Les Orgueilleux (1953) : le test complet du Blu-ray

Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Yves Allégret
Avec Michèle Morgan, Gérard Philipe et Víctor Manuel Mendoza

Édité par Pathé

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Le 27/01/2014
Critique

Dans un petit village mexicain frappé par une épidémie de méningite, deux êtres en perdition se rencontrent : Georges, ex-médecin français exilé au Mexique, véritable épave ayant sombré dans l’alcoolisme, et Nellie, une jeune femme qui vient de perdre son mari, emporté brutalement par la méningite. Seule dans un pays qu’elle ne connaît pas, elle va rencontrer Georges, un homme à la fois rebutant et fascinant. Tous les deux doivent redonner un sens à leur vie. Sous un soleil accablant, l’épidémie, elle, continue de se propager…

Yves Allégret a largement contribué à la renommée internationale de Gérard Philipe à la fin des années 1940, dans le sublime Une si jolie petite plage. Depuis ce chef-d’oeuvre, le comédien est devenu le jeune premier que les cinéastes s’arrachent, l’idole des jeunes, la plus grande star du cinéma français.

En 1953, Gérard Philipe retrouve Yves Allégret pour Les Orgueilleux, adapté d’une histoire initialement écrite par Jean-Paul Sartre dix années auparavant sous le titre Typhus, dont l’intrigue se déroulait en Indochine. Cette histoire dramatique finalement transposée au Mexique et totalement reprise par le réalisateur, permet à Gérard Philipe de casser son image en interprétant - comme l’indiquait la bande-annonce d’époque - une loque humaine, une pauvre épave imbibée d’alcool. Au sommet de sa notoriété, l’acteur préféré des français se met en danger en interprétant Georges, un ancien toubib qui noie son chagrin dans l’alcool depuis qu’un de ses actes ait entraîné la mort de sa femme durant son accouchement. Il est sublime dans ce contre-emploi.

Face à lui, Michelle Morgan, également au top de sa célébrité et de son succès, compose également un personnage complexe, attachant, ambigu. De cette rencontre entre cette femme, une touriste française tout juste veuve, qui se retrouve seule au Mexique, sans ressources, avec cet homme autodestructeur, qui s’avilit pour (sur)vivre comme il l’entend, va naître évidemment une passion inattendue. Une collision entre deux êtres que tout semble séparer, qui va pourtant les transformer à mesure qu’ils s’affrontent. Subjugué par le Mexique, Yves Allégret n’oublie pas la dimension documentaire en insistant sur les us et coutumes du pays, qui n’en finissent pas, y compris durant l’épidémie de méningite qui emporte les hommes, les femmes et les enfants.

Magnifiquement photographié, Les Orgueilleux déroule son récit de manière languissante, quasi-sensuelle, surtout quand Yves Allégret filme les corps en sueur dont celui de Michelle Morgan, très légèrement vêtue, comme dans la célèbre séquence de la piqûre lombaire. Oeuvre d’atmosphère étouffante, fiévreuse, enivrante, Les Orgueilleux subjugue de la première à la dernière image, même si la fin optimiste imposée par les producteurs détonne par rapport au reste. Qu’importe, ce n’est pas la dernière séquence que l’on retient de ce film magnifique, mais les corps poisseux, le soleil écrasant, la crasse environnante, la maladie et la mort qui rodent, la danse endiablée de Gérard Philipe pour une bouteille de tequila, Nellie se rafraîchissant le corps avec des glaçons. Magnétique et hypnotique.

Présentation - 3,5 / 5

Le test a été réalisé sur check-disc. Le produit dans le commerce se présente sous forme d’un digibook cartonné avec le DVD et le Blu-ray du film. Le menu principal est très beau, animé et musical.

Bonus - 3,5 / 5

Comme pour les suppléments de l’édition Blu-ray d’Une si jolie petite plage et de La Fièvre monte à El Pao, nous retrouvons les mêmes quatre intervenants, Francis Huster (acteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste), Alain Ferrari (réalisateur, scénariste, écrivain), Gérard Bonal (écrivain) et Olivier Barrot (journaliste, écrivain, producteur et animateur de télévision). Chacun intervient cette fois sur l’ascension de Gérard Philipe (18’) et sur l’oeuvre d’Yves Allégret qui nous concerne.

Si l’emphatique Francis Huster a toujours l’air aussi déconnecté et parti dans des délires que ne renierait pas JCVD, les propos se complètent intelligemment et en apprennent longuement sur la carrière de Gérard Philipe. Francis Huster n’hésite pas à dire que Les Orgueilleux est un des dix plus grands films de l’histoire du cinéma français, tandis que les autres se penchent plus sur le désir du comédien de casser son image de jeune premier, grâce au rôle de Georges (longuement analysé) dans l’oeuvre d’Yves Allégret. Le scénario est également passé en revue, tout comme certaines séquences marquantes (la danse endiablée contre une bouteille de tequila, la piqure lombaire), le casting et la réunion à l’écran des deux plus grandes stars du cinéma français d’alors, Michelle Morgan et Gérard Philipe.

En plus d’une galerie de photos et de la bande-annonce d’époque (qui insiste sur le contre-emploi de Gérard Philipe et les scènes dénudées de Michelle Morgan), nous trouvons également un immanquable documentaire réalisé en 1972 intitulé Au cinéma ce soir (25’). Dans cette émission télévisée, Yves Allégret et Michelle Morgan partagent - chacun de leur côté - leurs souvenirs liés au tournage des Orgueilleux.

Ce module issu de l’INA permet d’entendre le cinéaste parler de la genèse du film, adapté d’une histoire de Jean-Paul Sartre écrite dix ans auparavant sous le titre Typhus, mais aussi des conditions exténuantes de tournage au Mexique, leur collaboration respective avec Gérard Philipe, la psychologie des personnages et la fin initialement prévue et tournée, mais refusée par les producteurs et les distributeurs qui ont imposé un dénouement heureux et optimiste pour pouvoir brosser les spectateurs dans le sens du poil, au grand dam d’Yves Allégret. L’éditeur aurait gagné à retirer les longs extraits du film qui ralentissent le rythme de ce module.

Image - 5,0 / 5

Impossible de faire mieux ! Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’une compression AVC, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture avec une définition qui laisse souvent pantois. La restauration numérique 2K a été confiée aux bons soins du laboratoire de L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna en 2013 et se révèle étincelante. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé, sans lissage excessif. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies (la séquence de la piqûre lombaire par exemple), cela demeure franchement anecdotique car les séquences nocturnes sont aussi soignées que les scènes claires, le piqué est aussi tranchant qu’inédit, la stabilité de mise, les fondus enchaînés fluides et les détails étonnent par leur précision, à l’instar des visages en sueur des comédiens. Il n’est pas interdit de de s’extasier devant la beauté de ce master HD !

Son - 4,0 / 5

L’éditeur est aux petits soins avec le film d’Yves Allégret puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables, à l’instar du chant des mariachis qui ouvrent le film, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, les dialogues clairs, dynamiques, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle.

Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm