Réalisé par Ted Post
Avec
Clint Eastwood, Inger Stevens et Ed Begley
Édité par Movinside
USA, Oklahoma et Arkansas vers 1880 : un ancien policier devenu fermier est accusé à tort de vol de bétail et de meurtre. Il est lynché, laissé pour mort, sauvé par un shérif expérimenté qui le ramène, comme prisonnier, au juge Fenton dont le tribunal a pour siège la ville de Fort Grant, réputée pour ses exécutions par pendaison. Innocenté par Fenton, Cooper accepte son offre de devenir shérif, ce qui lui permettra d’arrêter les hommes qui l’ont lynché. Mais l’information de sa survie et la confirmation de sa détermination à les poursuivre, parvient vite aux oreilles de leur chef. Entre Cooper et ses anciens bourreaux, une course contre la montre est désormais enclenchée.
Pendez-les haut et court (Hang’em High) (USA 1968) de Ted Post, co-produit et interprété en vedette par Clint Eastwood, n’est pas une pure parabole inventée de toute pièce : le personnage du juge Fenton joué par Pat Hingle est inspiré par le juge Isaac Charles Parker (1838-1896) qui avait été surnommé « The Hanging Judge » (« le juge qui condamne à être pendu ») par ses administrés américains de Fort Smith (transformé en « Fort Grant » dans le film de Post) qui subirent sa rigueur de 1875 à 1890 environ. D’autre part les thèmes du lynchage et de la vengeance sont des sujets très classiques dans l’histoire du western américain des origines à 1968. Sans remonter jusqu’au western muet, il suffit de citer L’Etrange incident (The Ox-Bow Incident) (USA 1943) de William A. Wellman, Une Corde pour te pendre (Along the Great Divide) (USA 1951) de Raoul Walsh, Bravados (The Bravados) (USA 1958) d’Henry King, La Fureur des hommes (From Hell To Texas) (USA 1958) d’Henry Hathaway, Nevada Smith (USA 1966) d’Henry Hathaway.
Les critiques français, lorsqu’il s’agit de ce titre de la filmographie de Eastwood, sont toujours diserts concernant une éventuelle reprise par Pendez-les haut et court du personnage joué par Eastwood dans les trois westerns européens antérieurs (1964, 1965, 1966) de Sergio Leone. Mis à part le cigarillo et quelques zooms sur les yeux de Eastwood, rien ne justifie vraiment cette assertion puisque chez Leone, Eastwood tenait un rôle d’aventurier indépendant alors que dans ce film de Post, il est brièvement éleveur avant de redevenir policier, fonction qui s’avère sa vocation, vocation confirmée in fine et in extremis par le scénario. Avant de jouer dans les trois Leone, Eastwood avait d’ailleurs été - on le sait moins chez nous car cette série demeura inédite à la télévision française - le héros des 216 épisodes de la série TV western Rawhide de 1959 à 1965. Aux USA, Eastwood était donc déjà une star de la TV et déjà une star du western. Eastwood co-producteur choisit d’ailleurs le réalisateur Ted Post et les acteurs Charles McGraw, Ed Begley, Pat Hingle et Bruce Dern parce qu’il les avait connus et appréciés durant les tournages d’épisodes de Rawhide. Il faut aussi noter la brève présence d’un Dennis Hopper halluciné et hallucinant. L’ancienne génération d’acteurs des années 45-55 (Mc Graw, Begley, Hingle) et la nouvelle (Eastwood, Hopper, Dern) sont très bien dosées. Pendez-les haut et court est en outre rehaussé par la présence de Inger Stevens en vedette féminine, ici au sommet de sa beauté et de sa carrière hollywoodienne, dans un rôle tragique (au sens plein du terme car son personnage est ici réellement digne d’une tragédie antique de Eschyle, Sophocle ou Euripide) la même année que celui, presque aussi tragique, qu’elle tenait dans Police sur la ville (USA 1968) de Don Siegel.
Sur le pur plan de la mise en scène, celle de Post est plus moderne et plus graphiquement violente que celle de Leone. Jamais Leone n’avait filmé une scène comme celle de la pendaison de Eastwood en plein générique d’ouverture d’ailleurs remarquablement distendu temporellement, rapporté aux normes de l’époque. Son très haut niveau de violence graphique, son montage abrupt, presque expérimental par son jeu très nerveux sur les champ / contre-champ, aussi sur la variation des angles, sont inédits dans le western américain comme italien de cette époque : la mise en scène de Post était, en réalité, réellement novatrice. Pendez-les haut et court était son premier grand film de cinéma après des années de télévision et il voulait montrer de quoi il était capable. On peut dire que ce coup d’essai fut un coup de maître : Pendez-les haut et court demeure l’un des quatre grands films de Post, les trois autres étant le film fantastique Le Secret de la planète des singes (1970), le film noir policier Magnum Force (1973), le film de guerre Le Merdier (Go Tell the Spartans) (1978).
