Le Signe du païen (1954) : le test complet du Blu-ray

Sign of the Pagan

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Douglas Sirk
Avec Jeff Chandler, Jack Palance et Ludmilla Tchérina

Édité par Elephant Films

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Le 20/06/2016
Critique

Le signe du païen

Constantinople puis Rome en 453 après J.-C. : Attila nourrit l’ambition d’anéantir l’empire romain, au moyen de ses hordes de cavaliers Huns. Le centurion romain Marcian (devenu général grâce à l’amour de Pulcheria, soeur aîné de l’empereur Théodose II) réussit à convertir au christianisme la propre fille d’Attila. tandis que ce dernier est averti par des prophéties menaçantes que Dieu lui-même ne permettra pas sa victoire. Il en est progressivement convaincu mais décide pourtant de défier le destin jusqu’au bout.

Le Signe du païen (Sign of the Pagan) (USA 1954) de Douglas Sirk avec Jack Palance dans le rôle d’Attila, est un péplum à la fois historique et religieux, librement inspiré de l’histoire romaine ancienne, plus précisément de la période décadente des attaques barbares (*) contre l’Empire romain d’Orient et contre l’Empire romain d’Occident.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, il ne faut surtout pas confondre ce titre avec le contemporain et non moins beau plastiquement Attila fléau de Dieu (Attila flagello di Dio) (Ital.-Fr. 1954) de Pietro Francisci avec Anthony Quinn dans le rôle d’Attila. Le film de Francisci fut présenté en avant-première en décembre 1954 en Italie, celui de Douglas Sirk en novembre 1954 à Londres puis en décembre 1954 aux USA. Autant dire que ces deux titres furent tournés simultanément des deux côtés de l’océan Atlantique sans que l’un puisse avoir réellement influencé l’autre. Le scénario de Le Signe du païen donne la vedette féminine à Pulchéria (jouée par Ludmilla Tchérina) soeur aînée de l’empereur romain d’Orient Théodose II tandis que celui de Attila fléau de Dieu la donne à Honoria (jouée par Sophia Loren) soeur de l’empereur romain d’Occident Valentinien III. Dans le film de Francisci, Attila a un fils, dans celui de Sirk, une fille. Sur le plan esthétique, le film de Sirk est tourné en CinemaScope, pas celui de Francisci. Une comparaison attentive révélerait encore d’autres différences entre ces deux titres.

Le signe du païen

L’itinéraire d’Attila est, dans Le Signe du païen, celui d’une conversion progressive : ce barbare névrosé est fasciné par le modèle romain puis par la religion catholique. Il y a un aspect fantastique dans le scénario : les signes, prodiges, prophéties jouent un rôle important dans l’imaginaire religieux romain, encore plus important dans l’imaginaire barbare des Huns. Il y a aussi un aspect dialectique, au sens le plus hégélien du terme, dans son écriture : c’est parce qu’il incarne une force supérieure à celle d’un Etat romain d’Orient décadent que Attila s’élève tandis que sa chute correspond au moment où l’Etat romain d’Occident reprend les choses en main du point de vue militaire et du point de vue religieux. C’est parce que Marcian et Pulcheria manifestent une foi indéfectible, c’est parce que Marcian dépose Théodose et unifie le commandement militaire de Rome sous son autorité, que Rome incarne à nouveau l’esprit de l’histoire et rétablit la situation. Attila est victime de son unilatéralité : il incarne simplement le moment abstrait de la négation (la volonté de destruction), négation qui doit être niée à son tour par le surgissement d’un principe supérieur, à la vitalité plus énergique. Le symbole le plus étonnant et le plus puissant de cette dialectique est l’idée de faire tuer par Attila lui-même sa propre fille, dans un moment d’égarement, annonçant la chute définitive de sa lignée, vouée à retourner au néant. Au signe du païen (une épée, symbole de la force brutale) doit se substituer victorieusement le signe du chrétien (une croix) mais l’alliage ultime, l’ultima ratio, est finalement constitué par l’épée dont l’ombre forme une croix sous laquelle périt Attila, ici sacrifié par l’implacable logique de la philosophie de l’histoire qui sous-tend l’écriture du script. Il faut, à ce sujet, noter que cette mort n’est pas conforme à la vérité historique.

Le signe du païen

Douglas Sirk dispose de moyens matériels assez minces mais parfaitement exploités grâce au standard de qualité Universal de cette époque : sa direction d’acteurs est sûre, leur diction très nuancée et la photo, la musique, le montage sont d’un classicisme abouti, épuré, achevé. Certains plans évoquent parfois le romantisme et le symbolisme typiques de l’héritage plastique allemand de Douglas Sirk / Detlef Sierk. L’arrivée nocturne de Léon 1er sur un étang brumeux n’aurait ainsi pas dépareillé dans un film allemand expressionniste muet signé Fritz Lang. Bref, on l’aura compris, cet unique péplum signé Douglas Sirk mérite, à bien des égards, d’être redécouvert.

