Réalisé par Shôhei Imamura
Avec
Osamu Takizawa, Shin'ichi Yanagisawa et Hiroyuki Nagato
Édité par Elephant Films
Une petite troupe de théâtre Kabuki d’Osaka propose, en première partie, une séance de strip-tease pour attirer le public. Mais la recette a ses limites : les spectateurs désertent la salle quand les acteurs entrent en scène. La motivation de la troupe s’en ressent…
Désirs volés (Nusumareta yokujô), réalisé en 1958 par Shôhei Imamura, après une première expérience d’assistant de Yasujiro Ozu, montre le soin qu’il apporte à la composition de l’image. Le cadre large du Cinémascope, brillamment utilisé, rassemble dans des plans larges un grand nombre d’acteurs et de figurants avec une évidente préoccupation esthétique, une exploitation réfléchie de l’espace et du mouvement, dans ses trois dimensions, en jouant sur le cadrage et la profondeur de champ. La caméra peut se déplacer ou, quand elle reste fixe, ce sont les personnages qui évoluent dans la largeur du cadre, dans sa hauteur ou dans sa diagonale, dans une sorte de mouvement perpétuel.
Dès ce premier film, situé dans l’apaisement retrouvé après les bouleversements de la guerre, Shôhei Imamura affirme son intérêt pour le Japon populaire, qu’on retrouvera dans tous ses films.
Ses personnages n’ont rien d’héroïque, tout au contraire. La troupe de Kabuki est composée d’acteurs ratés qui n’ont d’autre choix que de continuer, après un sursaut de révolte, à jouer devant des chaises vides. Le jeune metteur en scène, que des études universitaires avaient mieux armé pour réussir, reste velléitaire dans ses ambitions.
Désirs volés révèle aussi un leitmotiv du cinéma de Shôhei Imamura, la dualité de ses personnages, agités par un irréductible conflit entre l’esprit et le corps, par des désirs sexuels, toujours cachés, souvent inassouvis, parfois inavouables, qui les habitent et perturbent leur vie et leurs relations sociales. L’attirance du metteur en scène pour la soeur de son épouse ruinera la fragile cohésion de la troupe.
Elephant Films poursuit, avec une nouvelle livraison de quatre titres, l’édition de films de Shôhei Imamura inédits en vidéo, entreprise en novembre 2015 avec Cochons et cuirassés, La Femme insecte et Le Pornographe.
Désirs volés (92 minutes), accompagné de modestes suppléments, tient, dans cette édition combo sur un Blu-ray simple couche (BD-25) et un DVD-9, logés dans un boîtier de 14 mm au format Blu-ray. Le menu animé et musical, dans le style de la Collection Cinéma MasterClass, propose le film dans sa seule version originale (DTS-HD Master Audio 1.0), avec sous-titres français optionnels.
À l’intérieur du boîtier, un livret de 20 pages intitulé Shôhei Imamura, maître des désirs inassouvis, contenant, écrites par Bastian Meiresonne, une notice sur la jeunesse dissipée du réalisateur et une courte analyse (+ fiche technique) des sept films édités par Elephant Films en 2015 et 2016.
En supplément, une courte (8’), mais excellente présentation du film par Stephen Sarrazin, spécialiste du cinéma japonais. Il souligne les caractéristiques du cinéma de Shôhei Imamura, dont la vision du Japon s’écarte de celle de Yasujiro Ozu, son intérêt pour le petit peuple, et l’importance qu’il donne « au bas du corps », aux pulsions et aux relations, parfois incestueuses, hors des conventions, cachées au plus profond d’êtres ordinaires, au moins en apparence.
S’ajoutent à cela une galerie de photos et la bande-annonce des autres films de Shôhei Imamura, dont ceux sortis en même temps que Désirs volés, Mon deuxième frère (1959), Désir meurtrier (1964), Le Profond désir des dieux (1968).
L’image (2.35:1, 1080p, AVC), soigneusement nettoyée, est toutefois affectée par une instabilité passagère et des contrastes variables, souvent trop faibles, hormis dans les scènes les plus éclairées.
Le son mono d’origine (DTS-HD Master Audio 1.0) est, lui aussi, propre, avec un souffle qui se fait rarement remarquer. La dynamique, parfois fluctuante, satisfaisante pour l’âge du film, profite aux percussions et aux appels de trompette. La restauration a toutefois manifestement failli à sa tâche en laissant subsister un bruit parasite, gênant pendant une vingtaine de secondes (à partir de 50’05” sur le Blu-ray).
Crédits images : © Éléphant Films