Boudu sauvé des eaux (1932) : le test complet du Blu-ray

Boudu, un clochard parisien lassé de la société tente de se suicider en se jetant dans la Seine. Il est repêché par Lestingois, un libraire aux idées libérales, qui s’efforce de le racheter socialement. Mais Boudu préfère passer le plus clair de son temps à semer le désordre chez son bienfaiteur et à courtiser sa femme.

Quand on évoque Michel Simon, on associe immédiatement le comédien à son rôle de Boudu. Adapté d’une pièce de théâtre de Réné Fauchois montée en 1925 dans laquelle l’acteur interprétait déjà le célèbre clochard - ou « tous les clochards du monde » selon Jean Renoir - Boudu sauvé des eaux demeure l’un des films les plus célèbres et populaires du réalisateur de La Règle du jeu. Ayant déjà collaboré dans Tire au flanc (1928), On purge bébé (1931) et juste avant dans La Chienne (1931), c’est sur une demande de Michel Simon (en tant que producteur) que Jean Renoir, d’abord peu emballé par le projet, accepte de mettre en scène cette comédie cynique, dont l’humour a aujourd’hui pris pas mal de rides. Etrangement, il faut attendre le dernier tiers de cette fable pour retrouver l’inimitable griffe du cinéaste, sa verve et sa finesse d’observation lors de cette célèbre séquence où Boudu renverse la barque avec toute la smala et en profite pour se faire la malle. Ces quelques minutes symbolisant la liberté et l’anarchie sont absolument sublimes. Il n’y a rien d’étonnant quand on sait que cette partie n’apparaissait pas dans la pièce originale et fut rajoutée par Jean Renoir lui-même pour le cinéma.

Malheureusement, la première heure patine sérieusement et on est loin des nombreux sommets cinématographiques de Jean Renoir. Certes Michel Simon s’en donne à coeur joie dans le rôle de ce clodo, parfois filmé à l’insu des passants en caméra cachée, qui crache dans Balzac et se tape la femme de son sauveteur, mais le rythme est mal géré, de trop nombreuses longueurs et redondances se font ressentir et aujourd’hui cette comédie sociale - les bourgeois c’est comme les cochons… - apparaît bien trop sage et finalement peu réjouissante.

Le personnage principal reste quand même attachant, surtout dans sa liberté de ton et ses nombreuses allusions sexuelles. Boudu sauvé des eaux a connu un important échec commercial et critique à sa sortie, à tel point que le film fut rapidement retiré de l’affiche puisque jugé indigne et virulent envers la petite bourgeoisie. Depuis, le film considéré comme un chef d’oeuvre, passe pour être l’un des plus diffusés dans les cinémathèques du monde entier.

Le test a été réalisé sur check-disc. Le menu principal est animé et musical. Cette édition comprend le Blu-ray et le DVD du film.

Cette édition HD reprend l’entièreté des suppléments de l’édition DVD sortie en 2010. Toutefois, cela reste bien trop léger et emballé en 15 minutes. Il s’agit principalement de bonus issus des archives de l’INA et de Gaumont Pathé Archives.

Les deux premiers modules proposent une interview de Michel Simon par Pierre Tchernia (1969, 2’) et une présentation de Boudu sauvé des eaux par Jean Renoir (1962, 2’).

Michel Simon revient sur la façon dont il a abordé le personnage, au théâtre tout d’abord, puis comment il est devenu producteur sur l’adaptation au cinéma de la pièce de René Fauchois. C’est d’ailleurs le comédien qui a choisi Jean Renoir pour mettre en scène Boudu sauvé des eaux, juste après le tournage de La Chienne. Michel Simon se souvient ensuite des séances marquées par de nombreuses protestations qui nécessitaient l’intervention de la police.

Durant sa présentation, Jean Renoir, avec sa gouaille légendaire, encense l’interprétation de Michel Simon, parle un peu technique en expliquant comment certaines séquences montrant Boudu sur les quais ont été volées à l’insu des passants, grâce à des objectifs habituellement destinés à la captation de fauves en Afrique.

Les deux autres segments donnent encore une fois la parole à Jean Renoir (3’) et Michel Simon (7’). Le premier évoque la méthode de Michel Simon pour créer le personnage de Boudu ainsi que son rapport avec les comédiens et son amour pour les femmes hérité de son père. Plus nostalgique est le petit documentaire sur Michel Simon réalisé dans les années 1970 alors que l’acteur est âgé de 75 ans. On le voit seul, déambuler dans sa grande propriété de Noisy-le-Grand (construite par Gambetta), se souvenir de son arrivée à Paris pour devenir le comédien, évoquer sa traversée du désert jusqu’au coup de téléphone de Claude Berri pour Le Vieil Homme et l’Enfant en 1966. Ensuite, Michel Simon se promène dans sa maison en ruines de Genève où il est né et a grandi. Après avoir sifflé la Marseillaise à son mainate (qui reprend la mélodie), Michel Simon se promène dans les rues de Paris où le public le reconnaît et l’encense. Ce module se clôt sur quelques images de L’Ibis rouge de Jean-Pierre Mocky, dernier film de l’acteur décédé en 1975.

Seul élément inédit de cette interactivité : un très court extrait d’interview (42 secondes !) du réalisateur américain Paul Mazursky, auteur d’un remake de Boudu sauvé des eaux intitulé Le Clochard de Beverly Hills (1986) avec Nick Nolte, Richard Dreyfuss et Bette Midler.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos.

La restauration numérique 2K de Boudu sauvé des eaux a été confiée aux bons soins de Digimage (Paris) et du laboratoire de L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna. A l’instar de ses récentes sorties en Haute-Définition (Une si jolie petite plage, Les Orgueilleux, La Fièvre monte à El Pao), ce Blu-ray made in Pathé en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture avec une définition qui laisse souvent pantois. Ce nouveau master HD au format 1080p-AVC est issu d’un négatif image original nitrate et d’un marron de conservation. L’aspect flouté et ouaté de certains plans résulte des choix des prises de vues et de l’utilisation de filtres par Jean Renoir.

La copie se révèle souvent étincelante et pointilleuse en terme de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la stabilité est de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont également fluides et n’occasionnent pas de décrochages. A l’exception d’un plan très abîmé (35e minute), il serait difficile de faire mieux sans que cela dénature les partis pris originaux. Cette édition HD ressuscite l’oeuvre de Jean Renoir, d’autant plus que pour la première fois, Boudu sauvé des eaux est présenté dans sa version intégrale avec la fameuse scène, censurée et jugée scandaleuse à l’époque, dans laquelle Michel Simon crache sur la Physiologie du mariage d’Honoré de Balzac.

Cela coince un peu plus sur le confort acoustique…Egalement restaurée à partir des meilleurs éléments disponibles, autrement dit une copie d’exploitation positive. Impossible d’utiliser les éléments originaux incomplets et chimiquement compromis. La piste DTS-HD Master Audio Mono peine toutefois à trouver un équilibre convenable. Certains dialogues demeurent franchement étouffés, chuintants, tandis que d’autres demeurent honnêtement intelligibles. Bien que dépourvu de souffle ou de craquements, l’ensemble manque cruellement d’ardeur, les effets annexes sont lointains et certaines saturations musicales font vibrer les tympans. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français pour les spectateurs sourds et malentendants, ce qui n’est pas inutile dans ce cas précis.

Crédits images : © Pathé