L'Ultimatum des trois mercenaires (1977) : le test complet du Blu-ray

Twilight's Last Gleaming

Réalisé par Robert Aldrich
Avec Burt Lancaster, Roscoe Lee Browne et Joseph Cotten

Édité par Carlotta Films

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Le 02/12/2013
Critique

Le dimanche 16 novembre 1981 s’annonce comme une journée tranquille pour David Stevens. Le président des États-Unis ignore qu’au même moment des évadés de prison sont en train de s’infiltrer dans une base militaire du Montana, afin de prendre le contrôle de neuf missiles nucléaires. Leur meneur, Lawrence Dell, est un ancien général de l’US Air Force condamné pour meurtre. Introduit avec succès dans le silo 3, Dell contacte l’état-major et impose ses conditions : de l’argent ainsi qu’une extradition à bord d’Air Force One pour lui et ses hommes. En sus, le renégat ordonne au Président de révéler un document confidentiel sur l’intervention américaine au Vietnam. En cas de refus, les fusées nucléaires seront lancées…

Librement adapté du roman d’anticipation Viper 3 de Walter Wager, L’Ultimatum des trois mercenaires - le titre original Twilight’s Last Gleaming tiré des paroles de l’hymne américain est tellement plus beau - est justement considéré comme étant le dernier chef-d’oeuvre de Robert Aldrich, mythique réalisateur des Douze Salopards, Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, Le Grand couteau et En quatrième vitesse.

Thriller virtuose enfin proposé en version intégrale et restaurée en 2013, conforme au montage original du cinéaste, L’Ultimatum des trois mercenaires, réalisé en 1977, est un immense plaisir de cinéphile, spectaculaire, singulier, magistralement réalisé, mis en musique par Jerry Goldsmith et interprété par des comédiens d’une classe folle menés par Burt Lancaster - qui signe sa quatrième collaboration avec le metteur en scène après Bronco Apache, Vera Cruz et Fureur Apache - mais aussi par d’autres monstres sacrés, Richard Widmark, Melvyn Douglas et Joseph Cotten. Ce casting explosif est plongé dans une intrigue politique et polémique spectaculaire, qui a d’ailleurs inspiré celle de Rock réalisé par Michael Bay en 1996, se déroulant en temps réel à l’instar de 24 heures chrono, Robert Aldrich n’hésitant pas à avoir recours au split-screen (parfois jusqu’à 4 écrans multiples) multipliant ainsi les points de vue et les actions simultanées (ainsi que leurs ambiances chaotiques) avec élégance et dextérité.

Le réalisateur, ouvertement de gauche, se penche sur la Guerre du Viêt Nam, ses causes (floues) et ses conséquences (désastreuses) en montrant un Président des Etats-Unis, interprété par l’exceptionnel Charles Durning, intègre et dernier défenseur de la démocratie décidé à rendre publiques les raisons inavouables de cette guerre atroce, sous peine de voir des armes nucléaires s’abattre sur quelques villes soviétiques, déclenchées sur la simple pression d’un bouton par un des mercenaires éponymes (mené par un ancien général de l’US Air Force désavoué) ayant pris le contrôle d’une base militaire américaine. Pour cela il est entouré de ses conseilleurs politiques et militaires qui rechignent de leur côté à divulguer les tenants de ce document classé top-secret.

L’Ultimatum des trois mercenaires démontre avec brio que Robert Aldrich en avait encore sous le capot. Ouvertement contestataire, ce chef d’oeuvre provocateur, brutal, haletant, amer, visionnaire (l’action se déroule d’ailleurs cinq années dans l’avenir) et paranoïaque, dresse un tableau sombre, pessimiste, mais non dépourvu d’humour noir des rouages politiques, des institutions américaines et de ses acteurs qui ne parviennent plus à maintenir une relation honnête avec le peuple. Robert Aldrich passe du point de vue des politiques (corrompus ?) à celui des mercenaires (défenseurs de la démocratie ?) décidés à faire éclater la vérité. A ce titre, les longues séquences de dialogues se révèlent autant, si ce n’est plus passionnant que les scènes d’action. Les deux camps s’affrontent et s’observent à travers des écrans qui leur renvoient des images capturées grâce à des caméras de surveillance omniprésentes. L’image et le reflet sont donc également au coeur de l’intrigue, même si ce qui demeure vrai et dangereux se déroule dans l’angle mort, comme pour la pseudo-démocratie américaine.

A sa sortie, le film a été mutilé par les distributeurs dans de nombreux pays, y compris en France avec une version réduite à 90 minutes au lieu des 145 originales, dénaturant complètement le message politique, ironique et engagé dans le but de se focaliser presque uniquement sur les séquences d’action comme une série B ordinaire. Grave échec commercial et critique dans les années 1970, il est temps aujourd’hui de réhabiliter cet immense et sombre brûlot politique, ce chef-d’oeuvre oublié et film préféré de son auteur.

Présentation - 4,5 / 5

La superbe jaquette, reprenant le visuel de l’affiche de la ressortie 2013, est glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même recouvert d’un surétui. Le menu principal est fort élégant, animé et musical. La sérigraphie du Blu-ray est très sobre.

Bonus - 4,0 / 5

Outre la bande-annonce de la ressortie 2013 et les credits du Blu-ray, nous trouvons un documentaire intitulé Aldrich à l’assaut de Munich : Le tournage de L’Ultimatum des trois mercenaires (HD, 66’), réalisé par Robert Fischer en 2012, proposant un retour sur tournage du film de Robert Aldrich avec les témoignages d’Adell Aldrich (la fille du cinéaste), Alain Silver (co-auteur de What Ever Happened to Robert Aldrich ? : His Life ans His Films) et de nombreux techniciens (caméraman, assistant-réalisateur) et acteurs, à l’instar de l’excellent Gerald S. O’Loughlin (91 ans au compteur) qui interprète le Gen. O’Rourke.

Chacun s’exprime avec passion sur les débuts du metteur en scène à Hollywood, ses premiers succès, le casting de L’Ultimatum des trois mercenaires, sur le tournage (qui s’est déroulé à Munich pour des raisons budgétaires), sur une séquence coupée au montage qui mettait en scène Vera Miles dans le rôle de la femme du Président des Etats-Unis (photos à l’appui), sur l’accueil frileux à sa sortie (et parallèlement les coupes diverses et variées imposées), les thèmes explorés et l’usage des split-screen. Attention, visionnez ce documentaire après avoir vu le film puisque de nombreux éléments, y compris la fin, y sont révélés. L’ensemble est largement illustré par des photos de plateau et marqué par de nombreuses anecdotes passionnantes.

Image - 5,0 / 5

La qualité de ce nouveau master restauré HD 2K (issu du négatif original) par la Bavaria Media en 2012 au format 1.85 respecté est exceptionnelle et le film de Robert Aldrich renaît littéralement devant nos yeux ébahis. Les contrastes affichent d’emblée une densité inédite, la copie est d’une propreté immaculée, aucune scorie n’a survécu au lifting numérique, le piqué est fort impressionnant sur les gros plans (la sueur, la rosacée de Burt Lancaster) et les détails abondent surtout sur les plans diurnes en extérieur qui sont à couper le souffle. Si l’on excepte deux ou trois plans flous, ces menus accrocs sont bien trop anecdotiques compte tenu de la clarté éblouissante, des noirs concis, du grain cinéma respecté, de la colorimétrie vive et du relief inattendu. Enfin, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute tenue qui offre un indéniable équilibre aux fabuleux split-screen réalisés en postproduction.

Son - 4,0 / 5

Imputable à une version intégrale inédite, Carlotta propose une piste unique anglaise DTS-HD Master Audio 1.0 avec ses sous-titres français imposés, qui restitue habilement les dialogues, les effets annexes et la géniale composition de Jerry Goldsmith. Dépourvue de souffle, dynamique, riche, limpide, propre, cette version offre de parfaites conditions acoustiques.

Crédits images : © Geria/Bavaria Media/Lorimar Studios

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm