zelle Nitouche, puis débarqué du projet à cause de Fernandel qui ne souhaitait pas jouer avec son image comme le désirait Max Ophüls, le réalisateur du Plaisir jette finalement son dévolu sur le roman La Vie extraordinaire de Lola Montes de Cécil Saint Laurent. Ce sera son dernier film. Devant l’ampleur du projet (une véritable superproduction), le producteur Albert Caraco impose à Max Ophüls le cadre large, la couleur via Eastmancolor, le procédé Stéréophonique et la comédienne Martine Carol, consacrée star internationale depuis Caroline chérie déjà adapté du roman de Cécil Saint Laurent.

Transformée, brune, épuisée par les médicaments, la morphine, l’alcool, les tentatives de suicide et les innombrables conquêtes éphémères, Martine Carol n’est plus que l’ombre d’elle-même dans Lola Montès, étonnamment et malheureusement prémonitoire quant à la destinée de l’actrice qui mourra prématurément à l’âge de 46 ans en 1967. Par ailleurs, tout le film est à l’image de Martine Carol, une superbe coquille vide.

Si Lola Montès est une oeuvre ambitieuse, magnifique sur le plan visuel où chaque plan semble pensé comme un véritable tableau de maître, l’émotion n’est pas au rendez-vous et jamais le film ne parvient à toucher le spectateur. Les séquences s’enchaînent de façon mécanique grâce à des retours en arrière essayant vainement de donner un rythme à l’ensemble, les personnages s’apparentent à des marionnettes savamment manipulées par Max Ophüls ou plutôt à des statues de cire auxquelles manquent l’essentiel, une âme.

Le spectateur suit cette alternance entre scènes de cirque (quasi-felliniennes) où Lola Montès est exhibée sous un chapiteau gigantesque telle une bête de foire (les séquences les plus réussies du film) et des scènes de flashbacks qui reviennent sur quelques épisodes clés de la vie de cette courtisane déchue et ruinée, en mettant en avant ses scandaleuses histoires de femme fatale.

Ces séquences se regardent avec un ennui poli, surtout la partie consacrée au roi Louis Ier de Bavière et l’on s’impatiente de retrouver le génial Peter Ustinov dans le rôle du Monsieur Loyal qui présente fièrement sa créature. Après son numéro, Lola Montès répond aux questions souvent douteuses de l’assistance, avant de sauter dans le vide… avec ou sans filet. Elle est ensuite exposée dans une cage où chaque spectateur, moyennant un dollar, peut venir toucher celle qui a tant défrayé la chronique. C’est dans cette analyse du spectacle et de l’exposition finalement visionnaire de « vedette people » que Lola Montès interpelle le plus.

A sa sortie, Lola Montès a fait l’objet d’un acharnement public et médiatique sans précédent, un fiasco retentissant au box-office (malgré Martine Carol dans le rôle-titre) et un rejet quasi-total de la part de la critique. Quelques mois plus tard, le film est remonté par les producteurs, mutilé, remixé. Aujourd’hui, après avoir été reconstitué et recomposé comme il avait été pensé originellement par son créateur, Lola Montès a toujours autant de détracteurs que d’adulateurs. Ces derniers y voient un chef d’oeuvre maudit incompris, à réhabiliter, les autres, comme l’auteur de ces mots, y voient une fresque certes plastiquement irréprochable, avant-gardiste, baroque, magnifiquement cadrée, mais malheureusement glaciale.

Présentation - 3,5 / 5

Une fois n’est pas coutume, le menu principal demeure fixe et muet. Le test a été réalisé sur check-disc.

Bonus - 4,5 / 5

Deux heures de bonus sont consacrés à la résurrection de l’oeuvre maudite de Max Ophüls :

On commence par un documentaire de 34 minutes trompeusement intitulé Présentation du film par Marcel Ophüls. En effet, si l’on retrouve le fils du réalisateur de Lola Montès, d’autres nombreux intervenants sont également présents : Alain Jessua (cinéaste), Annette Wademant (scénariste), Tony Aboyantz (assistant à la production), l’immense directeur de la photographie Michael Ballhaus (qui a passé dix jours sur le plateau) et surtout Claude Pinoteau, assistant du réalisateur sur le film, qui fait également une petite apparition dans le film.

Les souvenirs de tournage abondent dans ce premier documentaire. Marcel Ophüls semble véritablement ému de reparler du dernier film de son père, disparu en 1957 à l’âge de 54 ans. Ses souvenirs sont intacts, d’autant plus qu’il a officié en tant qu’assistant réalisateur sur Lola Montès. Il ressort pour nous quelques archives de son grenier, retrouve en fouillant un exemplaire du scénario de Jules & Jim envoyé par François Truffaut, dévoile les dessous (agités) de la production de Lola Montès et revient de long en large sur les partis pris esthétiques (Cinémascope et Eastmancolor imposés), le casting et l’accueil désastreux et polémique du film dans les salles. Quelques images d’archives nous montrent Peter Ustinov et Martine Carol sur le plateau. Notons que ce module aurait mérité d’être dégraissé de nombreuses images tirées du film, qui ont tendance à s’éterniser et à ralentir le rythme.