Le scénario qui frôle parfois le fantastique (logique qui sera portée par Eastwood lui-même à son terme dans son western fantastique qu’est L’Homme des hautes plaines (High Plains Drifter) (USA 1973), est construit selon une progression sophistiquée, presque dialectique, ménageant tous les cas de figure (lynchage, pendaison régulière individuelle, pendaison régulière collective, suicide par pendaison) et alternant scènes spectaculaires (la grande pendaison publique, démentielle par elle-même et admirablement montée par Gene Fowler Jr. qui avait été monteur pour Fritz Lang et Samuel Fuller) ou elliptiques (le suicide hors-champ d’Ed Begley). Bref… un des sommets du western américain de la décennie 1960-1970, équilibrant parfaitement classicisme du thème et modernité de la violence graphique.
1 Blu-ray édité par Movinside, collection « Western », le 17 octobre 2017. Image couleurs au format 1.85 compatible 16/9 sur BD-25 région B encodé en 1080p AVC. Son VF Dolby Digital 2.0, VO et VOSTF D.D. 5.1 et 2.0. Durée du film 115 mn environ. Belle illustration sur la jaquette, inspirée par l’affiche américaine mais plus épurée que celle-ci. Un DVD est également disponible depuis la même date chez le même éditeur.
Il s’agit d’une édition spéciale très légère : l’unique supplément est une présentation (durée presque 30 min., illustrée d’extraits du film) par Mathieu Macheret, journaliste au Monde. Certaines remarques historiques sont utiles, certaines remarques critiques sont - c’est la loi de ce genre très ingrat - parfois intéressantes, parfois infondées ou discutables. L’ensemble est certes très sympathique et dynamique mais trop long d’autant plus que Macheret raconte en grande partie toute l’histoire du film durant cette longue et parfois donc redondante présentation, sans parler des extraits assez nombreux qui fragmentent sa continuité. Ne la visionner qu’après avoir vu le film, donc… comme d’habitude. Je préférerais vraiment, au lieu de voir quelqu’un parler 10, 20 ou 30 minutes (ou pire, comme chez certains autres éditeurs, voir deux ou trois personnes parler 10, 20 ou 30 minutes chacunes) avoir une très belle galerie affiches, une très belle galerie de photos d’exploitation et un choix de critiques d’époque : des documents d’histoire du cinéma de première main, pour le dire plus simplement.
C’est l’excellent master du bluray américain MGM de 2011 qui est ici la source en 1.85 original bien respecté, encodé 1080p et compatible 16/9. Colorimétrie, définition, contraste sont parfaits. Quelques très rares plans (notamment durant la séquence du déjeuner sur l’herbe de Eastwood avec Inger Stevens) sont légèrement instables mais l’ensemble est bien supérieur à l’ancien DVD MGM sorti en France vers 2000. Copie chimique presque impeccable alors que la copie de l’ancien DVD français MGM était parsemée de poussières négatives et positives. Bref, c’est dorénavant l’édition de référence en Full HD : elle peut remplacer sans hésitation toutes les éditions antérieures.
VO et VOSTF en DTS HD Master Audio remastérisé en 5.0 ou restituée en Dolby Digital mono 2.0 d’origine et VF d’époque en DD mono 2.0 d’origine aussi : offre nécessaire et largement suffisante pour le cinéphile francophone, qui correspond à l’offre audio du Blu-ray MGM américain mais qui lui ajoute la VF d’époque et la VOSTF. La remastérisation 5.0 est à la norme 48 HZ, 24-bit mais le cinéphile privilégiera, comme toujours, systématiquement la piste originale mono, dans un tel cas, quitte à revoir le film une seconde fois en 5.0 pour l’aspect sonore éventuellement gratifiant. La VF d’époque est excellente sur le plan dramaturgique et soignée sur le plan technique : ses effets sonores sont précisément répartis. Comme d’habitude, la VO est cependant mieux équilibrée et la voix originale de Eastwood mérite d’être écoutée bien qu’elle soit ici très bien doublée. Musique régulièrement impressionnante signée Dominic Frontiere, le compositeur qui avait signé celle du célèbre générique d’ouverture de la série fantastique Les Envahisseurs à la même époque. On n’oublie pas l’introduction sonore du thème des lyncheurs lorsque Eastwood les aperçoit : il est ensuite utilisé à plusieurs reprises, telle une réminiscence obsédante, presque cauchemardesque. C’est en partie aussi grâce à cette musique de Frontiere que Pendez-les haut et court flirte à plus d’une reprise avec le cinéma fantastique.
Crédits images : © MOVinside