Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause (1970) : le test complet du Blu-ray

Alexandre Liéthard (Bernard Blier) : Je crains déjà d’être importun, je ne voudrais pas être indélicat.
Francine (Mireille Darc) : Madame Mareuil est au courant, elle sait que vous êtes une ordure.
Alexandre Liéthard : Ah bon !

Germaine, dite Mémène, femme de ménage au-dessus de tout soupçon, n’a qu’un défaut, dont elle use avec naïveté ou machiavélisme : elle parle trop. Elle a trois employeurs : Francine Marquette, conseillère psychologique à la télévision, Lhiétard, caissier de banque libidineux, et Phalempin, tout dévoué à un patronage de quarante enfants. Tout en époussetant, Mémène surprend des secrets. Francine, qui est sur le point d’épouser un ministre, a participé dans sa jeunesse à des ballets roses. Lhiétard a puisé dans la caisse, et Phalempin chante tous les soirs, travesti en femme, dans un cabaret borgne. Les bavardages de Mémène informent chacun de ses employeurs des secrets mal gardés des autres…

Né en 1920, Michel Audiard commence sa longue, mythique et éclectique carrière de scénariste à la fin des années 1940. En 1968, il passe pour la première fois derrière la caméra avec Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Suite à ce grand succès avec plus de 2 millions d’entrées, il enchaîne l’année suivante avec Une Veuve en or avec Michèle Mercier, puis signe son plus grand triomphe dans les salles avec Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !.

Certes Michel Audiard n’a jamais brillé avec ses mises en scène, mais cet opus demeure une sympathique distraction, une fantaisie où les acteurs livrent de merveilleux numéros, tout en se délectant des dialogues truculents signés évidemment Audiard lui-même. Derrière ce titre à rallonge comme les affectionne Michel Audiard (Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques) nous trouvons une comédie aux scènes lâchement reliées entre elles, prétextes à une poilade entre amis, coécrite avec Michel Lebrun et Jean-Marie Poiré, d’après un roman de Fred Kassak. Ainsi, Bernard Blier s’avère comme toujours remarquable dans la peau d’un petit employé de banque obsédé sexuel qui va se livrer à un chantage odieux auprès avoir découvert qu’une ancienne prostituée (Mireille Darc, sublime) s’apprête à se faire passer la bague au doigt par le (probable) futur Premier ministre (Jean-Pierre Darras). Comment l’a-t-il appris ? Grâce à la femme de ménage (Annie Girardot, dont la gouaille explose à l’écran) de cette jeune femme starlette de la télévision. A tout ce beau monde, finalement manipulé par Germaine, se greffe la présence d’un prêtre éducateur pour enfants (Sim) qui arrondit ses fins de mois en chantant la nuit dans un club de travestis, habillé en libellule. C’est bon ou vous avez à peu près compris qu’ici tout est placé sous le signe de la déconnade ?

Malgré son rythme en dents de scie, l’ensemble demeure séduisant et gentiment gaulois. A noter qu’Annie Girardot, présentée comme étant le rôle principal, apparaît néanmoins en retrait par rapport à ses partenaires. Certains habitués du «  cinéma de papa  » sont présents à l’instar de Jean Carmet et Micheline Luccioni. En 1972, la même équipe (ou presque) se réunit à nouveau pour Elle cause plus… elle flingue, fausse suite toujours réalisée par Michel Audiard, mais qui n’obtient pas le même succès.

Alexandre Liéthard : C’est d’ailleurs parce que je comble une jeune personne de ma magnificence que je suis dans la détestable obligation de vous redemander un petit effort.
Francine : Mon argent chez une pute, avoue que c’est le comble !
Alexandre Liéthard : C’est le retour aux sources…
Francine : Grossier personnage !
Jannou : T’as vu sa tronche ? Il doit payer une surtaxe…
Alexandre Liéthard : Ah ! Votre amie est désagréable, je vous pénalise de dix pour cent. Ça fera vingt-deux mille en tout.
Francine : Où voulez-vous que je les prenne ?
Alexandre Liéthard : Ma chère amie, si je savais où trouver une somme pareille, je n’en serais pas réduit à d’aussi pénibles démarches !

Le Blu-ray d’Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, édité par Gaumont, se présente avec un boîtier plastique blanc (notre test a été réalisé sur un check-disc). Le menu principal est étonnamment peu recherché, fixe et muet, classique de la collection Gaumont à petit prix…

Cette section démarre par une présentation du film par son coscénariste Jean-Marie Poiré (12’), réalisée pour la sortie d’Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! En DVD en 2008. Les propos toujours amusants et bourrés d’anecdotes de ce dernier, sont illustrés par des images du tournage, ainsi que d’interviews rapides de Michel Audiard, Annie Girardot, Bernard Blier et Mireille Darc filmées sur le plateau. Jean-Marie Poiré se souvient de la méthode de travail de son fidèle complice, et évoque également la place des femmes dans le cinéma d’Audiard.

Nous trouvons ensuite un entretien avec Annie Girardot réalisé en 2002 (8’). La comédienne se penche sur ce film, très important dans sa carrière, qui lui a permis d’accéder à plus de rôles populaires qu’on ne lui proposait pas auparavant. Avec une grande émotion, Annie Girardot parle également de Michel Audiard, de leur relation, un homme qu’elle aimait et qui l’aimait, qui a su voir en elle ce que d’autres cinéastes n’avaient alors pas remarqué, le naturel comique.

Ceux qui auront envie de réviser leur argot pourront compter sur un petit module (Le Petit Audiard illustré) expliquant de manière ironique via quelques animations rigolotes, certains mots et expressions entendus dans Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, comme Gourance, louf, Yachting…

Les apophtegmes du petit cycliste (5’) servent en réalité de promotion pour les films scénarisés et dialogués par Michel Audiard avec le mariage comme thème central, à travers les extraits de grands classiques disponibles en DVD et Blu-ray chez Gaumont.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, un supplément à part entière puisque présentée par Michel Audiard lui-même qui s’adresse aux spectateurs.

Le master HD d’Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! n’est pas exempt de défauts mais se révèle globalement satisfaisant. A l’instar des autres titres de la collection Gaumont Classiques, cette copie au format respecté 1.66 bénéficie d’un traitement de faveur concernant la restauration et aucune scorie n’est à signaler. Soutenue par une solide compression AVC, l’image affiche une belle stabilité mais c’est au niveau des contrastes que cela gène légèrement car nous attendions une colorimétrie plus riche et ferme. Le grain cinéma demeure palpable, quelques flous sporadiques sont à noter. Ce sont finalement les séquences diurnes qui s’en tirent le mieux avec une clarté indéniable, des teintes pastelles plus variées et un piqué plus ciselé.

Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique probant et solide. Quelques dialogues paraissent étouffés, d’autres sont au contraire délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise et les silences sont denses. Notons toutefois que certains échanges semblent avoir été repris en postsynchronisation et qu’un sensible décrochage se fait ressentir avec le son direct, parfois au cours d’un échange.

L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Gaumont