Devant le caractère vraisemblablement exhaustif du documentaire précédent, nous voyions le segment rétrospectif suivant d’un oeil soupçonneux, d’autant plus en raison de sa durée de 63 minutes. Et bien la surprise est de taille puisque ce qui est abordé dans Lola Montès, le chant d’un cygne complète parfaitement ce qui a été vu et entendu précédemment. Ce documentaire de Dominique Maillet réunit les témoignages de Dominique Delouche (réalisateur), Alain Douarinou (cadreur sur Lola Montès), et les assistants de Max Ophüls sur le film Alain Jessua, Ulli Pickardt, Claude Pinoteau et Jean Valère. Nous vous conseillons de démarrer cette interactivité par ce module, beaucoup plus complet et riche en information sur la genèse de Lola Montès, le casting, le travail du réalisateur avec les comédiens, les partis pris esthétiques, le tout étant joliment illustré par quelques images d’archives dont les essais coiffure de Martine Carol, l’actrice étant d’ailleurs sévèrement critiquée par Alain Jessua.

Enfin, l’historien du cinéma Olivier Curchod analyse la sortie sur les écrans de Lola Montès dans le segment intitulé La Bataille du Marignan (17’). Ce titre fait référence à la prestigieuse salle de cinéma sur les Champs-Elysées où s’est déroulée la première du film devant un public mondain réuni la veille de Noël en 1955. Rejet total de la part des spectateurs, scandale, cette sortie mouvementée a été récupérée par une grande partie de la presse. Agé de 23 ans, le jeune François Truffaut, critique aux Cahiers du Cinéma, défend à corps perdu cette oeuvre maudite instantanée en publiant plusieurs articles sur ce qu’il considère comme représentant la quintessence du cinéma. Olivier Curchod retrace parfaitement et avec une passion contagieuse les différentes étapes de cette sortie ayant entraîné un rejet virulent de la part des spectateurs.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film (6’), supplément à part entière puisqu’elle est commentée par l’auteur Cécil Saint-Laurent (Caroline Chérie). En voix-off sur un montage d’images tirées du film, l’écrivain s’avoue très heureux de cette adaptation, raison pour laquelle il a demandé à la production de composer ce commentaire. Un panneau déroulant indique que le film est projeté pour la première fois dans son intégralité.

Image - 4,5 / 5

Lors de sa sortie dans les salles, Lola Montès avait été mutilé et tronqué par les producteurs suite au rejet total des spectateurs dès la première le 23 décembre 1955. Certains dialogues en allemand avaient été redoublés en français, le mixage recomposé, évidemment contre la volonté de Max Ophüls. Fin 1956, le film fut encore raccourci et remonté dans un ordre chronologique.

En 1968, le producteur français Pierre Braunberger récupère les droits de Lola Montès et reconstitue la version initialement réalisée par Max Ophüls. 40 ans plus tard, la Cinémathèque française use de la technologie numérique pour présenter enfin une version entièrement restaurée et fidèle à celle voulue par le réalisateur.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette édition HD ressuscite le flamboyant Eastmancolor de Lola Montès. D’emblée, le générique d’ouverture illumine les rétines. Les teintes rouge, verte, bleue, jaune explosent à l’écran comme un feu d’artifice. Le codec AVC stabilise l’image à la perfection, le grain original est respecté sans utilisation outrancière de réducteur de bruit et le cadre large est réhabilité. Les contrastes sont au beau fixe, même si certains noirs demeurent poreux et tirent sur le vert, le piqué est parfois émoussé et les fondus enchaînés sont souvent déséquilibrés. La propreté demeure impressionnante tout du long, la luminosité des séquences en extérieur est superbe. Les quelques accrocs constatés et mentionnés restent anecdotiques puisque les volontés artistiques originales sont entièrement respectées.

Son - 4,0 / 5

Le film est disponible en version française Stéréo ou 3.0. Peu de différences notables entre les deux mixages, les dialogues restent propres et bien distincts. La musique est bien délivrée, quelques effets annexes sont notables, mais l’action reste évidemment frontale. Le confort acoustique est plaisant et sans esbroufe, bien que certains dialogues, vraisemblablement repris en postsynchronisation, se révèlent parfois plus sourds.

Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également au menu.

Crédits images : © Les Films du Jeudi

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm