Réalisé par Henri Verneuil
Avec
Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo et Suzanne Flon
Édité par EuropaCorp
L’hôtelier d’une petite station balnéaire de Normandie a juré à sa femme de ne plus toucher à un verre d’alcool. C’était sans compter avec l’arrivée de Fouquet qui surgit avec la tentation…
Forts de leurs précédentes collaborations sur Des gens sans importance (1956) et Le Président (1961), Jean Gabin et Henri Verneuil se retrouvent en 1962 pour l’adaptation du roman éponyme d’Antoine Blondin (prix Interallié en 1959), Un singe en hiver. Quelques années auparavant, une première tentative de transposition avait été refusée par la MGM qui n’y voyait qu’une simple et honteuse histoire d’alcooliques. Après le projet d’adaptation du roman Au large d’Eden de Roger Vercel, abandonné suite au refus de Jean Gabin (faute de pied marin), le studio revient finalement sur sa décision. Henri Verneuil obtient le feu vert pour Un singe en hiver.
Aujourd’hui, ce grand classique, ce chef-d’oeuvre du cinéma populaire français demeure la plus grande et la plus belle cuite du 7e Art hexagonal. Sur un scénario et des dialogues signés Michel Audiard, Jean-Paul Belmondo, étoile montante de la Nouvelle Vague tout juste révélé par A bout de souffle et le « Vieux » Gabin, ressuscité par Touchez pas au grisbi (1954), livrent une prestation extraordinaire, les deux étant parfaits d’alchimie. Avec son élégance habituelle, Henri Verneuil soigne sa mise en scène et plonge les spectateurs autant que ses personnages, dans une ivresse sensorielle, émouvante, alcoolisée certes - au point que le Ministère de la Santé a longtemps refusé de donner son visa pour la sortie du film pour cause « d’apologie de l’alcool » - mais terriblement poétique et nostalgique.
Il faut voir Jean Gabin renaître au contact de la pile électrique Bebel qui lui rappelle sa jeunesse, son rêve d’aventures, sa folie, son rejet des responsabilités, un fils qu’il n’a pas eu. « T’es mes vingt ans » déclare le vieil Albert au « môme » Gabriel lors d’une soirée mémorable où l’alcool coule à flots. Henri Verneuil enchaîne les scènes cultes comme des perles sur un collier à l’instar du flamenco et de la corrida endiablée exécutée par Bebel avec les voitures à l’entrée de la ville devant une foule en délire.
Rencontre choc de deux générations d’acteurs, Un singe en hiver marque également l’une des plus belles associations du cinéma français, celle entre Henri Verneuil et Jean-Paul Belmondo, qui devaient se retrouver ensuite pour les magnifiques Cent mille dollars au soleil (1963), Week-end à Zuydcoote (1964), Le Casse (1971), Peur sur la ville (1975), Le Corps de mon ennemi (1976) et, plus légèrement, Les Morfalous (1984).
Le superbe digibook renferme le Blu-ray du film, ainsi qu’un petit livret exclusif de 16 pages richement illustré, qui délivre quelques notes de production signées Marc Toullec, tirées essentiellement des suppléments. Le menu principal est animé sur quelques séquences cultes du film.
En plus de la bande-annonce originale (en HD), nous trouvons un documentaire rétrospectif (HD - 29’), réalisé par Jérôme Wybon, ponctué d’images et de photos de tournage, ainsi que d’archives filmées sur le plateau comme les interviews des comédiens et du réalisateur. Ce module croise les propos de Jacques Bar (producteur), Henri Verneuil (au son et à l’image altérés), Philippe Lombard (journaliste), Claude Pinoteau (assistant-réalisateur), Michel Audiard (scénariste, dialoguiste), Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin. Ce module très bien fait passe en revue la genèse du projet, le casting, la rencontre puis l’amitié de Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo (réunis par leur amour du sport), la direction d’acteurs d’Henri Verneuil, le tout marqué par de nombreuses et savoureuses anecdotes de tournage.
Nous trouvons également un petit reportage de cinq minutes réalisé à Villerville, rebaptisée Tigreville dans Un singe en hiver, mettant en parallèle les lieux de tournage à l’époque et ce qu’ils sont devenus 50 ans après. L’ensemble est illustré par les propos de Claude Pinoteau, repris des interviews du premier segment.
Fort d’un master au format respecté 2.35 et d’une compression AVC, ce Blu-ray au format 1080p en met souvent plein les yeux, même si la définition tend à flancher sur les séquences sombres et nocturnes. En effet, en basse lumière, la gestion du grain devient chancelante, l’ensemble devient poreux et le piqué s’émousse. En revanche, passé un générique légèrement tremblant, les séquences diurnes s’avèrent resplendissantes, luminescentes même, et profitent clairement de l’apport HD. La restauration est étincelante, les contrastes d’une densité souvent impressionnante, la stabilité de mise, les gris riches, les blancs éblouissants et les détails étonnent par leur précision. Toutefois, les stock-shots utilisés lors du bombardement se voient toujours comme le nez au milieu de la figure, quelques flous sporadiques font parfois une apparition remarquée et quelques séquences paraissent plus douces. Cela n’empêche pas de s’extasier devant l’indéniable beauté de ce master HD !
L’éditeur est aux petits soins avec le film d’Henri Verneuil puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout quand Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo poussent la chansonnette, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Le superbe thème musical signé Michel Magne est savamment restitué. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, les dialogues sont clairs, même si certains échanges se révèlent parfois plus couverts.
Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
Crédits images : © Cité Films / EuropaCorp