Réalisé par Christian-Jaque
Avec
Erich von Stroheim, Michel Simon et Armand Bernard
Édité par Pathé
Trois élèves du collège de Saint-Agil qui préparent en secret leur départ en Amérique, disparaissent mystérieusement les uns après les autres après avoir surpris une nuit, un homme louche dans l’établissement. Un professeur est assassiné après une dispute avec un de ses collègues…
Chef d’oeuvre incontournable du cinéma français de la fin des années 1930, Les Disparus de Saint-Agil, réalisé par Christian-Jaque, est adapté du roman éponyme de Pierre Véry publié en 1935. L’oeuvre de l’écrivain demeure l’une de ses plus grandes réussites avec Goupi-Mains rouges et L’Assassinat du Père-Noël, également transposés avec succès au cinéma. Rétrospectivement, Les Disparus de Saint-Agil rend compte de l’état d’esprit de la société française, plus particulièrement du point de vue innocent des enfants, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.
De son vrai nom Christian-Albert-François Maudet, Christian-Jaque a déjà plus d’une vingtaine de longs et moyens métrages à son actif quand il réalise Les Disparus de Saint Agil. Avec une ambiance quasi-fantastique, le cinéaste adopte le point de vue d’adolescents pensionnaires d’un internat. Trois d’entre eux, Beaume, Sorgue et Macroy, se réunissent parfois clandestinement la nuit. Ils s’installent dans une salle de classe de sciences naturelles où trône le squelette prénommé Martin, et évoquent leur désir de prendre la poudre d’escampette en direction des Etats-Unis. Leur association secrète, Les Chiches Capons, prend forme, tout comme leur projet d’évasion. Jusqu’au jour où Sorgue disparaît mystérieusement après avoir été convoqué chez le directeur. Tout le petit monde du collège est en émoi, les élèves et les professeurs se confrontent.
Le scénario de Jean-Henri Blanchon respecte le roman de Pierre Véry, mais ce qui fait le charme inaltérable des Disparus de Saint-Agil est la plume de Jacques Prévert, qui bien que non crédité au générique, signe les merveilleux dialogues du film. L’interprétation est au diapason. Si Serge Grave (Baume), Jean Claudio (Sorgue) et Marcel Mouloudji (Macroix), d’un naturel confondant, campent les trois formidables jeunes héros de cette étrange histoire, ils sont savamment épaulés par le monstre Erich von Stroheim (Walter, le professeur d’anglais) et Michel Simon (Lemel, le professeur de dessin), qui se crêpent le chignon. La mise en scène de Christian-Jaque n’est en rien figée et insuffle un rythme toujours aussi soutenu aujourd’hui grâce à des travellings particulièrement brillants. A l’instar d’une enquête à la Agatha Christie, le spectateur est mis dans la peau d’un témoin pris malgré lui dans une affaire de disparitions.
Certes le jeu des jeunes comédiens apparaît aujourd’hui quelque peu désuet, mais Les Disparus de Saint-Agil demeure un vrai miracle, l’intrigue-jeu de pistes est formidable, l’atmosphère bien rendue et l’interprétation remarquable. Pour l’anecdote, le générique en ouverture et le thème principal auraient largement inspiré George Lucas pour le célèbre déroulant des Star Wars, ainsi que John Williams pour la Marche de l’Empire.
Le Blu-ray et le DVD des Disparus de Saint-Agil reposent dans un superbe Digipack dans la collection Version restaurée par Pathé, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est très élégant, animé et musical.
A l’occasion de la sortie des Disparus de Saint-Agil en HD, Pathé nous propose un petit tour passionnant dans les coulisses des Laboratoires Eclair (20’). Les responsables des chefs de projets patrimoine, de la restauration numérique de l’image et du son, nous exposent les différents stades nécessaires à la résurrection des oeuvres, y compris de L’Assassinat du Père Noël (1941) et de Goupi Mains Rouges (1942).
Pour le reste, l’éditeur reprend les deux modules déjà présents sur le DVD sorti en 2006. Le premier est une discussion croisée (21’) entre Pierre Tchernia, le comédien Robert Rollis (décédé en 2007) et Noël Véry, fils du romancier Pierre Véry, auteur des Disparus de Saint-Agil et surtout pionnier du steadicam en France (Subway, Ripoux contre ripoux). C’est ce dernier qui mène le débat et qui questionne Monsieur Cinéma et l’acteur qui partage ses souvenirs liés au tournage.
Dans le deuxième supplément repris de l’édition DVD de 2006, nous retrouvons Pierre Véry, accompagné cette fois de Francis Lacassin (écrivain et éditeur, décédé en 2008) et de Jacques Baudou (éditeur, critique littéraire, essayiste) (11’). Cette discussion entre experts est évidemment plus pointue que la précédente et analyse en profondeur l’oeuvre de Pierre Véry.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
Fort d’un master au format respecté et d’une compression AVC, ce Blu-ray au format 1080p en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture. La restauration 2K - réalisée par les Laboratoires Eclair en 2014 - est étincelante, les contrastes d’une densité impressionnante, la copie est stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ évidente et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est parfois joliment acéré pour un film de la fin des années 1930 et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur les gros plans. Toutefois, quelques flous sporadiques font parfois une apparition remarquée et quelques séquences paraissent plus douces avec de sensibles décrochages sur les fondus enchaînés et de légers moirages.
L’éditeur est aux petits soins avec le film de Christian-Jaque puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio Mono. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, plutôt équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis, les dialogues sont dans l’ensemble clairs, dynamiques, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle.
Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé