Réalisé par Gérard Oury
Avec
Louis de Funès, Yves Montand et Alice Sapritch
Édité par Gaumont
Don Salluste profite de ses fonctions de ministre des Finances du roi d’Espagne pour voler le peuple. Mais la Reine qui le déteste réussit à le chasser de la cour. Ivre de vengeance, il décide de la compromettre. Son neveu Don César ayant refusé de se mêler du complot, c’est finalement le valet de Don Salluste, Blaze, transi d’amour pour la souveraine, qui tiendra le rôle du Prince charmant. Malheureusement à force de quiproquos, il ne parvient qu’à s’attirer les faveurs de la peu avenante Dona Juana.
Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches - Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre, je ne sais rien faire ! - Sa Majesté a bien reçu ma lettre anonyme ? - Ne vous excusez pas, ce sont les pauvres qui s’excusent. Quand on est riche, on est désagréable ! - C’est l’or… il est l’or… l’or de se réveiller… Monseignor… il est huit or… On pourrait continuer longtemps comme ça tant La Folie des grandeurs regorge de pépites (d’or). Ce chef d’oeuvre de Gérard Oury réalisé en 1971 devait à l’origine réunir une fois de plus le tandem Bourvil - Louis de Funès pour une comédie intitulée Les Sombres héros. La mort prématurée de Bourvil à l’âge de 53 ans quelques mois avant le tournage obligea Gérard Oury à trouver un nouveau compagnon de route pour son acteur fétiche. C’est au hasard d’un diner que le réalisateur rencontre Yves Montand. Le déclic se fait, le comédien accepte, l’alchimie avec Louis de Funès sera immédiate. Le rôle de Blaze, le valet, a été savamment remanié, passant d’un domestique un rien benêt à celui d’un fils spirituel de Scapin.
Gérard Oury adapte librement et parodie Ruy Blas, la pièce de théâtre de Victor Hugo, mais garde l’essentiel de la trame de ce drame romantique à travers sa comédie burlesque et critique politique acerbe. Hommage à Vélasquez, le cinéaste signe son oeuvre la plus élégante, du point de vue des costumes, des décors, de la photographie (Henri Decae), sans oublier la magnifique partition de Michel Polnareff, inscrite dans toutes les mémoires, qui instaure un savoureux décalage avec ses envolées « morriconniennes ».
Dans La folie des grandeurs, les gags filent à vitesse grand V, les dialogues sont magnifiques, les scènes cultes s’enchaînent comme des perles sur un collier (l’effeuillage d’Alice Sapritch, Fufu avec son perroquet, le flamenco d’Yves Montand…), l’interprétation est explosive avec évidemment un Louis de Funès au mieux de sa forme, d’autant plus que le comédien trouve ici l’occasion de réaliser une première approche du personnage cupide et fourbe d’Harpagon qui l’a toujours fasciné et qu’il interprètera dans son adaptation de L’Avare en 1980.
Le test a été réalisé sur check-disc. Cette édition très collector contient 3 galettes : le Blu-ray du film, un Blu-ray consacré aux bonus et un CD Audio avec la BO de Michel Polnareff.
Le menu principal du premier disque est très élégant, animé sur la mythique partition de Michel Polnareff. Le menu du deuxième disque est fixe et musical. Signalons que La Folie des grandeurs avait déjà bénéficié d’une édition HD en 2010, mais ne comprenait que le premier disque.
La première galette dispose de la bande-annonce constituée de prises alternatives et du même documentaire rétrospectif, déjà présent sur l’édition DVD sortie en 2002, puis repris sur le Blu-ray sorti dans les bacs en juin 2010. Ce module intelligemment intitulé La Folle heure des grandis (39’) a été réalisé en 2002 par Stéphane Lerouge et Thibault Carterot. Il croise les interventions de Gérard Oury, Danièle Thompson, Marcel Jullian, Jean-Claude Sussfeld, Yves Montand et Louis de Funès, évidemment via des images d’archives ou réalisées à l’occasion de ce documentaire, par ailleurs très complet. Il contentera les amateurs d’anecdotes de tournage puisque chaque interlocuteur évoque la genèse du film - prévu à la base pour réunir une nouvelle fois Bourvil et Fufu - ainsi que la disparition de Bourvil, l’engagement d’Yves Montand, la transposition parodique de Ruy Blas de Victor Hugo, le tout étant largement illustré d’images et de photos de tournage.
Tous les suppléments présents sur le second Blu-ray sont inédits et ont été concoctés exprès pour cette nouvelle édition !
On commence par un entretien de Jean Pieuchot (21’), régisseur général sur des films aussi variés que Le Doulos, Le Corniaud, Le Diable par la queue et évidemment La Folie des grandeurs. Du haut de ses 92 ans, notre interlocuteur évoque ses souvenirs liés au film de Gérard Oury. Ses propos, certes décousus mais attachants, sont légendés par des photos de tournage. Toutefois, certaines anecdotes pourront paraître redondantes avec ce qui a été entendu dans le documentaire rétrospectif.
