La Colline a des yeux 1 + 2 (1977) : le test complet du Blu-ray

The Hills Have Eyes + The Hills Have Eyes Part II

Édition 40ème Anniversaire - Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Wes Craven
Avec Michael Berryman, Suze Lanier-Bramlett et Robert Houston

Édité par Program Store

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Le 15/06/2017
Critique

La Colline a des yeux 1 & 2

USA, 1977 : une famille de Cleveland se rendant à Los Angeles à travers le Nevada décide de faire un crochet par le désert de Mojave afin de visiter une mine d’argent dont ils ont hérité. Ils passent outre les avertissements incohérents du vieux pompiste de la station-service isolée qui les ravitaille. À la suite d’un accident, ils sont immobilisés en pleine nuit dans un désert hostile puis attaqués par une famille criminelle de cannibales. L’aube venue, les rescapés survivants feront non seulement face à l’assaut final de ces monstres mais encore les décimeront à leur tour non moins sauvagement.

D’abord primé au Festival de Sitges « meilleur film d’horreur de l’année 1977 » puis exploité commercialement avec un certain retard à Paris le 21 juin 1979 par la firme Audifilms en copies v.o.s.t.f. et v.f., assorti d’une interdiction aux « - 18 ans », La Colline a des yeux (The Hills Have Eyes - USA 1977) de Wes Craven fut tourné pour un budget d’environ 300.000 US$. C’était plus du triple de ce qu’avait coûté La Dernière maison sur la gauche (The Last House On the Left - USA 1972) produit par Sean S. Cunningham et cela s’explique aisément. Le premier film de Craven avait eu un tel succès de scandale mais aussi d’estime critique que Peter Locke, jeune producteur ambitieux de La Colline a des yeux, estima qu’il pouvait augmenter la mise. Et il eut raison : La Colline a des yeux lança définitivement Craven aux yeux du public mondial amateur de films d’horreur et d’épouvante tout autant que de violence. Il est devenu, tout comme le premier, un classique du cinéma fantastique du dernier tiers du vingtième siècle.

La structure du second film reprend celle du premier (attaque sauvage puis vengeance-survie non moins sauvage) mais en renouvelle totalement l’argument et le décor, avec un rythme d’ensemble davantage maîtrisé. Le titre original The Hills Have Eyes est au pluriel et cela traduit mieux le rapport original et terrifiant à l’espace qui est véritablement le moteur premier de la peur et de sa mise en scène. Le second moteur étant ce coup de génie d’avoir transposé un fait-divers écossais quasi-médiéval en plein désert californien de 1977 et d’en tirer dans le plan final la leçon mythique comme morale, d’un sombre pessimisme. Nihil novi sub sole : « rien de nouveau sous le soleil » disait le proverbe. Mais justement, c’est de cette permanence de la bestialité en pleine modernité que naît le malaise puis la panique ! Elle est ici d’autant plus impressionnante qu’elle provient du fonds primitif le plus lointain de l’humanité. Et cette panique culmine dans le plan final au cours duquel l’un des héros positifs prend conscience qu’il est revenu lui-même à cet état. Détail intéressant d’histoire du cinéma : le décorateur du Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre - USA 1974) de Tope Hooper, fut employé par Craven pour décorer la caverne où vit la famille criminelle de La Colline a des yeux. C’est un signe de parenté non moins thématique que plastique auquel le public commun des deux titres fut d’ailleurs immédiatement sensible.

Cinéma d’exploitation réalisé par un intellectuel universitaire élevé dans une famille baptiste pratiquante, cinéma du retour du refoulé, cinéma de la transgression et réflexion-reflet de sa propre démarche : La Colline a des yeux est tout cela d’un seul jet et admirablement, avec une intelligence acérée. Ces barbares aux noms de planètes, nés d’un accident biologique et attaquant une famille américaine moyenne en plein désert sont l’occasion pour Craven de faire dialoguer les peurs les plus anciennes de l’humanité et un graphisme moderne hallucinant de vérisme et de virulence. Le casting est homogène dans les deux camps en présence, le montage contient quelques morceaux de bravoure opposés à des périodes plus classiques, la photo maintient un strict réalisme, la musique est utilisée avec parcimonie : tout est calculé pour provoquer une annulation de la distance entre sujet et représentation, en dépit de quelques clins d’oeil surréalistes (le poster du Grand requin blanc (Carcharodon Carcharias) dans la caravane !) à l’ironie particulièrement noire. C’était déjà le cas dans La Dernière maison sur la gauche dont le slogan publicitaire américain était justement : « Pour ne pas vous évanouir de terreur, gardez sans cesse présent à votre esprit que ce n’est qu’un film ! ».

