Chromosome 3 (1979) : le test complet du Blu-ray

Soignée pour des problèmes psychiques, Nola Craveth est suivie par le docteur Hal Raglan, inventeur d’une thérapie révolutionnaire : les psychoprotoplasmes. Les patients extériorisent leurs troubles mentaux par des manifestations physiques et organiques telles que plaies, pustules ou excroissances dermiques. Bientôt, la fille de Nola est victime d’étranges sévices, puis certains de ses proches sont sauvagement assassinés. Mais personne ne peut imaginer l’horrible vérité engendrée par les expériences de Raglan.

C’est un peu par hasard que le canadien David Cronenberg (né en 1943) arrive dans le milieu du cinéma, lui qui avait dans l’idée de devenir écrivain malgré des études de sciences…qui l’avaient conduit à un diplôme en littérature. Il se fait très vite un nom dans le cinéma « underground » et passe au long métrage en 1969 avec Stereo. Il réalise ensuite Crimes of the Future (1970), puis connaît sa première consécration avec Frissons en 1975 suivi de Rage (1977) - financés par des sociétés de production habituellement centrées sur les films pornographiques - qui font de lui un nouveau maître de l’horreur et du fantastique. Très influencé par les névroses et les phobies de l’être humain, passionné par la psychanalyse, David Cronenberg pose les bases de son cinéma et ses thèmes de prédilection, les mutations du corps humain, la sexualité, le corps médical, la maladie, explosent véritablement dans Chromosome 3 - The Brood en version originale.

Rétrospectivement, cette oeuvre s’avère une des plus personnelles de son auteur puisque directement inspirée par un drame survenu dans la propre vie du réalisateur, celui de l’enlèvement de sa fille par sa femme qui avait «  trouvé refuge  » dans une secte « antipsychiatrique ». Cronenberg avait été obligé de kidnapper sa progéniture pour la sauver. Si la première partie de Chromosome 3 peut sembler un poil lente, le cadre est sans cesse maîtrisé, la direction d’acteurs est impeccable (Oliver Reed, parfait), le malaise va crescendo jusqu’à la révélation, celle de la naissance des enfants de la rage et des pulsions refoulées du personnage incarné par Samantha Eggar, qui a marqué tous les esprits des cinéphiles.

Thriller schizophrénique, cérébral, troublant, métaphorique (sur l’éclatement de la cellule familiale), clinique, complexe, paranoïaque et souvent violente (la séquence à l’école), Chromosome 3 n’est peut-être pas un chef d’oeuvre et demeure souvent étouffant sans quelques soupapes d’humour, mais demeure l’une des pierres fondatrices du cinéma de David Cronenberg et révélait en même temps un nouveau compositeur, Howard Shore.

La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel d’une des affiches originales du film. Le menu principal est animé sur la composition d’Howard Shore.

Plus d’une heure de suppléments au programme ! Il s’agit en fait de cinq longues interviews de David Cronenberg (13’), du chef opérateur Mark Irwin (14’), du producteur Pierre David (11’), des comédiens Art Hindle et Cindy Hinds (20’) et de l’acteur Robert A. Silverman (10’), réalisées en 2013. Rares sont les photos issues du tournage du film proprement dites, mais les propos tenus à travers ces différents entretiens valent le détour.

David Cronenberg se souvient de ses débuts dans le cinéma et évoque le tournage de ses premiers longs métrages jusqu’à Chromosome 3. Les autres partagent également leurs souvenirs liés au tournage du film qui nous intéresse. Nous retiendrons notamment la rencontre avec Mark Irwin qui revient longuement et de manière passionnante sur ses diverses collaborations avec le cinéaste. Le producteur s’attarde un peu trop sur la façon dont le financement a été trouvé pour pouvoir tourner Chromosome 3, même si les anecdotes de tournage sont une fois de plus sympathiques à écouter, dont les soirées arrosées d’Oliver Reed. De leur côté, si l’entretien avec Robert A. Silverman part dans tous les sens et a finalement raison de notre patience, celle de Cindy Hinds et d’Art Hindle, arrosée de popcorn dans le plus vieux cinéma de Toronto, est aussi drôle qu’empreinte de nostalgie.

Chromosome 3 arrive en Blu-ray dans nos contrées au format 1.77 (16/9, compatible 4/3)…1080i (AVC). Pour son quatrième long métrage, David Cronenberg a de nouveau fait appel à son chef opérateur de Fast Company, Mark Irwin. La photo fait la part belle aux bruns, gris et noirs contrastés. Ces teintes sont joliment restituées et les noirs se révèlent concis, à l’instar de la première séquence qui voit Oliver Reed bien ressortir sur un fond uni durant une séance thérapeutique. Les partis-pris cliniques trouvent en HD un nouvel écrin, la copie affiche une propreté remarquable, même si le teint des comédiens tire sur le rosé. Si l’on peut déplorer un sensible manque de définition sur certains plans plus ambrés et des visages parfois un peu lisses, les détails ne manquent pas de mordant, le relief est précis (surtout sur les séquences en extérieur) et le piqué est étonnamment tranchant.

La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Au premier abord on pouvait craindre le pire. Il n’en est rien, bien au contraire. Cette option acoustique séduisante permet à la composition enivrante d’Howard Shore d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère du film. Les effets latéraux ajoutés ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, même si le caisson de basses n’a rien à faire pendant 1h25. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique.

Les fans de la version française devront se contenter d’une piste mono DTS-HD Master Audio. Cette version se révèle assez percutante et propre, mais certains dialogues s’avèrent sensiblement grinçants.

Dommage que les sous-titres français soient imposés sur la version originale. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel.

Crédits images : © Pathé