Jodorowsky's Dune (2013) : le test complet du Blu-ray

Sorti en 1965, « Dune », le livre de Frank Herbert, est un succès mondial et devient le livre de science-fiction le plus vendu au monde.
En 1975, le producteur français Michel Seydoux propose à Alejandro Jodorowsky une adaptation très ambitieuse de « Dune », au cinéma. Ce dernier, déjà réalisateur des films cultes « El Topo » et « La Montagne sacrée », accepte.
Il rassemble alors ses « guerriers » artistiques, dont Jean (Moebius) Giraud, Dan O’Bannon, Hans Rudi Giger et Chris Foss qui vont être de toutes les aventures cinématographiques de science-fiction de la fin du siècle (Star Wars, Alien, Blade Runner, Total Recall, etc.).
Le casting réunit Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine ou Amanda Lear, mais également son jeune fils Brontis Jodorowsky, Pink Floyd et Magma acceptent de signer la musique du film…
L’équipe de production recherche 5 millions de dollars pour finaliser le budget et se heurte à la peur des studios hollywoodiens qui craignent le tempérament de Jodorowsky…
« Jodorowsky’s Dune » retrace l’extraordinaire épopée de ce film fantôme qui devait être « le plus grand film de l’histoire du cinéma » et changer à jamais la face du du 7ème art.

En ver et contre tous

Il n’y a pas grand chose à ajouter après ce résumé long comme un ver des sables, si ce n’est que Jodorowsky’s Dune, le film de Frank Pavich, est une véritable torture ! Pas qu’il soit mauvais, bien au contraire ! Mais tout simplement parce qu’il nous fait en effet miroiter ce qui aurait pu être le film de SF le plus incroyable et le plus renversant jamais vu. Il est toujours facile d’utiliser ce genre de superlatifs lorsque le projet n’existe que sur papier… bon nombre de films étaient des merveilles sur papier et de grosses bouses à l’arrivée (non, pas de noms). Mais quand on se prend à imaginer les bribes de scénario ou de storyboard aperçues dans Jodorowsky’s Dune sur grand écran avec un budget suffisant, il y a de quoi défaillir de frustration que ce projet n’ai pas pu voir le jour.

La frilosité des studios face à l’énormité du concept et surtout face à l’incompréhension du personnage qu’est Alejandro Jodorowsky aura eu raison de ce Dune qui restera donc un fantasme.

Bien que traitant d’un sujet hors-normes, le documentaire de Frank Pavich reste très classique dans sa structure et présente un montage de différentes interviews de Jodorowsky, de certains ex-futurs collaborateurs et d’images d’archives, dont Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Brontis Jodorowsky, Christian Vander, Chris Foss ou encore Hans Rudi Giger peu avant sa mort. Certains éléments des storyboards ou des croquis sont occasionnellement mis en mouvement (comme le fameux plan d’intro qui traverse l’espace), ce qui ajoute encore aux frissons provoqués par le potentiel du projet.

Le documentaire nous console à peine quand Jodorowsky explique que bon nombre de concepts écrits ou dessinés pour ce Dune avorté ont été « recyclés » et même développés plus avant dans les BD L’incal (avec Moebius) ou La caste des Métabarons (avec Juan Giménesz)… comme il n’y aura pas moyen de mettre la main sur l’énorme livre (regroupant les archives) vu dans le documentaire, vous savez où retrouver certaines de ces merveilles perdues…

C’est Noël ! Il n’y a pas d’autres mots, c’est Noël ! Pas parce que cette fabuleuse édition est sortie début décembre 2016, mais bien parce que contenus et contenant sont parfaits en tous points. Même si il est très compact et n’est pas plus volumineux qu’un bipack DVD, ce coffret est blindé de richesses.

C’est un digipack 3 volets qui accueille le Blu-ray et le DVD du film de Frank Pavich. Il est illustré à l’extérieur d’un croquis de Giger et à l’intérieur d’un dessin signé Gus Storms dans un style très proche de Moebius. Le troisième volet du digipack abrite les goodies de ce collector : 4 cartes postales reproduisant l’affiche du documentaire, le croquis de Giger déjà présent sur le digipack, l’illustration de Storms du digipack toujours et le visuel créé par Kilian Eng (elle aussi dans un pur style Moebius) que l’on retrouve à deux autres occasions dans cette édition.
La première, c’est sur un poster réversible (36 x 54 cm) qui permet aussi d’afficher l’affiche du documentaire ; la seconde c’est bien évidemment sur le fourreau qui accueille le tout, ainsi qu’un livre de 132 pages !

Cet impressionnant pavé est lui-même gorgé de trésors : Jodorowsky livre un résumé du scénario de son film, un texte sur ce qu’il aurait pu être, sa réponse à Frank Herbert qui avait violemment critiqué son scénario et un texte à propos de Chris Foss accompagné de dessins ; un témoignage de Giger accompagné de croquis ; un récit passionnant de trois autres tentatives d’adaptation avortées ; une tribune libre où 19 artistes graphistes livrent leur vision de l’univers de Dune ou du projet de Jodorowsky ; les biographies des principaux « guerriers » du projet et un glossaire de quelques termes propres à la saga Dune. Déjà une bonne heure de découvertes et de trésors alors qu’aucune galette n’a encore été insérée dans le lecteur…

Ce test s’attarde justement sur la galette Blu-ray de cette édition, la plus complète des deux puisqu’elle contient des bonus exclusifs. Le disque bleu accueille le visiteur avec un menu graphiquement très réussi, avec quelques images du film qui défilent sur fond musical de Kurt Stenzel, ambiance garantie.

Une sacrée réussite pour Blaq Out.

Près de 3 heures de suppléments vidéo sont proposées par le disque Blu-ray (57 minutes sur le DVD).

Elles s’ouvrent sur un entretien très éclairant de Frank Pavich, réalisateur de Jodorowsky’s Dune, qui raconte son intention et ses découvertes lors de la production du documentaire.

Suivent d’autres entretiens avec Norman Spinrad, auteur de science-fiction et ami de Frank Herbert, qui revient sur les premières heures de l’existence de ce livre culte ; Numa Sadoul, spécialiste de bande-dessinée et ami de Moebius, qui parle de la rencontre entre Jodorowsky et le dessinateur ; et Marc Toullec (exclu Blu-ray), journaliste et critique (Mad Movies), qui revient sur les tentatives loupées d’adaptation de livres de SF au cinéma et bien évidemment sur celle de Dune par Jodorowsky, puis sur celle de David Lynch.

Deuxième exclusivité du Blu-ray H.R. Giger : Magicien de l’art fantastique (Berg und Geist : HR Giger in Gruyères qui peut se traduire par La montagne et l’esprit : HR Giger à Gruyères) est un documentaire rare sur l’artiste suisse, dans lequel on découvre son propre musée et où il se raconte. Un vrai trésor pour les fans de cet artiste unique.

Dernière exclusivité du disque Blu-ray, 65 minutes d’entretiens non retenus dans le montage final de Jodorowsky’s Dune, soit 15 perles supplémentaires où l’on apprend par exemple le refus de Charlotte Rampling de jouer dans le film, la conception spirituelle du personnage d’Alia (soeur de Paul), les sources d’inspiration pour les costumes ou encore l’idée d’une scène de combat où l’on ne voit que les armes et le sang mais pas les victimes…

Filmées visiblement en numérique, les interviews récentes, les animations à partir des archives et les zooms dans ces dernières présentent des images impeccables et brillantes de définition. L’encodage restitue le tout sans anicroche.

Deux pistes DTS-HD Master Audio sont proposées, présentant le film en VOST, c’est à dire dans les diverses langues des intervenants (français, anglais, espagnol et allemand). Si la piste stéréo permet déjà de bien profiter du contenu incroyable du documentaire et de prises de son sans histoire, celle en 5.1 offre à la musique de Kurt Stenzel un terrain de jeu bien plus interessant avec les canaux arrières et le caisson de basses qui terminent d’envelopper le récit dans une aura de mystère et de fantastique.

Crédits images : Blaq Out © High Line Pictures, Camera One/Michel Seydoux, Endless Picnic, Snowfort Pictures