Le Fils unique (1936) : le test complet du Blu-ray

Hitori musuko

Réalisé par Yasujiro Ozu
Avec Choko Iida, Shin'ichi Himori et Masao Hayama

Édité par Carlotta Films

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Le 23/10/2013
Critique

À Shinshu, petit village de montagne au centre du Japon, une fileuse de soie élève seule son fils Ryosuke. Bon élève, celui-ci est en âge d’aller au lycée mais la mère s’y oppose car les études sont trop coûteuses. Elle finit néanmoins par accepter, faisant le choix de tout sacrifier pour l’éducation de son fils. Treize années plus tard, Ryosuke s’est installé à Tokyo et sa mère lui rend visite pour la première fois. Malgré les efforts de son fils pour l’accueillir, celle-ci découvre qu’il vit dans une situation précaire, déçu par les promesses de la grande ville…

Le drame de la vie commence avec le lien entre parents et enfants, annonce un carton en introduction. Le Fils unique est le premier long métrage parlant de Yasujiro Ozu (1903-1963), l’un des plus grands réalisateurs japonais de l’histoire du cinéma. Cadet d’une famille de cinq enfants, le cinéaste n’aura de cesse d’évoquer le thème de la relation parents-enfants et de l’inexorabilité du temps qui passe à travers sa filmographie. Le Fils unique ne déroge pas à la règle et place ses personnages principaux en tant que témoins des bouleversements sociaux de l’époque, de 1923 à 1936.

Ce superbe et poignant drame social, resté inédit en France jusqu’en 2013, contient toute la substantifique moelle de ce qui a fait - et fait encore aujourd’hui - la renommée internationale du cinéma de Yasujiro Ozu et comprend de nombreux points communs avec son film le plus célèbre, Voyage à Tokyo.

Dans Le Fils unique, Ozu se penche sur les rêves de jeunesse et les espoirs déçus. Avec réalisme et une dimension parfois presque documentaire, le réalisateur restitue les difficiles conditions sociales du Japon d’avant-guerre - le film date de 1936 - des classes les plus défavorisées, à travers un récit intime et pourtant universel s’étendant sur quinze années, avec d’une part le désir d’un jeune lycéen de devenir quelqu’un, et de l’autre ce jeune homme devenu adulte rattrapé par la réalité.

Ozu met en relief le clivage rural/citadin, campagnes reculées-villes industrialisées où l’exode est en progression et les villages traditionnels de plus en plus désertés. Mais la ville n’est pas synonyme de réussite sociale malgré tous les sacrifices possibles et imaginables. Ici, dans une petite bourgade de province japonaise, une vieille mère, veuve, a mis toute sa vie de côté et travaille encore d’arrache-pied dans une usine (où elle dort puisqu’elle a vendu sa maison) dans l’espoir que son fils devienne « une grande personne », en lui payant ses études à Tokyo.

Nous sommes ici en plein récit sur le don de soi et les illusions perdues. Le rapport mère-fils prend alors une tout autre dimension, frappe le spectateur en plein coeur à mesure que le métrage se déploie jusqu’à ce que la mère rende visite à son fils treize ans plus tard. C’est une évidence, ses privations ont été vaines. Résigné, son fils a mis ses ambitions de côté, mène une existence précaire dans une banlieue désolée où se déploient des usines et des incinérateurs d’ordures en activité jour et nuit, et peine à joindre les deux bouts avec sa femme et son fils.

Avec son atmosphère néoréaliste, ses acteurs superbes, la beauté du cadre et son histoire repoussant les limites de l’empathie, Le Fils unique apparaît comme étant un des grands films oubliés de Yasujiro Ozu, aujourd’hui réhabilité.

Présentation - 4,5 / 5

La sérigraphie du Blu-ray reprend le très beau visuel de la jaquette. Très élégante, celle-ci est glissée dans un boîtier classique de couleur noire. L’ensemble repose dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.

Bonus - 2,5 / 5

Dans une interview de 22 minutes intitulée « Le temps conté », le réalisateur Jean-Jacques Beineix partage sa passion pour l’oeuvre du maître japonais Yasujiro Ozu. Notre interlocuteur croise habilement le fond avec la forme, même s’il peut lui arriver de tomber dans la paraphrase.

Nous trouvons également les credits du Blu-ray.

Image - 3,0 / 5

Un carton en introduction indique que ce master Haute Définition du Fils unique a été numérisé et restauré à partir des meilleurs éléments disponibles à ce jour et que malgré les efforts de l’éditeur, l’image et la bande-sonore présentent encore quelques défauts inhérents à la préservation des éléments source. Malgré ces accrocs effectivement constatables, la copie du film ressuscité de Yasujiro Ozu ne manque pas d’éclat et ce dès les génériques d’ouverture. Le grain cinéma est présent même s’il peut paraître parfois aléatoire, les fondus sont assez fluides, les contrastes et le piqué sont corrects et élégants, le format 1.33 respecté et malgré quelques fourmillements notables sur les arrière-plans, la définition demeure et le codec AVC consolide tout cela du mieux qu’il peut.

Alors certes l’image reste souvent très abîmée et parfois même constellée de scories (points, rayures, brûlures, moisissures) qui en feraient fuir plus d’un, mais les magiciens du numérique ont fait tout leur possible pour nous présenter Le Fils unique dans les meilleures conditions possibles, même pour les mordus de la HD, en luttant ardemment contre les affres du temps.

Son - 3,0 / 5

Comme pour l’image, la bande-son du Fils unique demeure précaire. Les dialogues, synchronisés avec l’image pour la première fois chez Ozu, sont tantôt étouffés tantôt irritants pour les tympans, certains échanges sont presque inaudibles, la musique connaît des hauts et des bas au cours d’une même séquence, le souffle est omniprésent, mais les bruits provenant des usines environnant la maison de Ryosuke sont toujours notables. Divers craquements et chuintements sont audibles. Seule la version originale DTS-HD Master Audio 1.0 est disponible, mais la proposer dans cet écrin acoustique tient déjà véritablement du miracle.

Crédits images : © Shochiku Co., Ltd.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm