Réalisé par Serge Korber
Avec
Jean Lefebvre, Dany Carrel et Bernard Blier
Édité par Gaumont
Goubi, paysan naïf de l’Allier, rêve de visiter Paris. Quand l’occasion se présente. A peine arrivé dans la capitale, il se perd dans le grand marché des Halles, rencontre un patron tyrannique qui le prend sous sa protection, et La Fleur, une prostituée au grand coeur qui rêve d’herbage et de grand air.
Monsieur Graffouillères, vous êtes un meneur !. Une grève-surprise ?… Bravo ! Trente tonnes de barbaque sur le carreau alors qu’on crève de faim à Chandernagor ?… Hourra ! Monsieur Graffouillères, vous êtes un meneur et vos p’tits camarades des inconscients ! Vous semblez oublier, en effet, mes amis, que vous n’êtes que des salariés, c’est-à-dire les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste !… Des chômeurs en puissance ! Le chômage… Le chômage et son cortège de misères… Y avez-vous pensé ? Finie, la p’tite auto, finies les vacances au Crotoy, fini l’tiercé… C’est pourquoi, mes amis, si vous avez des revendications d’salaire à formuler, vous m’adressez une note écrite et j’la fous au panier, et on n’en parle plus. Nous sommes bien d’accord ?
C’est un petit chef d’oeuvre, très cher pour l’auteur de ces mots. Inspiré du roman éponyme de René Fallet paru en 1966, Un idiot à Paris de Serge Korber, réalisateur de L’Homme orchestre et Sur un arbre perché, deux films avec Louis de Funès, est un miracle, un film d’une infinie tendresse, drôle, attachant, divinement interprété par Jean Lefebvre, probablement dans son meilleur rôle (pour la première fois en tête d’affiche), la délicieuse Dany Carrel alias Juliette, dite La Fleur, putain amoureuse des bêtes, des fleurs et de la nature, et toute une ribambelle de personnages satellites interprétés par Bernard Blier aka Léon Dessertine, mandataire en viandes et ancien de l’assistance, Robert Dalban (Patouilloux, le maire de Jaligny), Bernadette Lafont (la Berthe Patouilloux, la fille du maire), Paul Préboist (le gardien fatigué du parc public), Yves Robert (Marcel Pitou, évadé de son HLM), André Pousse (Marcel, le chauffeur de taxi au langage fleuri), Jean Carmet et Fernand Berset (les frères Grafouillères), Albert Rémy (Rabichon, le restaurateur amateur des fleurs du bitume), Paul Le Person (Jean-Marie Laprune, le nouveau bredin du village) et même Pierre Richard dans une de ses premières apparitions à l’écran dans le rôle d’un agent de police.
Tout ce petit monde va croiser le chemin de Goubi, gentil bredin d’un petit village de l’Allier qui aime jouer du bidon entre deux boulots dans les champs, débarquant à Paris, un rêve devenu réalité. Avec les merveilleux dialogues d’Audiard, sa superbe musique mélancolique de Bernard Gérard, Les Coeurs tendres de Jacques Brel qui ouvre le film, et sa succession de rencontres poétiques, décalées, tordantes et émouvantes, Un idiot à Paris est une oeuvre dont on ne se lasse pas et dont on ne se lassera jamais.
Je suis ancien combattant, militant socialiste, et bistrot. C’est dire si, dans ma vie, j’en ai entendu, des conneries !
Le Blu-ray d’Un idiot à Paris, édité par Gaumont, se présente avec un boîtier plastique blanc (notre test a été réalisé sur un check-disc). Le menu principal est étonnamment peu recherché, fixe et muet, classique de la collection Gaumont à petit prix…
Gaumont reprend l’entièreté des suppléments, disponibles sur le DVD édité en 2005. On retrouve donc le petit documentaire rétrospectif intitulé En frôlant l’asphalte (15’), un récit du tournage composé d’entretiens avec Serge Korber et Dany Carrel. Le réalisateur revient sur la genèse du film, sa rencontre et le travail avec Michel Audiard, tandis que la comédienne partage ses souvenirs liés au tournage d’Un idiot à Paris.
Ceux qui auront envie de réviser leur argot pourront compter sur un petit module (Le Petit Audiard illustré) expliquant de manière ironique via quelques animations rigolotes, certains mots et expressions entendus dans Un idiot à Paris, comme micheton, salingue, étalage, boîte à dominos, BNCI.
Les apophtegmes du petit cycliste (5’) servent en réalité de promotion pour les films scénarisés et dialogués par Michel Audiard avec les prostituées - ou les fleurs du bitume - comme thème central, à travers les extraits de grands classiques disponibles en DVD et Blu-ray chez Gaumont.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, composée de prises alternatives.
Le master HD au format 2.35 respecté du film de Serge Korber n’est pas aussi éclatant que d’autres titres de la collection. La restauration est indéniable et rares sont les tâches subsistantes. Toutefois, le Blu-ray d’Un idiot à Paris va en décevoir plus d’un car seules les séquences tournées en extérieur demeurent les plus lumineuses de ce transfert. La profondeur de champ déçoit, le piqué pâtit des scènes tournées dans des décors assez froids et manque de mordant. Quelques séquences sortent du lot et font honneur au support. Notons également la beauté de certaines ambiances plus tamisées, qui contre toute attente se révèlent les plus ciselées du lot.
Mais la colorimétrie est assez terne, le relief des matières est passable et les visages demeurent souvent cireux. Le grain est plutôt discret, les fourmillements limités (merci à l’encodage AVC) et la stabilité de mise durant le générique, avec des credits qui tremblent, des noirs poreux, des plans flous et un manque de définition évident. Heureusement, cela s’améliore au fil du visionnage. À titre de comparaison, les contrastes sont beaucoup plus équilibrés que sur l’édition SD.
Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique probant et solide. Quelques dialogues paraissent étouffés, d’autres sont au contraire délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise et les silences sont denses. Notons toutefois que certains échanges semblent avoir été repris en postsynchronisation et qu’un sensible décrochage se fait ressentir avec le son direct, parfois au cours d’un échange.
L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Gaumont