Barberousse (1965) : le test complet du Blu-ray

Akahige

Réalisé par Akira Kurosawa
Avec Toshirô Mifune, Takashi Shimura et Chishu Ryu

Édité par Wild Side Video

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Le 05/09/2017
Critique

Barberousse

En 1820, après trois ans d’études de médecine à Nagasaki, Noboru Yasumoto s’attend, en raison de ses origines sociales et de sa connaissance de la médecine occidentale, à être affecté comme médecin du Shogun d’Edo. Mais on l’oriente vers le dispensaire public de Koishikawa, dirigé avec très peu de moyens par le docteur Dr. Kyojô Niide, surnommé « Barberousse ». Le premier réflexe de Yasumoto, choqué par le dénuement de l’établissement, est de s’enfuir…

Barberousse (Akahige, 1965), l’adaptation d’un roman de Shûgorô Yamamoto paru en 1958, est le troisième volet de la Tétralogie de la misère. Après L’Ange ivre (Yoidore tenshi, 1948), Les Bas-fonds (Donzoko, 1957), elle sera conclue par Dodes’kaden en 1970. C’est aussi le dernier film en noir et blanc d’Akira Kurosawa : il aura suffi que son ami Henri Langlois lui montre la scène du banquet d’Ivan le terrible (Ivan Groznyy) de Sergei M. Eisenstein pour le convaincre des possibilités offertes par la couleur.

Barberousse peut être rapproché des autres films de la tétralogie, non seulement par son thème, la misère, mais aussi par sa construction en forme d’œuvre chorale, mettant en scène des personnages divers que le destin a réunis en un seul lieu, une masure délabrée dans Les Bas-fonds, un bidonville dans Dodes’kaden. Foncièrement différent, toutefois, par les lueurs d’espoir qu’il fait briller, loin de la désespérance des autres films, particulièrement de Dodes’kaden.

Barberousse, parallèlement à celle des deux médecins, le maître (sensei) et le disciple, raconte plusieurs histoires. Celle, mystérieuse, de la belle et dangereuse jeune femme isolée dans le pavillon au fond du jardin, que seul Barberousse peut visiter. Celle d’un amour impossible que Sahachi veut conter au seuil de la mort. Celle d’Otoyo, sauvée à douze ans d’un bordel, et celle de Chôji, dit « Petit rat », sept ans, qui doit chaparder sa nourriture pour que sa famille ne meure pas de faim et rêve d’être un cheval… parce qu’il y a de l’herbe partout ! Et celle d’autres personnages, encore…

Barberousse

Barberousse fascine par la beauté de ses cadres, confirmant la sensibilité artistique de Kurosawa et sa maîtrise du format Cinémascope, et par le soin apporté à la lumière, dans de splendides clairs-obscurs. Il aurait fait plus de vingt prises de la scène entre Yasumoto et la jeune femme dangereuse, avant d’estimer que l’épingle à cheveux qui lui sert d’arme brille suffisamment sous le feu des petits projecteurs Mizar ! On remarque aussi la fascination de Kurosawa pour les graphismes dans plusieurs plans, par exemple pour les flammes dessinées par les veines du bois dans la chambre de Yasumoto au début de la seconde partie, juste après l’entr’acte musical, ou encore, pour les motifs géométriques des futons étendus pour sécher au soleil.

On remarque aussi la qualité de sa direction des acteurs, notamment des deux jeunes enfants, l’efficace chorégraphie du combat, la fluidité naturelle des mouvements de caméra, aboutissant à une poésie de la mise en image des histoires, soulignée par la musique de Masaru Satô, compositeur de l’accompagnement de près de 250 films et de presque tous les films de Kurosawa, à partir de 1954, depuis Les 7 samouraïs, jusqu’à Barberousse.

Avec les importants moyens que Tōhō lui a accordés après le succès commercial d’Entre le ciel et l’enfer (Tengoku to jigoku, 1963), Akira Kurosawa a réalisé son ambition : faire de Barberousse une superproduction intimiste, un film humaniste, son chef-d’œuvre, devenu un jalon du septième art.

Barberousse

Présentation - 5,0 / 5

Barberousse (186 minutes) et ses suppléments (50 minutes) tiennent sur un Blu-ray double couche logé dans un Digibook. Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, au format DTS-HD Master Audio 1.0. L’édition combo contient aussi un DVD-9 avec le film, sans supplément.

La sortie simultanée de Barberousse et de Dodes’kaden complète la magnifique collection Akira Kurosawa - Les années Tōhō. Lancée par Wild Side fin 2015, elle rassemble, en quinze volumes, les 17 films réalisés par Kurosawa pour les Studios Tōhō de 1944 à 1970.

Le livret de Linda Tahir (82 pages, abondamment illustré) s’ouvre sur une comparaison du roman avec le scénario, à l’écriture duquel Akira Kurosawa s’est beaucoup impliqué, aux côtés de Masato Ide et Hideo Oguni, en changeant parfois l’histoire des personnages. Suit la préproduction minutieuse du film, commencée dès 1963, avec la reconstruction du dispensaire selon les plans originaux, la fabrication des futons et des costumes qui seront utilisés pour ne pas paraître neufs, la construction de tout un quartier autour du dispensaire. Le coût des décors ne sera jamais amorti par les visites de touristes dont Kurosawa eut l’idée. Et le tournage allait s’étaler sur pas moins de quinze mois, aux accents du dernier mouvement de la neuvième symphonie de Beethoven… pour mettre les acteurs dans l’ambiance !

Le tournage, fait surtout en intérieur, l’utilisation d’une pellicule très sensible, la compétence des deux chefs-opérateurs, Asakazu Nakai et Takao Saitô, ont assuré à Kurosawa un contrôle absolu, obsessionnel, de la lumière. Le livret contient d’intéressantes analyses de la réalisation, par exemple de la fameuse scène du combat de Toshiro Mifune contre sept mauvais garçons et d’autres scènes, assez peu nombreuses, tournées en extérieur avec de très longues focales.

Linda Tahir rappelle le différend entre le réalisateur et Toshirô Mifune qui tenait à donner une image vertueuse, irréprochable, d’un personnage qui devait pourtant se laisser aller à certaines compromissions pour la sauvegarde de son établissement. Ce qui marquera la fin d’une longue collaboration entre les deux hommes : commencée en 1948 avec L’Ange ivre, elle durera le temps de quinze films.

Le livret se termine sur l’excellent accueil du film au Japon : les recettes du film couvriront largement le coût de la production. Mais le dépassements de tous les budgets a définitivement sapé la confiance des dirigeants de la Tōhō, déjà ébranlée par les dérapages de précédentes réalisations.

La qualité de ce livret et les rapprochements entre Barberousse et d’autres films de Kurosawa révèlent l’étendue de la connaissance qu’a Linda Tahir de l’œuvre de « L’empereur ».

Barberousse

Bonus - 3,5 / 5

En supplément vidéo, deux documentaires repris des précédentes éditions Wild Side de 2006, 2009 et 2012.

Barberousse, entre ombre et lumière (22’) aligne les témoignages, enregistrés à Tokyo en 2005, de techniciens et acteurs, sur la construction de la réplique du dispensaire de Koishikawa, sur la recherche de la perfection qui obsédait Akira Kurosawa, avec les longues répétitions dont les acteurs sortaient épuisés, au point que des techniciens étaient appelés en renfort pour les remplacer, sur l’éclairage minutieux des yeux des acteurs pour accuser la transparence de leur pupille…

Toshirô Mifune par son fils Shirô (27’). Il rappelle que son père séchait souvent l’école pour aller au cinéma et s’était engagé dans l’armée de l’air où il fut chargé de la formation des jeunes pilotes kamikazes qu’il voyait s’envoler pour ne jamais revenir. À la fin de la guerre, après des petits boulots, il a pu se faire embaucher par les Studios Tōhō qui s’étaient lancés dans la recherche de nouveaux visages. Il tint le rôle principal dès son premier film, La Montagne d’argent (Ginrei no hate, de Senkichi Taniguchi, 1947) avant de commencer l’année suivante, dans L’Ange ivre, une longue collaboration avec Akira Kurosawa.

Barberousse

Image - 4,0 / 5

L’image (2.40:1, 1080p, AVC), soigneusement débarrassée de toutes taches et griffures, assez stable dans l’ensemble, affiche des blancs lumineux et des contrastes fermes avec des noirs bien denses qui peuvent occasionnellement se boucher dans quelques séquences en lumière faible. Le bruit a été presqu’entièrement éliminé sans un lissage excessif qui aurait dénaturé la texture argentique.

Barberousse

Son - 3,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 a, lui aussi, été correctement nettoyé. Reste un peu de souffle, d’un niveau variable, mais jamais vraiment gênant. Une bonne dynamique et un spectre relativement ouvert (cependant pauvre en graves) permet d’apprécier la richesse de l’accompagnement musical.

On peut toutefois regretter l’absence du mixage stéréo 4 pistes dont profitait la partition de Masaru Satô à la sortie du film en 1965.

Barberousse

Crédits images : © Toho

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

5,0
5
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2
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Philippe Gautreau
Le 5 septembre 2017
Barberousse, le troisième volet de la Tétralogie de la misère, est un des films les plus ambitieux d’Akira Kurosawa, dans sa quête obsessionnelle de la perfection, au long d’un tournage qui a duré quinze mois. Impossible de ne pas être fasciné par la beauté des cadres et des éclairages !

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