A Touch of Zen (1971) : le test complet du Blu-ray

Hsia nu

Réalisé par King Hu
Avec Hsu Feng, Shih Chun et Pai Ying

Édité par Carlotta Films

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Le 03/10/2016
Critique

A Touch Of Zen

Chine, sous la dynastie Ming. Gu Shengzai, vieux garçon lettré exerçant la profession de peintre et d’écrivain public, mène une vie tranquille avec sa mère, laquelle cherche à tout prix à marier son fils. Lorsqu’une nouvelle voisine vient s’installer dans la maison d’à côté, l’occasion est inespérée. Mais cette jeune fille mystérieuse n’est autre que Yang Huizhen, dont le père a été assassiné par la police politique du grand eunuque Wei et qui est depuis recherchée pour trahison…

A Touch of Zen - Xia nü en version originale, « La Guerrière chevaleresque » - de King Hu (1937-1997), de son vrai nom Hu Jinguan, est tellement dense, ambitieux, révolutionnaire, complexe, mystique, poétique, épique, qu’une critique de ce chef d’oeuvre serait caduque du jour au lendemain. Considéré à juste titre comme la matrice de Tigre & Dragon d’Ang Lee, grande inspiration des deux volumes de Kill Bill de Quentin Tarantino, du Secret des poignards volants de Zhang Yimou ou plus récemment de The Assassin de Hou Hsia-hsien, cette épopée extraordinaire qu’est A Touch of Zen a conquis le monde entier en 1975 lors de sa présentation au Festival de Cannes, avec pour récompense le Grand Prix de la Commission supérieure technique de l’image et du son. La première partie du film - l’autre étant encore en tournage ! - était sortie à Taïwan en 1970, mais cette distribution s’était soldée par un échec cuisant. Après une première ressortie dans une version complètement tronquée et remontée en 1971 dans les cinémas de Hong Kong, la version originale renaît de ses cendres grâce au plus célèbre des festivals et obtient enfin une vraie reconnaissance internationale.

D’une beauté plastique à couper le souffle, cette ultime référence du genre wu xia pian, littéralement « film de héros martial » ou plus généralement « film de sabre chinois » aura nécessité trois ans de tournage et de montage. Perfectionniste, exigeant, King Hu réalise ici l’oeuvre de sa vie, de toute une vie. A Touch of Zen arrive encore aujourd’hui en neuvième position du classement des cent meilleurs films chinois. Fantastique mélange des genres (thriller politique, film d’arts martiaux, touches de fantastique et de surnaturel), A Touch of Zen est enfin ressorti au cinéma en 2016 dans sa splendide version intégrale restaurée à 4K !

King Hu a d’abord fait ses classes à Honk Kong comme dessinateur de publicité pour le cinéma avant de gravir les échelons un par un. Décorateur, puis comédien, scénariste, assistant-réalisateur et réalisateur, il intègre la célèbre Shaw Brothers et passe derrière la caméra au début des années 1960. En 1966, L’Hirondelle d’or est son premier wu xia et assoit sa notoriété. King Hu affirme son style qui n’aura de cesse de se développer jusqu’à A Touch of Zen, réalisé trois ans après Dragon Inn (son premier grand succès en Asie), qui sera un aboutissement de ses recherches stylistiques. Véritable opéra de trois heures marqué par la peinture traditionnelle, la littérature chinoise et la philosophie bouddhiste, sans oublier quelques touches d’humour, le film de sabre connaît ici son apogée et atteint des sommets.