Alléluia ! L’éditeur joint un reportage absolument passionnant sur la création de la bande originale du film ! Stéphane Lerouge, spécialiste de la musique de cinéma, Grégroire Caux (compositeur) et Léon Rousseau (restaurateur sonore) reviennent tout d’abord sur l’engagement de Michel Polnareff par Gérard Oury et la singularité de ce choix dans le panorama cinématographique français d’alors. Une fois les évènements remis dans leur contexte, les trois intervenants se penchent sur la création de chaque thème musical du film avec une passion très contagieuse. Stéphane Lerouge se concentre sur le côté rétrospectif et analytique de la bande originale, Grégoire Caux nous rejoue quelques-uns des plus beaux thèmes créés par Michel Polnareff en nous faisant une petite démo au piano, tandis que Léon Rousseau revient rapidement sur la restauration de la bande sonore réalisée à l’aide du mixage Stéréo issu de la version 33 tours de bande originale, nécessaire pour la création du mixage de l’édition Blu-ray et permettre ainsi un plus large spectre phonique.
Les fans de Louis de Funès vont être aux anges. En effet, Gaumont joint le documentaire sobrement intitulé Monsieur de Funès (1h25), réalisé par Grégory Monro en 2013 à l’occasion des trente ans de la disparition de l’immense comédien. Louis de Funès reste l’un des acteurs préférés des Français et ses films, inlassablement diffusés, n’ont pas pris une ride. Il faut voir les enfants rire aux éclats devant un extrait du Grand restaurant !
Quel est le secret de cet immense succès dans l’Hexagone et les pays étrangers ? Comment l’engouement se perpétue-t-il à travers les générations ? Alliant rigueur, humour et émotion, cette enquête marquée par des extraits de nombreux films, des propos de journalistes du monde entier, interroge la célébrité de cet homme unique à la filmographie si riche (160 millions d’entrées cumulées), du début à la fin de sa carrière, des petits rôles jusqu’à sa consécration (populaire) tardive à l’âge de 50 ans. Interviennent dans ce documentaire Louis de Funès (via de nombreuses images d’archives), et par ordre alphabétique Bernard Alane, Alexandre Astier, Raphaël Berdugo, Dominique Besnehard, Sébastien Bohler, Jamel Debbouze, Mylène Demongeot, Bertrand Dicale, Guillaume Gallienne, Miriam Hollstein, Cyril Jarousseau, Zuzana Kopetkova, Serge Korber, Ousmane Noël M’Baye, Richard Mowe, Valère Novarina, Michal Prochazka, Maurice Risch, Marcel Rufo, Gloria Satta, Patrice Thibaud, Pascal Thomas, Danièle Thompson, Jean-Baptiste Thoret, Eric Tolédano, Odile Tremblay, Roger Van Hool et Claude Zidi.
Le master HD du film de Gérard Oury n’est pas aussi éclatant que d’autres titres de la collection. La restauration est encore une fois admirable et rares sont les tâches subsistantes. Toutefois, La Folie des grandeurs est un film se déroulant souvent dans les dédales du palais et seules les séquences tournées en extérieur demeurent les plus lumineuses de ce transfert. La profondeur de champ déçoit, le piqué pâtit des scènes tournées dans des décors sombres et manque de mordant. Néanmoins, quelques séquences sortent du lot et font honneur au support. Notons également la beauté de certaines ambiances tamisées, qui contre toute attente se révèlent les plus ciselées du lot. La colorimétrie est néanmoins assez terne voire blafarde (voir le vert délavé des pompons de Don Salluste ou le bleu délavé des myosotis), le relief des matières est passable et les visages demeurent souvent cireux.
Le grain est plutôt discret, les fourmillements limités (merci à l’encodage AVC) et la stabilité de mise sauf sur le générique en ouverture avec des credits qui tremblent et le visage de Fufu qui semble clignoter, la gestion des contrastes est aléatoire et la définition manque parfois d’homogénéité.
L’élément inédit de cette nouvelle édition de La Folie des grandeurs est la présence d’un mixage français DTS-HD Master Audio 5.1 réalisé à partir du mixage Stéréo issu de l’album 33 tours de la bande originale. Une fois le film enclenché, la balance frontale se révèle pétaradante et délivre avec fracas le thème de Michel Polnareff, soutenu par quelques basses. Seulement les latérales sont un peu à la traîne et ne servent souvent que d’écho à la musique. Les enceintes avant et arrière manquent d’harmonie et d’équilibre, les frontales étant nettement plus poussées que les latérales. Les dialogues demeurent solidement plantés sur la centrale, mais la musique se détache de manière artificielle par rapport au reste. Ce nouveau mixage 5.1 sert uniquement d’écrin pour la musique, mais n’attendez pas plus, aucun effet arrière ne se fait entendre.
De son côté, le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 instaure un confort acoustique fort probant et solide. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise et les silences sont denses. Notons toutefois que certains échanges semblent avoir été repris en postsynchronisation - c’est le cas pour le Roi d’Espagne et Don César - et qu’un sensible décrochage se fait ressentir.
L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une version anglaise, également en DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1.
Crédits images : © Gaumont