Réalisé par Seijun Suzuki
Avec
Tetsuya Watari, Chieko Matsubara et Ryuji Kita
Édité par Elephant Films
Tetsu, l’homme de main d’un gang, a choisi de se ranger. Par fidélité, il accepte d’endosser la responsabilité d’une dette de son patron, Kurata, et refuse de passer au service d’un autre clan. Ce qui lui vaut d’être obligé de se cacher pour échapper aux « contrats » sur sa tête…
Le Vagabond de Tokyo (Tôkyô nagaremono, 1967) s’ajoute aux cinq films de la même époque, produit par les Studios Nikkatsu et récemment édités par Elephant Films : deux autres aujourd’hui, La Barrière de chair (Nikutai no mon, 1964) et Histoire d’une prostituée (Shunpu den, 1965), après trois sortis en décembre 2014 : Détective Bureau 2-3 (Tantei jimusho 23: Kutabare akutô-domo, 1963), La Jeunesse de la bête (Yajû no seishun, 1963) et La Marque du tueur (Koroshi no rakuin, 1967).
Le Vagabond de Tokyo fait se télescoper, autour du film de gangsters, plusieurs autres genres : la comédie musicale avec deux chansons sirupeuses qui font office de leitmotiv, le western avec une bagarre à la John Ford dans un saloon, la romance avec les amours impossibles entre l’immortel Tetsu, surnommé « le phénix », et la belle chanteuse Chiharu, le burlesque avec d’improbables combats au pistolet.
Tout ça orchestré par un scénario chaotique qui transporte l’action dans une succession de décors kitsch, faits de lignes architecturales s’entrecroisant dans un profusion de couleurs où s’affronte une palette acidulée de violet foncé, vert pomme, rouge vermillon, bleu cobalt et un éventail pastel de parme, de rose bonbon, de vert amande et du bleu pâle du costume de Tetsu, assorti à la couleur des rideaux de son appartement ! Le film s’ouvrait, pourtant, sur un sévère noir et blanc, le long d’un train arrêté sous la neige.
Manifestement, Seijun Suzuki a voulu démontrer, principalement dans la dernière scène de combat où « le phénix » se bat seul contre tous, la virtuosité de son jeu avec les couleurs, la variété de ses angles de prise de vue et l’efficacité de son montage.
Peut-être a-t-il aussi voulu montrer qu’il y avait mille et une manières de raconter une banale histoire de gangsters : Le Vagabond de Tokyo fait apparaître comme une évidence l’originalité de Seijun Suzuki qui s’est hissé sur les plus hautes marches du cinéma de genre.
La première édition en haute définition du film Le Vagabond de Tokyo était d’autant plus attendue que le coffret de trois films édité par HK Vidéo en 2003, dans lequel il figurait, était depuis longtemps épuisé.
Le Vagabond de Tokyo (82 minutes) et des suppléments (41 minutes) sont proposés dans une édition combo Blu-ray + DVD (BD-50 et DVD-9) logés dans un boîtier, non fourni pour le test, effectué sur le seul Blu-ray.
Menu animé et musical, aux couleurs de MasterClass : La Collection des Maîtres propose le film dans sa seule version originale, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 1.0.
Le coffret contient également un livret collector rédigé par Bastian Meiresonne (20 pages, apparemment le même pour les trois films) qui ne nous a pas été fourni.
Présentation du film par Stephen Sarrazin (2017, 14’), enseignant spécialiste du cinéma japonais, auteur de plusieurs ouvrages, dont Réponses du cinéma japonais contemporain (Lettmotif, 2013). Selon lui, Le Vagabond de Tokyo est l’un des films les plus immédiatement indentifiables de Seijun Suzuki. Avec la place donnée à la chanson et avec l’utilisation de couleurs primaires, il peut faire penser au film de Jacques Demy, Les Parapluies de Cherbourg. Débarrassé de toute contrainte de réalisme dans les scènes de combat, le cinéma de Suzuki peut avoir influencé Quentin Tarantino, par exemple Kil Bill.
Entretien de Seijun Suzuki avec Yves Montmayeur (enregistré en 2001 au festival de Gijon, 10’), réalisateur de nombreux documentaires sur le cinéma. Suzuki dit que son cinéma reprend les codes des films de yakuzas (il se réfère souvent à La Marque du tueur) et qu’il a été influencé, notamment pour l’utilisation de la couleur, par le cinéma classique et par la peinture japonaise qui donne aux couleurs une valeur symbolique. Le cinéma ne peut pas être réaliste. Il invente des histoires : c’est « un art de menteurs ».
Le « surréalisme doux », par Roland Lethem (2017, 17’), réalisateur, scénariste et acteur belge. Ce complément concerne La Barrière de chair : nous en avons rendu compte dans le test de cette édition.
Ces deux derniers compléments sont repris, tels quels, en bonus des deux autres films édités simultanément, La Barrière de chair et Histoire d’une prostituée.
Pour finir, une galerie de photos et des bandes-annonces.
L’image (2.35:1, 1080p, AVC) a bénéficié d’une soigneuse restauration, probablement la restauration faite en 2011 pour l’édition Crirerion. Une image stable, propre, aux couleurs ravivées, flatte le feu d’artifice multicolore voulu par le réalisateur, qui saute aux yeux dès la scène d’entrée dans le Western Saloon.
Le son DTS-HD Master Audio 1.0 est, lui aussi, très propre, pratiquement sans souffle, mais avec quelques saturations, principalement dans l’accompagnement musical.
Crédits images : © Éléphant Films