A Touch Of Zen

L’histoire prend place dans un petit village de Chine sous la dynastie Ming. Gu Shengzai (Chun Shih), un jeune lettré trentenaire et célibataire vivant chez sa mère, se retrouve mêlé aux rivalités politiques qui opposent le mouvement Donglin de Yang Lian et le Grand Eunuque Weï. Yang Huizhen (sublime Feng Hsu, la star du film), la fille du chef du mouvement Donglin assassiné par Wei, réussit à échapper à sa condamnation une mort grâce au général Shi et au général Lu. Après un long périple à travers la Chine, tous trois se cachent dans le village de Gu Shengzai : la jeune Yang Huizhen vit seule dans le fort abandonné, le général Shi se fait passer pour un mendiant aveugle, tandis que le général Lu se commet comme apothicaire sur la place du village. Bientôt repérés par Ouyang Nian, un espion à la solde de Wei, les trois fugitifs se préparent à se défendre au prix de leur vie. C’est à peu près ce que l’on comprend, car il faut bien avouer qu’une oeuvre aussi immense que A Touch of Zen privilégie la forme sans vraiment se soucier de la façon dont les spectateurs du monde entier appréhenderont les enjeux scénaristiques. King Hu fait confiance à son audience car la magie, la poésie, les émotions, même si profondément ancrées dans la culture chinoise, sauront marquer et interroger ceux qui voudront accorder trois heures de leur précieuse vie à son film. A Touch of Zen ne s’adresse pas uniquement aux amateurs de combats de sabres, d’autant plus que le premier n’intervient qu’au bout de la première heure, mais propose une échappée du monde réel. Il s’agit d’une des plus grandes expériences cinématographiques jamais réalisées. L’atmosphère est esquissée dès l’étrange prologue, puis la beauté absolue des décors, des costumes, des comédiens prennent le relais. Les éléments de l’histoire s’imbriquent petit à petit, sur un rythme languissant, les ruptures de ton ne cessent d’étonner et de déstabiliser. Les repères sont dissous, nous ne sommes plus en territoire connu. Si l’on ne comprend pas toujours (euphémisme) ce qui se déroule à l’écran, cela n’empêche pas d’être réellement hypnotisé par ce que l’on voit et ressent chaque seconde. Les combats acrobatiques et aériens dans les forêts de bambous sont exceptionnels, tout comme ceux au milieu des rochers, avec le face à face symbolique de la dernière séquence, la force et la violence contre l’être spirituel et zen. La nature tient une place prépondérante dans A Touch of Zen, les éléments sont inquiétants comme cette étrange forêt plongée dans la nuit. Chaque cadre nous apparaît comme de vrais tableaux.

La mise en scène virtuose subjugue et nous transporte littéralement comme dans un état de transe. A la fin de ces trois heures, on en ressort lessivé mais heureux, avec la certitude d’avoir eu accès à un monde qui nous était jusqu’alors inconnu. Des images se bousculent dans la tête, des plans sont imprimés de manière indélébile sur nos rétines. Pourtant, A Touch of Zen place l’audience, dont tous les sens sont mis à contribution, dans le domaine de l’indicible. On y est, on voit, on touche presque ce que le réalisateur souhaite nous dire, sans y parvenir. C’est la grande force de cette fresque insondable et inépuisable vers laquelle nous n’aurons de cesse de revenir, peut-être en comprenant encore moins, mais en étant encore plus fascinés.

A Touch Of Zen

Présentation - 5,0 / 5

Le Blu-ray de A Touch of Zen, édité chez Carlotta Films, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet. Le visuel de la jaquette est on ne peut plus élégant et attractif. Le menu principal est animé et musical.

Bonus - 2,0 / 5

Né en 1936, Pierre Rissient est réalisateur, scénariste et producteur associé. Il est aussi connu pour avoir découvert et valorisé le talent de nombreux cinéastes et fait aussi figure de pionnier pour la diffusion et la reconnaissance des cinématographies asiatiques à partir des années 1970. Il réalise ici une préface (7’) durant laquelle il se souvient de sa découverte de A Touch of Zen à Hong Kong en 1973, dans une copie tronquée. Ce qui ne l’a pas empêché d’être profondément touché par le film. Conseiller artistique au Festival de Cannes, il parvient à emmener le film (dans sa version intégrale) sur la Croisette en 1975. Lauréat d’un prix prestigieux, King Hu connaît alors une renommée mondiale et son film est diffusé dans tous les pays. Alors que A Touch of Zen avait été un échec commercial lors de sa première sortie, il devient après Cannes le plus grand succès à Taïwan. Pierre Rissient évoque également la sortie néanmoins tardive en France en raison de démêlés entre King Hu et ses producteurs, parle très vite des différences entre A Touch of Zen et Dragon Inn, tout en indiquant la reconversion de l’actrice Feng Hsu, devenue productrice entre autres d’Adieu, ma concubine, Palme d’or (ex aequo avec La Leçon de piano de Jane Campion) et Prix FIPRESCI de la Critique internationale au Festival de Cannes 1993.