La Colline a des yeux est donc régulièrement insoutenable car inspiré d’une histoire vraie. Il délivre son message profond issu d’une vision que Craven rappelle : l’idée d’un père cosmique (le Dieu Chronos) mangeant ses enfants, ajoutée à celle de la famille cannibale médiévale écossaise aux crimes atroces, elle-même par la suite atrocement torturée après son jugement à Londres comme métaphore de la dialectique permanence/temporalité de l’inhumain chez l’homme. Comme tout grand film fantastique, celui-ci est un miroir déformant restituant une réalité refoulée mais véridique sous la forme d’un jeu avec la peur et sa représentation. Mais un jeu dont la profondeur des enjeux favorise précisément la jouissance dramaturgique pure et qui fonctionne à plein régime de toutes manières. Sa mise en scène a l’air parfois neutre ou relâché : elle est en fait déjà très sophistiquée. Et Craven, historiquement, négocie ici le virage la faisant passer d’un regard fantastique sur la violence à un regard violent sur une histoire fantastique. La virulence des ces deux premiers mélanges de genres, se dissipera parfois en effets formels ou en banalité par la suite dans sa filmographie qui ne redeviendra bonne que lorsqu’il retrouvera l’originalité de ce mélange bien dosé. Reste que tout y est déjà inscrit et dit : on peut considérer La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux comme les deux titres majeurs réalisés par Craven en 1970-1980. Il faut commencer par voir ces deux-là si on veut appréhender correctement le restant de son oeuvre.

La Colline a des yeux 2 est malheureusement très inégal, globalement mauvais et dénué dès le départ de tout effet de surprise mais contient certaines idées intéressantes de scénario (le retour du refoulé au sens strict : la jeune sauvage devenue civilisée à nouveau confrontée à son ancienne famille, le psychologue méprisant son patient alors qu’il dit la vérité et autoanalyse parfaitement sa situation) et sa mise en scène rend un hommage souvent explicite à la série des Vendredi 13 produite à partir de 1980 par Sean S. Cunningham, l’associé de Craven. Plastiquement, les séquences nocturnes sont très bien photographiées. A noter que les nombreux flash-backs du film de 1977 insérés au montage de ce film de 1984 permettent de visionner le second en ignorant tout du premier. Mais l’histoire du cinéma inverse définitivement ce paramètre : on peut oublier le second et ne conserver en mémoire que le premier.

La Colline a des yeux 1 & 2

Présentation - 5,0 / 5

Un coffret collector combo édité en décembre 2016, édition spéciale 40ème anniversaire, contenant 2 Blu-ray BD50 Full HD, 1 DVD-9 sous digipack, avec son DTS HD mono 2.0 VOSTF et VF d’époque, 1 livret illustré bio-filmographique couvrant toute la carrière du cinéaste Wes Craven, l’ensemble sous étui protecteur illustré. La Colline a des yeux et La Colline a des yeux 2 sont présentés sur Blu-ray Full HD, les suppléments sont répartis sur le Blu-ray contenant La Colline a des yeux. Le DVD de La Colline a des yeux contient aussi deux suppléments. Sur le plan de l’image et du son, cette édition ESC / Program Store constitue dorénavant la référence pour le cinéphile français. L’interactivité de l’ancienne édition DVD américaine collector Anchor Bay zone 1 NTSC n’est pas restituée comme elle l’était dans l’ancienne édition française (FILM(colline_a_des_yeux_1_bis,collector Wild Side 2 DVD)), collection Les Introuvables, sortie en DVD zone 2 PAL en 2004. Cette nouvelle édition Program Store en a retranché certains éléments (par exemple le long portrait « Les Réalisateurs : Wes Craven » qui durait 58’30” sur le DVD zone 2 PAL Wild Side, ici remplacé par un plus court portrait de 25 min.), en a ajouté d’autres inédits (le commentaire audio des acteurs). Il y avait un livret français de 80 pages dans l’édition Wild Side 2004, celui de cette édition Program Store 2016, rédigé par Mac Toullec, en compte presque 200 sur papier glacé et couvre l’ensemble de la filmographie de Craven dont il constitue un honnête aide-mémoire mais les reproductions de photos d’exploitation y sont détourées. En somme le collectionneur et cinéphile français doit posséder les deux éditions dans sa vidéothèque : l’édition collector 2 DVD Wild Side de 2004 et cette édition 2 Blu-ray+1DVD ESC / Program Store de 2016. Belles sérigraphies sur les 3 disques.

La Colline a des yeux 1 & 2

Bonus - 5,0 / 5

Le Commentaire audio du producteur Peter Locke et de Wes Craven constitue, en 2016 comme en 2004, la pièce maîtresse de cette interactivité. Il est très riche et précis, fourmillant d’anecdotes sur les conditions matérielles de production et le tournage mais aussi sur le sens précis de tel ou tel plan. À écouter impérativement ! On lui a adjoint un Commentaire audio de Mikel J. Koven, auteur d’un livre sur le giallo italien qui s’intéresse à Craven, et un troisième Commentaire audio des acteurs Michael Berryman, Janus Blythe, Susan Lanier et Martin Speer. Il comporte de nombreuses informations d’histoire du cinéma de première main qu’il ne faut pas négliger non plus. Le commentaire du critique amateur de giallo est inégal mais comporte aussi quelques notations intéressantes.

Wes Craven, grand réalisateur d’Hollywood (durée 25 min) comporte des anecdotes variées. À noter le fait que Craven se retrouva deux fois au chômage durant deux périodes de sa vie, en dépit des divers succès qu’il avait obtenus à Hollywood : « vous pouvez avoir la vision d’une chose nouvelle mais il n’est jamais certain qu’elle obtienne du succès ou qu’un producteur vous fasse confiance pour la concrétiser » ! Ce documentaire assez grand public est un regard assez rapide tout de même : un honnête mémento dans lequel on pourra revoir des extraits des films marquant et piocher quelques éléments intéressants, sans plus.

Retour sur La Colline a des yeux : durée 54’30” est un très intéressant documentaire issu de l’édition zone 1 d’Anchor Bay sur le tournage, très bien monté avec les extraits du film et des documents de tournage originaux et rares. Craven, le producteur Peter Locke, le directeur de la photo Eric Saarinen, les actrices et acteurs fournissent nombre d’anecdotes étonnantes sur la difficulté physique du tournage, la flamme qui les animait tous en tant que débutants et la perception qu’ils avaient de ce qu’ils créaient ensemble. Craven résume l’origine historique du sujet et le sens qu’il avait alors à ses yeux, rappelle son amour de la mythologie grecque et romaine qu’il connaît bien. Il concurrence le commentaire audio de Locke et Craven très sérieusement.

Fin alternative : très intéressant document qu’il faut absolument visionner : on mesure en le voyant les idées conservées et celles sacrifiées. La fin retenue au montage final est bien plus âpre et pessimiste. L’image vidéo de ce 16mm d’origine est en très mauvais état mais ce n’est pas grave : regardez-le absolument. Enfin quelques entretiens plus brefs mais tous intéressants complètent cet ensemble déjà riche : Entretien avec Stéphane du Mesnildot (15 min.) cinéaste et (personne n’est parfait) rédacteur aux Cahiers du cinéma et amoureux du fantastique (il écrivait déjà sur Cinérivage en 2001 à propos de la plus belle femme vampire de l’histoire du cinéma fantastique, ce qui nous avait permis de dialoguer à l’époque d’une manière sympathique) qui explique en quoi le film de Craven ressort de deux genres à part entière (le film d’autodéfense et le film survival) qui sont des genres transversaux aux autres mais peuvent être considérés aussi comme des genres à part entière. Enfin Entretien avec l’acteur Martin Speer (15 min.),The Desert Session - Entretien avec le compositeur Don Peake (10 min.) sans oublier un bêtisier (sans grand intérêt, comme d’habitude) et des bandes-annonces et spot TV nettement plus excitants, ce qui est leur fonction première, d’ailleurs.

La Colline a des yeux 1 & 2

Image - 5,0 / 5

Format 1.85 en 16/9 compatible 4/3 sur bluray 1980 x 1080 définition HD d’une part, en définition standard sur DVD d’autre part, pour La Colline a des yeux qui fut tourné à l’origine en 16mm standard 1.37. Craven imposa le 16mm à son directeur de la photographie qui aurait préféré du 35mm, à cause du budget serré et des conditions très difficiles du tournage. La Colline a des yeux fut par la suite gonflé en 35mm pour l’exploitation mais toujours présenté en format standard 1.37. C’est Craven lui-même qui exigea ce transfert 1.85 16/9 à l’occasion de la sortie du titre en DVD zone 1 NTSC chez l’éditeur Anchor Bay et on ne s’en plaindra nullement. On peut dire, format mis à part, qu’on est en présence de l’image telle qu’on l’avait visionnée en salle à l’époque : la définition, la luminosité, la gestion des noirs et des couleurs sont excellentes. Texture argentique originale bien préservée mais certains plans sont fourmillants ou un peu voilés. Beau report d’ensemble du travail du directeur de la photo Eric Saarinen qui venait juste de finir le tournage d’une production Corman lorsqu’il embraya sur celle-ci ! La Colline a des yeux 2 est, de son côté au format 1.66 en 16/9 compatible 4/3 sur bluray 1980 x 1080 HD. Son image chimique (à part quelques « brûlures de cigarettes » à l’endroit des changements de bobines 35mm) et son transfert numérique sont impeccables.

Son - 5,0 / 5

VOSTF et VF d’époque en DTS HD mono 2.0 pour La Colline a des yeux et La Colline a des yeux 2. On profite de remixages au top technique actuel mais qui préservent une possibilité d’accès à la version originale initiale en mono somptueusement restaurée. La VF d’époque de La Colline a des yeux est assez bonne psychologiquement et techniquement en assez bon état mais il faut privilégier la VOSTF en meilleur état technique d’une part, en raison de la sonorité de certaines voix originales américaines, impressionnantes, d’autre part. La VOSTF et la VF d’époque de La Colline a des yeux 2 sont, toutes deux, en excellent état technique.

La Colline a des yeux 1 & 2

Crédits images : © Program Store

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p