(*) Note sur l’histoire romaine du Ve siècle après J.-C. :
Au Ve siècle après J.-C., l’Italie, coeur de l’Empire romain d’Occident, fut, à plusieurs reprises, envahie par des chefs barbares : par Alaric (en 401-402 puis en 410 où il met Rome à sac), par Radagaise (en 405), par Attila (en 450-453), par Genséric et ses Vandales (sac de Rome en 455). C’est finalement Odoacre, un des officiers supérieurs barbares issus des rangs de l’armée romaine, qui prendra le pouvoir en 476, signant la fin de la dynastie impériale romaine d’Occident. Attila, durant son règne (435-453) sur les Huns (qui vivaient sur un territoire s’étendant depuis la Volga jusqu’au Rhin) menace d’abord l’Empire romain d’Orient de Théodose II : il lui réclame Constantinople. Ce dernier évite la guerre de justesse mais lui paye une rançon. Attila attaque ensuite l’Empire romain d’Occident parce que Valentinien III lui a refusé la main de sa soeur Honoria et parce qu’il lui a aussi refusé une dot qu’Attila prétendait devoir être constituée par la moitié des terres de l’Empire d’Occident. La célèbre ambassade composée du consul Avienus, du préfet Trigetius, du pape Léon, dissuade Attila de rentrer dans Rome. Il bat en retraite puis meurt (453). Son propre empire se disloque alors rapidement dans des guerres de succession fratricide, les Huns refluant finalement vers la Mer noire.

Le signe du païen

Présentation - 3,5 / 5

Edition spéciale combo Blu-ray + DVD Eléphant Films Full HD, collection CinéMasterClass, sous licence Universal. En supplément, deux présentations de Jean-Pierre Dionnet (une brève avant le film, une plus longue annexée aux autres bonus) ainsi qu’une galerie photos et une dizaine de bandes-annonces originales de films de Douglas Sirk. Image au format original respecté, son en VOSTF seulement. Test effectué sur check disc.

Bonus - 2,5 / 5

Deux présentations de Jean-Pierre Dionnet  : une qui précède automatiquement le film est succincte et sans aucun intérêt. Celle qui est annexée en supplément est beaucoup plus fouillée, précise, nourrie d’informations historiques. Le cinéphile cultivé n’apprendra rien qu’il ne sache déjà. Le novice pourra, en revanche, en tirer profit. Le ton sur lequel ces informations sont assenées, fait davantage songer à une séance de vente à la criée qu’à un commentaire d’histoire et d’esthétique du cinéma.

La galerie photos pose un problème : les documents N&B sont, de toute évidence, des documents argentiques originaux numérisés mais les images couleurs au format Scope 2.35 semblent être de simples captures Full HD effectuées d’après un arrêt sur image. Il n’y a aucune photo d’exploitation intégralement reproduite.

La dizaine de bandes-annonces de films de Douglas Sirk est intéressante : elles sont en VOSTF, parfois au format respecté (Ecrit sur du vent, Le Mirage de la vie, La Ronde de l’aube) parfois non (Le Signe du païen), parfois en bon état chimique, parfois non (encore le cas de Le Signe du païen). Telles quelles, ce sont des documents d’histoire du cinéma de première main qui donnent une idée de la manière dont Universal présenta au public américain les films classiques de Sirk.

Enfin, Dionnet présente rapidement une série de collections éditées par Elephant, vouées à divers cinéastes classiques : David Lean, Michael Powell, Alfred Hitchcock.

Au total, une édition spéciale, intermédiaire entre une édition simple ne contenant que le film et une édition collector contenant des suppléments de première main en grande quantité.

Le signe du païen

Image - 5,0 / 5

Le master HD de Le Signe du païen est au format original respecté 2.35 (ou 2.55 selon certaines sources) compatible 16/9 et l’image chimique est globalement très bien restaurée. Définition Full HD 1080p AVC. Certains plans d’ensemble des hordes de Huns semblent étalonnés d’une manière un peu différente du reste du métrage mais il s’agit peut-être de stock-shots empruntés à d’autres productions Universal. La photo signée Russell Metty, soigne particulièrement les scènes d’intérieurs et les scènes nocturnes, admirablement colorées et nuancées, ainsi que les plans rapprochés durant les dialogues.

Le signe du païen

Son - 2,5 / 5

VOSTF en DTS Master Audio mais aucune VF d’époque. Possibilité de visionner le film en VO sans STF. Report technique satisfaisant de la piste son américaine originale qui était stéréo quadriphonique, procédé Westrex. Les STF sont un peu petits mais nettement lisibles grâce à la Full HD. L’absence de VF d’époque (qu’elle ait existé ou non à l’époque de l’exploitation cinéma en exclusivité française, en avril 1955) me contraint à ne mettre que la moyenne à cette section.

Le signe du païen

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
Avis
Multimédia
Le Signe du païen
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