Baal (1970) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Volker Schlöndorff
Avec Rainer Werner Fassbinder, Sigi Graue et Margarethe von Trotta

Édité par Carlotta Films

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Le 12/05/2015
Critique

Photo Baal

Le jeune poète anarchiste Baal erre à travers les forêts et les autoroutes, clamant son art dans les bouges et les appartements huppés de ses mécènes. Son appétit pour la vie, l’amour et l’alcool le mène d’expériences sexuelles multiples en aventures dangereuses…

Volker Schlöndorff (Le Tambour, L’Honneur perdu de Katharina Blum, Diplomatie) adapte la première pièce de son compatriote dramaturge Bertolt Brecht (1918), en la transposant dans le présent de 1969 dont il saisit l’ambiance de révolte et de libération sexuelle. Entouré des comédiennes Margarethe von Trotta et Hanna Schygulla, Rainer Werner Fassbinder (accompagné de sa troupe de théâtre l’Antiteater) incarne à la perfection le personnage du poète autodestructeur Baal.

Longtemps invisible, Baal est un film maudit qui renaît de ses cendres. Après sa diffusion à la télévision à une heure de grande écoute au printemps 1969, Baal est vivement critiqué par les spectateurs (certains menacent de mort le réalisateur) et surtout conspué par Hélène Weigel, la veuve de Bertolt Brecht, qui demande immédiatement à ce que cette oeuvre soit interdite de diffusion. Ses héritiers ont ensuite respecté cette consigne en bloquant les droits. Il aura fallu attendre 45 ans pour que Baal soit à nouveau visible, grâce au travail acharné de Juliane Lorenz, monteuse des oeuvres de Fassbinder (Despair, L’Année des treize lunes, Berlin Alexanderplatz), dernière compagne du cinéaste allemand, son héritière et présidente de la fondation Rainer Werner Fassbinder. Après une sensationnelle restauration, le public peut enfin découvrir Baal.

Ce qui frappe d’emblée, c’est son caractère prophétique. Rainer Werner Fassbinder (1945-1982) est Baal, blouson de cuir élimé et clope au bec, et Baal est Fassbinder. Schlöndorff filme le visage suintant d’alcool du comédien, alors âgé de 24 ans (il vient à peine de terminer son premier film en tant que réalisateur), la caméra à l’épaule s’accroche à lui, au plus près, et filme un corps robuste mais gêné, entre force et fragilité, perdu dans le silence d’une forêt et la fureur d’un bistrot ouvrier. Impossible aujourd’hui de ne pas être troublé devant le caractère prémonitoire du destin de ce jeune poète rebelle, passionné et maudit, qui brûle la vie par tous les bouts, tourmenté par le monde asocial qui l’entoure, qui expérimente avec excès les drogues et le sexe en changeant sans arrêt de partenaires, en éclusant toutes les bouteilles de schnaps qui lui passe sous la main pour combler ce vide existentiel qui le ronge, avec celui de l’immense Rainer Werner Fassbinder lui-même.

Du point de vue formel, Baal est complètement atypique, libre, divisé - pour ne pas dire exploser - en chapitres comme autant d’humeurs du personnage principal. Difficile d’accès et surtout réservé aux cinéphiles passionnés par l’oeuvre et la vie de Fassbinder, Baal est un film étourdissant et vertigineux.

Photo Baal

Présentation - 5,0 / 5

La superbe jaquette est glissée dans un boîtier Blu-ray classique de couleur blanche, lui-même recouvert d’un surétui liseré rose. Le menu principal est élégant, fixe et musical. Encore un superbe objet made in Carlotta.

Bonus - 4,0 / 5

Le Poète et le cinéaste : Volker Schlöndorff à propos de Baal (46’) : Ne manquez surtout pas ce grand entretien exclusif réalisé par Robert Fischer en février 2015 à Berlin, au cours duquel Volker Schlöndorff revient sur la genèse de Baal, sa rencontre avec Rainer Werner Fassbinder et sa troupe, et parle du rejet initial de l’oeuvre par la veuve suivie par les héritiers de Brecht, une interdiction de diffusion qu’il a toujours voulue faire lever au cours de sa vie. Superbement illustré par des photos du tournage et des images d’une pièce de théâtre jouée par Fassbinder et ses comédiens (Anarchie en Bavière), ce module absolument passionnant revient sur la résurrection de Baal. Le cinéaste replace ce film dans sa carrière et indique qu’il s’agissait pour lui d’un nouveau départ après quelques déconvenues comme Michaël Kohlhaas en 1969. Divisé en plusieurs chapitres comme le film, cet entretien aborde la pièce de théâtre de Brecht, son découpage («  parfait pour le cinéma, plus que pour le théâtre  » indique Schlöndorff), sa transposition, la production, les partis pris adoptés, la préparation. Evidemment, le cinéaste évoque longuement le parallèle troublant entre la vie et le destin de Rainer Werner Fassbinder (très beau portrait dressé) et de son personnage de Baal, tout en se remémorant quelques souvenirs du tournage. On apprend également que Daniel Cohn-Bendit avait même été pressenti pour le rôle principal… vous avez bien lu.

