Le Cri du sorcier (1978) : le test complet du Blu-ray

Comme chaque année, le médecin psychiatre Robert Graves organise un tournoi de cricket entre les membres de son asile psychiatrique et les habitants du petit village qui l’héberge. Afin d’arbitrer la partie, il s’associe à un mystérieux patient, Crossley, persuadé d’avoir le pouvoir surnaturel de tuer grâce à son cri. Plus intéressé par la discussion que par le fait de compter les points, le malade se lance dans le récit de sa vie, marqué par l’apprentissage de la sorcellerie avec une tribu aborigène d’Australie, au cours duquel il a tué ses deux enfants. Mais ce n’est que le début d’un parcours terrifiant, qui va le mener chez les Filding, un couple anglais tout ce qu’il y a de plus normal, sur lequel il va exercer son emprise maléfique.

Avec Le Cri du sorcier, The Shout, produit par Jeremy Thomas (Le Dernier Empereur, Crash), le cinéaste polonais Jerzy Skolimoswki (Travail au noir, Deep End, Essential Killing) signe un chef d’oeuvre marqué par une narration trouble, une atmosphère étrange, un montage surprenant porté par un casting parfait : Tim Curry, John Hurt, Alan Bates, Susannah York. Récompensé au 31e Festival de Cannes en 1978 par le Grand Prix du Jury, Le Cri du sorcier, adapté d’une nouvelle de Robert Graves, hypnotise littéralement le spectateur dès les premières séquences, pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin.

Honnêtement, il est difficile de réaliser la critique du Cri du sorcier puisque le film de Jerzy Skolimoswki se ressent plus qu’il ne s’explique ou se dissèque. C’est une histoire d’emprise, de fascination, de possession. Réellement fascinant et virtuose dans sa mise en scène, dans le ton adopté, entre drame et fantastique, Le Cri du sorcier met mal à l’aise et fait peur. Alan Bates se délecte de son rôle ambigu et inquiétant face à un John Hurt magnifique, complètement désemparé et qui perd petit à petit ses repères face à cet homme qui s’incruste sans crier gare chez lui, en prenant sa place dans le lit de sa femme, avant de lui voler son épouse envoûtée. La musique de Tony Banks et Mike Rutherford (du groupe Genesis) sans oublier le synthétiseur de Rupert Hine et le travail sur le son lui-même (la séquence du cri flanque la frousse !), participent à la séduction, à l’enchantement, à l’incantation même, que l’on ressent dès les premières minutes, à l’instar du Théorème de Pier Paolo Pasolini auquel on peut rattacher ce mystérieux Cri du sorcier.

N’oublions pas la superbe photographie ouatée et éthérée du chef opérateur Mike Molloy qui contribue à nous placer dans un état proche de l’hallucination. Une expérience perturbante et définitivement marquante, à ne manquer sous aucun prétexte.

Le Cri du sorcier est édité en Blu-ray combo par Elephant Films, avec un joli fourreau cartonné et un boîtier plastique contenant le Blu-ray et le DVD du film. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier transparent, est vraiment très élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos, des credits et de liens internet, nous trouvons une présentation du Cri du sorcier par Jean-Pierre Dionnet (16’). Producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision, notre interlocuteur ne manque pas d’arguments pour replacer le film de Jerzy Skolimowski dans son contexte. La carrière du cinéaste et celle des comédiens, mais aussi l’équipe technique, les partis pris, les thèmes du film, tout ceci est abordé avec une passion contagieuse !

Nous ne sommes pas déçus ! C’est avec un plaisir immense que nous découvrons ce film de Jerzy Skolimowski dans de pareilles conditions ! D’emblée, la colorimétrie s’impose par sa luminosité, le relief est très appréciable et le piqué est souvent tranchant pour un film qui déjà plus d’un quart de siècle. Le chef-opérateur Mike Molloy voit sa photo ouatée merveilleusement restituée et offre un lot de détails conséquents. Si la profondeur de champ n’est guère exploitée, certains gros plans étonnent par leur précision, la clarté est de mise, les contrastes probants, la copie stable (merci au codec AVC), le grain bien géré et les noirs denses. N’oublions pas non plus la vertueuse restauration que l’on doit au British Film Institute et propreté de la copie, débarrassée de toutes les scories possibles et imaginables. Ce Blu-ray est en format 1080p et l’apport HD loin d’être négligeable.

Le mixage anglais PCM 2.0 (ce qui n’est pas mentionné sur la jaquette) et français DTS-HD Master Audio Stéréo instaurent un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux avec une balance gauche-droite excellemment équilibrée. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée et franche dans son rendu, notamment du cri éponyme. Attention les oreilles !

Crédits images : © Elephant Films