Réalisé par Douglas Trumbull
Avec
Bruce Dern, Cliff Potts et Ron Rifkin
Édité par Wild Side Video
À la suite d’un désastre écologique sans précédent, les derniers reliquats de la biosphère terrestre ont été transférés à bord de vaisseaux spatiaux en vue d’une réimplantation ultérieure. Parmi les membres de l’équipage du Valley Forge, le botaniste Freeman Lowell consacre toute son énergie à la sauvegarde de ces précieux spécimens. Lorsqu’il apprend que la destruction complète des installations a été ordonnée, il se révolte contre ses coéquipiers, fermement déterminé à poursuivre sa mission…
Voilà comment on imaginait l’avenir de la Terre au début des années 1970 ! Si l’action de Silent Running, également connu en France sous le titre Et la terre survivra, se situe en 2001, la fable et pamphlet écologiste de Douglas Trumbull n’a rien perdu de sa force en 2016, bien au contraire. Les scénaristes Deric Washburn (Voyage au bout de l’enfer), Michael « Mike » Cimino (sa première incursion dans le cinéma) et Steven Bocho (Capitaine Furillo, La Loi de Los Angeles) imaginent qu’au début du XXIe siècle, toute la végétation a disparu de la Terre. Guerre nucléaire ? Réchauffement climatique ? Rien ne l’indique. Nous apprenons seulement que le chômage et la pauvreté n’existent plus, que la température est de 24° partout sur la planète. Pour remédier à cet état de fait, on cultive dans l’espace de grandes serres en espérant ensuite les réimplanter librement à la surface, quand le climat et la terre le permettront. C’est à cette tâche que se consacre le botaniste Freeman Lowell à bord du vaisseau spatial Valley Forge, sur lequel il travaille avec trois autres collègues. Mais un jour, la décision tombe : les serres doivent être détruites pour des raisons économiques. La mission est annulée. Si ses coéquipiers - qui passent leur temps à jouer au poker - sont ravis en apprenant cette décision qui leur permettra de rentrer sur Terre, Freeman se rebelle. Il se réfugie dans une des quatre serres, bien décidé à conserver la flore (ainsi que quelques animaux de la forêt) à laquelle il a consacré près de dix ans de sa vie. Idéaliste, passionné, Freeman franchit malgré lui le point de non-retour. Tandis qu’explosent les trois serres annexes, il tue un de ses coéquipiers qui était sur le point de se débarrasser du dernier dôme.
Bien qu’il n’ait connu aucun succès dans les salles à sa sortie en 1972 en raison d’une absence totale de publicité, Silent Running est devenu un film culte et emblématique. Cette oeuvre de science-fiction et d’anticipation est le premier long métrage de Douglas Trumbull, pionnier des effets spéciaux - on lui doit ceux de 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en 1968 et ceux du Le Mystère Andromède de Robert Wise en 1971 - qui n’avait jamais mis en scène auparavant. Possédant un solide bagage technique, Douglas Trumbull s’entoure d’artisans comme Charles F. Wheeler à la photographie, qui a fait ses classes auprès des cinéastes Stanley Kramer, John Cassavetes et George Roy Hill, ainsi que le monteur Aaron Stell (Du silence et des ombres, La Soif du mal). Les studios Universal acceptent de lui confier un budget d’un million de dollars. Expert dans les techniques visuelles et mécaniques, Douglas Trumbull relève le défi et obtient même carte blanche, ainsi que le final cut ! Pour le premier rôle, il engage le comédien Bruce Dern, jusqu’alors cantonné dans les rôles de types louches, fous et dangereux. En raison de son budget réduit, le réalisateur réquisitionne le porte-avions USS Valley Forge, sur le point d’être démantelé. Contre une somme modique, Douglas Trumbull y installe la quasi-entièreté de son équipe et y fait construire les décors de son film. Le porte-avions devient un véritable studio de cinéma où tous les départements sont présents. Le bâtiment donne également son nom au vaisseau spatial du film. Le tournage, qui allait durer 32 jours, peut commencer.
Silent Running s’impose comme un des films de science-fiction les plus singuliers des années 1970. Bien qu’il n’y ait aucune bataille galactique ou rencontre extraterrestre, ce premier long métrage de Douglas Trumbull, présenté en compétition à la première édition du Festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1973, lance un avertissement sur l’avenir écologique de la Terre. Visionnaire - il sera aussi responsable des effets spéciaux sur Rencontres du troisième type, Star Trek : Le film et Blade Runner - Donald Trumbull utilise à bon escient les moyens mis à sa disposition pour alerter les hommes quant aux conséquences de leurs actes sur la nature. Ecrit et mis en scène durant l’une des périodes les plus troubles du XXè siècle, Silent Running est un film qui arrive la fleur au fusil, impression renforcée par la participation de Joan Baez à la bande originale du film, avec deux chansons qui illustrent la mission du personnage de Lowell. Bien que ce dernier en arrive au meurtre pour protéger ses « progénitures », comme un père défendant ses enfants, Freeman (littéralement « l’homme libre ») Lowell rêve d’un monde meilleur. La Terre redeviendra fertile et ce pourquoi il s’est toujours battu prendra tout son sens. Il décide de se réfugier dans les anneaux de Saturne, pour échapper aux communications radio, et commence alors sa « course silencieuse » (« Silent Running »).
Certes Silent Running a pris un sacré coup de vieux au niveau des décors et surtout des costumes (Bruce Dern arbore une combinaison de ski avec quelques « sponsors » collés littéralement sur sa liquette), mais le propos transcende ces inévitables rides et perdure aujourd’hui. Quasi-seul en scène avec quelques robots-droïdes, animés « de l’intérieur » par de jeunes gens amputés des membres inférieurs, Bruce Dern est formidable du début à la fin et tient le film grâce à son charisme, sa silhouette, sa voix. Quand son personnage d’astro-botaniste, vêtu d’une chasuble - qui renforce son aspect mystique, pour ne pas dire prophétique - transmet son savoir, sa vie, aux droïdes de maintenance qu’il reprogramme et rebaptise Riri, Fifi et Loulou (Huey, Dewey and Louie en version originale), afin qu’ils puissent éternellement prendre soin de la nature, l’émotion est réelle et le message entendu. La fin est d’ailleurs magnifique et demeure gravée dans la mémoire des cinéphiles.
Véritable étape dans le genre, Silent Running est un film de science-fiction humaniste, intelligent et passionnant, qui a depuis inspiré d’autres films du genre à l’instar du magnifique Moon - La face cachée de Duncan Jones et l’incroyable WALL-E d’Andrew Stanton. Incontournable.
Le test du Blu-ray de Silent Running a été réalisé sur un check-disc. Cette édition Digibook se compose du Blu-ray et du DVD du film, ainsi que d’un livret exclusif de 74 pages écrit par Frédéric Albert Lévy (journaliste de cinéma et cofondateur de la revue Starfix), illustré de photos d’archives rares. Le menu principal est animé et musical.
Quel plaisir de retrouver ici le making of d’époque (47’) ! Véritable plongée dans le tournage de Silent Running, ce documentaire convie le spectateur dans les coulisses du film, au sein même du porte-avions USS Valley Forge. En effet, sur le point d’être démantelé, le bâtiment a servi de studio pour accueillir le tournage et l’entièreté de l’équipe du film de Douglas Trumbull ! La caméra se faufile dans ces couloirs étroits qui mènent d’un plateau à l’autre, où les décors ont été construits à taille réelle et où ont été filmées toutes les maquettes. C’est ici l’occasion d’assister aux répétitions, aux prises de vue, d’écouter le réalisateur, le comédien Bruce Dern (que l’on voit s’entraîner et qui déclare avoir couru 300 kilomètres sur le pont entre les prises), les comédiens « incarnant » les robots (quatre jeunes gens amputés des deux jambes), le producteur, le chef opérateur Charles F. Wheeler, le compositeur Peter Schickele (images de la session d’enregistrement avec Joan Baez derrière le micro) et le monteur Aaron Stell.
Exclusif à l’édition Blu-ray, l’entretien avec le cinéaste Douglas Trumbull (30’) réalisé par Laurent Bouzereau en 2001 complète le documentaire précédent. Le metteur en scène revient sur la genèse de Silent Running, sa collaboration avec Stanley Kubrick sur 2001 : L’Odyssée de l’espace et les conseils prodigués par le maître en personne, l’évolution du scénario de Silent Running, le casting et le choix de Bruce Dern, la création des robots et des véhicules spatiaux, les conditions de tournage, la musique et les chansons de Joan Baez, les restrictions de budget (un million de dollars accordé par Universal). Douglas Trumbull clôt cette interview en évoquant la sortie du film, non soutenue par les studios, l’échec commercial dû à une absence de publicité, puis la seconde vie du film et le statut culte de Silent Running auprès de nombreux cinéphiles. De nombreuses photos de tournage viennent illustrer ces propos passionnants.
Réalisé la même année que l’entretien précédent, celui de Bruce Dern (11’) permet d’en savoir un peu plus sur la carrière du comédien au moment où Douglas Trumbull lui a proposé le rôle principal de Silent Running. Bruce Dern se souvient d’une période difficile marquée par 18 mois d’inactivité. La proposition de Douglas Trumbull était inespérée, d’autant plus que le metteur en scène lui proposait alors le rôle principal, loin des personnages qu’il incarnait jusqu’à maintenant, sans avoir même passé un casting. Bruce Dern partage ensuite ses souvenirs liés au tournage de Silent Running, sa collaboration avec Douglas Trumbull, aborde la psychologique de son personnage et parle du film qui n’a certes pas connu de succès à sa sortie, mais qui a depuis trouvé son public.
Avant de retrouver la bande-annonce originale, Douglas Trumbull revient une dernière fois dans un module de cinq minutes centré sur ses autres activités, à savoir ses inventions dans le domaine des formats et supports cinématographiques. Il évoque notamment sa participation à la création des premiers cinémas dynamiques. Il est aussi le scénariste, le réalisateur et le producteur de la célèbre attraction Back to the Future… The Ride située depuis 1991 au parc des studios Universal à Los Angeles.
Grâce à un codec AVC de haute tenue, le Blu-ray de Silent Running proposé au format 1080p, permet aux spectateurs de redécouvrir totalement les incroyables décors du film. Si l’on excepte quelques séquences plus douces que d’autres ou au grain plus appuyé (sur les plans de dérivation dans l’espace) nous nous trouvons devant une image qui ne cesse de flatter les rétines.
Issue d’une restauration solide, cette copie HD, d’une stabilité à toutes épreuves, est absolument indispensable et superbe. La propreté est indéniable, les couleurs retrouvent une vraie vivacité (rouges éclatants, bleus électriques), le piqué est joliment acéré et les détails sont probants. Certes les effets spéciaux optiques ont pris un petit coup de vieux, mais le découpage est net et sans bavure, l’ensemble est homogène et d’une indéniable élégance. Si les contrastes auraient pu être revus, ainsi que les noirs souvent trop bouchés à notre goût, revoir Silent Running, oeuvre rare et malheureusement souvent oubliée, dans ces conditions était pour ainsi dire inespéré.
Image 1 : DVD (2002) / Image 2 : Blu-ray (2015)
Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio 2.0. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas. L’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis, même si l’ensemble manque de vivacité sur la piste française lors des communications radio. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.
Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue se fait grâce au menu pop-up.
Crédits images : © Wild Side