Sentiment et raison : Christian Braas Thomsen à propos de Fassbinder et Brecht (9’) : Le cinéaste Christian Braad Thomsen, ami danois de Fassbinder et expert de son oeuvre, trouve davantage de Fassbinder - surtout lorsqu’il aborde le caractère autodestructeur de ce dernier et le compare avec son personnage de Baal - que de Brecht dans la pièce Baal et s’en émerveille. Une réflexion sur l’artiste en conflit avec la société. «  50 ans avant Fassbinder, Baal avait été écrit pour lui  » dit notre interlocuteur.

Nous trouvons également les credits du disque.

Photo Baal

Image - 4,0 / 5

Quasiment dès l’année de sa diffusion à la télévision, Baal avait complètement disparu de la circulation. Il y a seulement trois ans, la dernière compagne de Fassbinder, Juliane Lorenz, obtient enfin le feu vert pour ressusciter l’oeuvre de Volker Schlöndorff… mais personne ne savait où le film était passé… jusqu’au jour où quelques boîtes rouillées qui traînaient sur une étagère ont été ouvertes… Pour le reste, c’est encore l’éditeur lui-même qui en parle le mieux :

Baal a été remastérisé en 2013 à partir du scan des trois négatifs 16mm originaux fournis par la production. Le scanner utilisé était un appareil à spot lumineux de modèle Cintel C-Reality équipé pour des scans en HD, 2K et 4K et fonctionnant avec un procédé d’immersion au perchloréthylène. Il s’agit d’un des derniers modèles de scanner entièrement équipé, incluant une gamme complète d’outils d’étalonnage et de réglages des contrastes. Le tube cathodique à spot lumineux permet d’obtenir une image d’une précision excellente, différente de celle obtenue avec les appareils actuels à source lumineuse de type LED.

Avant de procéder au scan, les bobines ont été étalonnées chimiquement plan par plan, plus précisément à l’aide de variations de densité dynamiques, afin de conserver un maximum d’éléments du négatif. Le scan a été effectué à une vitesse de cinq images par seconde, une vitesse volontairement lente afin d’éviter des sautes d’images non désirées aux changements de plan. Certaines parties du négatif présentaient des déchirures ou des réparations : elles ont été scannées image par image.

Le procédé d’immersion, de par sa nature, a permis d’éliminer de façon optique tous les défauts sur le côté non imprimé de la pellicule au moment du scan. Par conséquent, les rayures et autres défauts présents sur ce côté sont complètement éliminés lorsque le scan numérique s’effectue.

Des défauts et rayures présents du côté émulsion de la pellicule demeurent cependant visibles car l’émulsion a été partiellement éliminée, ce à quoi le perchloréthylène ne peut remédier. Sur Baal, de nombreuses rayures sur l’émulsion restaient car elles étaient présentes sur le négatif.

La vérification de copies a montré que ces rayures sur l’émulsion apparaissaient déjà au moment de sa diffusion et avaient sûrement été causées lors de la production ou du développement du négatif. Ces rayures verticales sont présentes dans certaines scènes seulement.

Photo Baal

Après avoir constitué un scan 2K pré-étalonné des images 16mm, Volker Schlöndorff a eu l’opportunité de visionner une vidéo afin de décider des travaux de restauration à effectuer. Il a donné des indications précises, dans une liste détaillée, sur ce qui devait être corrigé ou non. Le but n’était pas de rendre le film propre et lisse, mais de conserver son aspect brut et parfois «  sale  » puisqu’il avait été conçu ainsi.

A la fin des travaux de restauration de l’image, Volker Schlöndorff a demandé à Igor Luther son caméraman et collaborateur de longue date, de superviser l’étalonnage final du film. La dernière étape a été la synchronisation avec la bande son remasterisée par le compositeur du film Klaus Doldinger.

Une fois les travaux terminés, des fichiers master HD ont été fabriqués à partir de l’élément 2K et convertis au format DCP à 24 images par seconde.

Vous avez suffisamment d’informations maintenant ! Le résultat final est bluffant. La photo spéciale est donc savamment restituée avec un format plein cadre 1.33 respecté et aux contours flous, une stabilité impressionnante, un grain bien maîtrisé et parfois une clarté étonnante. Une véritable expérience.

Son - 4,0 / 5

Seule la piste allemande DTS-HD Master Audio est proposée. Celle-ci a également fait l’objet d’une minutieuse restauration afin de supprimer souffle, craquements et autres parasites sonores. Volker Schlöndorff avait imposé le son direct sur Baal et le matériel retrouvé était en parfait état comparé à l’image. Mise à part quelques rares instants de faiblesse, ce mixage est une agréable réussite et la musique est dynamique.

Photo Baal

Crédits images : © Carlotta

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
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Franck Brissard
Le 14 mai 2015
Volker Schlöndorff (Le Tambour) adapte Brecht et confie le rôle-titre à Rainer Werner Fassbinder, quasi-inconnu du grand public. Invisible pendant 45 ans, cette oeuvre rare s'avère troublante et prophétique.

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Baal
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