Journaliste, écrivain et même musicien britannique, David Cairns propose une analyse et offre plusieurs pistes d’interprétation sur A Touch of Zen dans le segment intitulé Golden Blood (18’). Proposé en version originale sous-titrée en français, cet essai lu par David Cairns lui-même sur des images du film, propose quelques clés pour mieux appréhender ce chef d’oeuvre.

Signalons qu’un coffret réunissant Dragon Inn et A Touch of Zen, inclut également un DVD comprenant un documentaire de 50 minutes consacré à King Hu.

A Touch Of Zen

Image - 4,5 / 5

La restauration de A Touch of Zen s’inscrit dans le cadre du « Projet de restauration des classiques » confié au Taïwan Film Institute en 2014 par le ministère de la culture de Taïwan. La restauration numérique 4K effectuée par l’Immagine Ritrovata de Bologne, à partir du négatif original 35mm a été entièrement financée par la comédienne Feng Hsu, devenue productrice (Adieu, ma concubine). Et quel beau transfert en Blu-ray ! Ce nouveau master HD s’avère resplendissant et permet non seulement de se replonger dans ce chef d’oeuvre dans les meilleures conditions, mais aussi de s’y replonger à satiété ! Un transfert haut de gamme qui redonne à la colorimétrie un éclat inespéré sur les scènes diurnes. C’est aussi le cas du piqué, inédit, à l’instar de la séquence au milieu des rochers (1h25). La propreté est hallucinante, et l’un des rares bémols provient du manque de densité de certains contrastes avec des noirs peu profonds, qui tirent parfois sur le vert. La photo voit ses partis pris esthétiques savamment restitués, tout comme certains défauts visibles sur l’objectif, tandis que la copie affiche une stabilité à toutes épreuves. La gestion du grain est également solide comme un roc et les détails précis aux quatre coins du cadre large. Hormis divers plans sans doute plus doux et qui ont dû donner plus de fil à retordre aux magiciens du numérique, le Blu-ray de A Touch of Zen laisse pantois d’admiration.

A Touch Of Zen

Son - 4,0 / 5

Les versions chinoise et française sont proposées en DTS-HD Master Audio 1.0. Nous passerons rapidement sur la dispensable piste française, au doublage vraisemblablement récent. Les voix sont inappropriées et prennent trop souvent le dessus sur les effets et la musique. La version originale apparaît plus naturelle, même si le rendu acoustique est un peu restreint et manque de vivacité. Les dialogues semblent parfois trop pincés, mais heureusement les séquences d’action profitent mieux de cette restauration avec des ambiances riches et même parfois percutantes. Aucun souffle constaté sur les deux options.

A Touch Of Zen

Crédits images : © CARLOTTA FILMS. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Franck Brissard
Le 19 octobre 2016
La mise en scène virtuose subjugue et nous transporte littéralement comme dans un état de transe. A la fin de ces trois heures, on en ressort lessivé mais heureux, avec la certitude d’avoir eu accès à un monde qui nous était jusqu’alors inconnu. Des images se bousculent dans la tête, des plans sont imprimés de manière indélébile sur nos rétines. Pourtant, A Touch of Zen place l’audience, dont tous les sens sont mis à contribution, dans le domaine de l’indicible. On y est, on voit, on touche presque ce que le réalisateur souhaite nous dire, sans y parvenir. C’est la grande force de cette fresque insondable et inépuisable vers laquelle nous n’aurons de cesse de revenir, peut-être en comprenant encore moins, mais en étant encore plus fascinés.
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Le 10 octobre 2016
Le film A Touch of Zen souffre indéniablement de Black Crush, les scènes d'intérieur et nocturnes sont illisibles tellement les noirs sont envahissants, c'est même pire que la saison 8 de x-files, il y a également beaucoup de (grosses) tâches restantes sur la pellicule... Hormis ces défauts cela reste un excellent film.

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