Le Bonheur (1935) : le test complet du Blu-ray

Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Marcel L'Herbier
Avec Charles Boyer, Gaby Morlay et Michel Simon

Édité par Pathé

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Le 19/05/2014
Critique

Fervent anarchiste, Philippe Lutcher méprise la société, gangrénée par des simulacres d’idoles dont l’enrichissement et la gloire ne tiennent qu’à l’amour aveugle du public. Clara Stuart, grande star de cinéma capricieuse et égoïste, représente cette mascarade que Lutcher cherche à éliminer. Alors qu’il s’apprête à commettre l’irréparable, il se laisse pourtant troubler par l’aura de sa victime, et ne parvient pas à la tuer. Lors de son procès, Lutcher, ardemment défendu par l’amour inattendu que lui porte la jeune femme, va rapidement retrouver la liberté et vivre une idylle aussi passionnelle qu’ambigüe avec celle qu’il méprisait.

Considéré comme l’un des films les plus beaux et les plus émouvants des années 1930, Le Bonheur de Marcel L’Herbier est un mélodrame qui a vieilli certes, mais qui demeure souvent passionnant. La star du film c’est tout d’abord Charles Boyer. Le comédien avait fait ses premiers pas au cinéma en 1920 dans L’Homme du large, déjà mis en scène par Marcel L’Herbier. Avant Le Bonheur, les deux hommes s’étaient déjà retrouvés dans L’Épervier en 1933. C’est avec Le Bonheur, adapté de la pièce de théâtre d’Henry Bernstein, que l’acteur obtiendra son billet pour Hollywood où il deviendra une star internationale.

Charles Boyer avait déjà créé le rôle tourmenté de Philippe Lutcher sur la scène du Théâtre du Gymnase. Soyons francs, même si sa partenaire Gaby Morlay est vraiment excellente et que l’indispensable gouaille de Paulette Dubost fait mouche à tous les coups, nous n’avons d’yeux que pour le comédien. Son regard sombre, sa prestance, son éloquence restent intacts, époustouflants même, à l’instar de la longue et célèbre séquence de procès qui reste réellement bluffante.

La deuxième star du film est sans aucun doute le cinéaste avant-gardiste, Marcel L’Herbier. En effet, 80 ans après sa sortie dans les salles, la virtuosité de la mise reste vraiment époustouflante. Les mouvements audacieux et élégants de sa caméra, vraisemblablement hérités de la période muette du réalisateur (L’Argent, immense chef-d’oeuvre) sont souvent hallucinants, d’une extraordinaire fluidité, loin du théâtre filmé dans lequel il aurait pu tomber et transcendent un scénario somme toute conventionnel. On en prend plein les yeux.

Maintenant, il faut bien admettre que ce drame amoureux qu’est Le Bonheur a pris quelques rides. L’intérêt tend à s’émousser, le rythme est lent, les personnages ne sont guère attachants - mise à part Michel Simon qui en fait des tonnes dans la peau d’un manager gay - et la première partie peine à instaurer un rythme de croisière. Mais on oublie ces défauts, car le film de Marcel L’Herbier est un superbe objet de cinéma, doublé d’un hommage au métier de cinéaste (un film dans le film avec une mise en abyme troublante), d’une qualité stylistique ahurissante et qui égratigne judicieusement le vedettariat, les acteurs narcissiques toujours en représentation, y compris dans la vie privée.

Présentation - 3,5 / 5

Le bonheur arrive enfin en vidéo en version restaurée, à partir d’un master 2k, dans la collection éponyme de Pathé. Le test a été réalisé sur check-disc. Le digibook vendu dans le commerce comprend le Blu-ray et le DVD du film. Le menu principal est animé et musical.

Bonus - 3,0 / 5

On démarre cette section par le module intitulé Le Bonheur rêvé de Marcel L’Herbier (18’). Le critique et enseignant N.T. Binh et les historiens du cinéma Laurent Véray et Mireille Beaulieu analysent de manière passionnante le film de Marcel L’Herbier. Le fond est habilement croisé avec la forme, les thèmes brillamment abordés et les personnages bien disséqués. Le réalisateur intervient via quelques images d’archives.

S’ensuit une présentation (4’) fort maladroite et simpliste du Bonheur par Sophie Seydoux, lors de la projection du film de Marcel L’Herbier à l’Institut Lumière de Lyon en 2013.

Nous trouvons également un extrait du court métrage réalisé par Marcel L’Herbier en 1939, La Mode rêvée (3’). Destiné à promouvoir la haute couture française à l’Exposition de New York, le film est une commande du gouvernement et sa trame sert de prétexte à présenter les modèles des grands couturiers parisiens des années trente dont les mannequins jouent leur propre rôle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce restaurée du Bonheur.

Image - 4,5 / 5

La restauration numérique 2K du Bonheur a été confiée aux bons soins du laboratoire L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna. A l’instar de ses récentes sorties en Haute Définition (Une si jolie petite plage, Les Orgueilleux, La Fièvre monte à El Pao), ce Blu-ray made in Pathé en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture avec une définition qui laisse souvent pantois. Ce nouveau master HD au format 1080p/AVC ne cherche jamais à atténuer les partis pris esthétiques originaux. L’aspect flouté et ouaté de certains plans résulte des choix des prises de vues et de l’utilisation de filtres par Marcel L’Herbier.

La copie se révèle souvent étincelante et pointilleuse en terme de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la stabilité est de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé, bien qu’il s’avère plus ou moins appuyé selon les scènes. Les fondus enchaînés spécifiques sont vraiment les seuls moments où la définition chancelle quelque peu, mais cela ne dure que quelques secondes. L’ensemble reste fluide et réellement plaisant.

Il serait difficile de faire mieux sans que cela dénature les volontés artistiques. Cette édition HD ressuscite l’oeuvre de Marcel L’Herbier.

Son - 3,0 / 5

Cela coince un peu plus sur le confort acoustique. La bande-son a également été restaurée à partir des meilleurs éléments disponibles, autrement dit un négatif original son. La piste DTS-HD Master Audio Mono peine toutefois à trouver un équilibre convenable. Certains dialogues demeurent franchement étouffés, chuintants, tandis que d’autres demeurent honnêtement intelligibles. Un léger souffle se fait entendre, l’ensemble manque cruellement d’ardeur et de clarté, les effets annexes sont lointains et certaines saturations musicales font vibrer les tympans, comme quand Gaby Morlay entonne Le Bonheur n’est plus un rêêêêêve.

L’éditeur joint également une piste Audiovision, ainsi que les sous-titres anglais et français pour les spectateurs sourds et malentendants, ce qui n’est pas inutile dans ce cas précis.

Crédits images : © Pathé

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm