Le Baiser du vampire (1963) : le test complet du Blu-ray

The Kiss of the Vampire

Édition Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Don Sharp
Avec Clifford Evans, Edward de Souza et Noel Willman

Édité par Elephant Films

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Le 05/02/2018
Critique

Le Baiser du Vampire

Autriche-Hongrie, début du vingtième siècle : Marianne et Gerald d’Harcourt, une jeune couple d’Anglais en voyage de noce, deviennent la proie d’une redoutable secte de vampires, dirigée par le docteur Ravna qui enlève et hypnotise Marianne. Gerald reçoit l’aide déterminante du professeur Zimmer dont la propre fille fut autrefois vampirisée par Ravna. Zimmer étudie la magie noire et découvre un rite secret permettant d’exterminer d’un seul coup Ravna et sa secte. Pourront-ils sauver Marianne à temps ?

Le Baiser du vampire (The Kiss of the Vampire) (GB 1962) de Don Sharp est la première contribution fantastique de Sharp à la Hammer film. C’est un coup d’essai qui s’avéra un coup de maître en raison de l’originalité du scénario de John Elder / Anthony Hinds, de la beauté de la photographie signée Alan Hume, d’une partition magnifique de James Bernard, d’un casting somptueux et d’une direction artistique alors au sommet de son art, capable de restituer une atmosphère grâce à quelques éléments soigneusement présentés.

Sabatier avait remarqué en 1973 que la scène où Isobel Black tente de déterrer une morte en lui parlant, s’inspire assez de celle avec Freda Jackson dans Les Maîtresses de Dracula (The Brides of Dracula) (GB 1960) de Terence Fisher et il est, d’autre part, bien évident que le générique d’ouverture est un peu inspiré par celui de Le Sang du vampire (Blood of the Vampire) (GB 1958) d’Henri Cass. Mais inversement, on pourrait aussi considérer que ce premier Sharp a pu ensuite inspirer précisément certains plans du château dans le Dracula, prince des ténèbres (Dracula Prince of Darkness) (GB 1965) de Terence Fisher, des plans de la séance de musique donnée par Jacqueline Pearce à ses invités dans La Femme reptile (The Reptile) (GB 1966) de John Gilling, des plans de l’envoûtement et de la marche dans la forêt de la même Jacqueline Pearce dans L’Invasion des morts-vivants (The Plague of the Zombies) (GB 1966) de John Gilling, sans oublier Veronica Carlson envoûtée et marchant aussi dans la forêt dans [PRGORAM(dracula_et_les_femmes)] (Dracula Has Risen From the Grave) (GB 1968) de Freddie Francis et même des plans de l’orgie sanglante et du cercle magique dans Les Vierges de Satan (The Devil’s Bride / The Devil Rides Out) (GB 1967) de Terence Fisher. Pour ne citer que les filiations les plus évidentes sur le plan dramaturgique et plastique.

Inversement, on peut se demander si l’idée de la scène finale baroque du Le Baiser du vampire (sortie septembre 1963 aux USA) ne fut pas inspirée par certaines séquences dans [PROGRAM()] (The Birds) (USA 1963) d’Alfred Hitchcock (sortie mars 1963 aux USA) ? Encore faudrait-il vérifier si la collusion fut consciente outre-Manche ou le fait du hasard ? Un point intéressant d’histoire du cinéma qu’il faudrait un jour (ou une nuit) éclaircir.

Historiquement, le film de Sharp est donc autant important par lui-même - en raison de ses qualités intrinsèques - que par l’influence qu’il a pu avoir sur l’histoire de la production fantastique de la Hammer. Souhaitons que le restant de la filmographie fantastique de Sharp (hammerienne comme para-hammerienne puisque Sharp travailla dans le genre pour d’autres firmes anglaises et européennes) nous soit un jour restituée intégralement en vidéo haute définition. A cet égard, Le Masque de Fu Manchu (The Face of Fu-Manchu) (GB 1965) de Don Sharp, Curse of the Fly (GB 1965) mériteraient tous les deux une édition Full HD ad hoc. Cet australien d’origine qui dirigea de nombreux épisodes des séries TV anglaises les plus célèbres de la période 1960-1970, mérite aujourd’hui d’être redécouvert pour ce qu’il est : un artisan régulièrement inspiré. Pas seulement sa filmographie fantastique : il faudrait aussi rééditer, par exemple, son très violent Le Grand défi / Dieu sauve la reine (Hennessy) (GB 1975), l’un des meilleurs films policiers consacrés à la guerre d’Irlande du Nord durant la décennie 1970-1980.

Le Baiser du Vampire

Présentation - 4,0 / 5

Edition spéciale « combo » Blu-ray « region free » + DVD édités le 5 décembre 2017 par Elephant film. Durée du film en Blu-ray : 85 minutes, en DVD : 82 minutes environ. Image au format 2.0 compatible 16/9 couleurs en Full HD 1920x1080p sur Blu-ray. Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque. Suppléments : livret collector 20 pages, la petite boutique des horreurs de la Hammer (10 min. environ), le film par Nicholas Stanzick (12 min. environ), jaquette réversible (affiche contemporaine par le graphiste Melchior Ascaride / affiche d’époque), bandes-annonces, galerie images. Seul le Blu-ray a été reçu par la rédaction.

Le livret illustré de 20 pages, signé Nicolas Stanzick, est une introduction à la Hammer films, sa genèse, son histoire, sa réception en France. On sait que ce dernier point, pas seulement sociologique mais aussi historique et esthétique, était l’objet principal du livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer, éditions BDL (revue, corrigée et augmentée), Paris 2010. Il n’est évidemment pas oublié ici et le chapitre sur la naissance de la revue Midi-Minuit Fantastique est; sans surprise, l’un des meilleurs du livret. Je signale que Nicolas est le maître d’oeuvre d’une nouvelle édition, revue et augmentée, de cette célèbre revue dont les tomes reliés I et II sont déjà sortis chez l’éditeur Rouge profond, dont le tome III devrait sortir cette année 2018. Voici quelques observations concernant certains points intéressants, dans l’ordre de leur apparition : Le cinéma fantastique muet (notamment celui de l’expressionnisme allemand de 1915-1930) puis le cinéma fantastique parlant américain, donc celui de la Universal historique de 1931-1945 et celui des majors concurrentes qui lui emboîtèrent immédiatement le pas (notamment Warner, Paramount, MGM, RKO), avaient déjà produit sur le public de 1931-1945 l’effet sociologique que produisit la Hammer sur celui de 1955-1975. Penser que la Hammer a introduit un frisson nouveau me semble donc une erreur rétrospective, y compris concernant l’érotisme et l’aspect social. qui ne sont absents ni l’un ni l’autre de l’histoire du cinéma fantastique des origines à 1955.

Le terme « gothique » pour définir les films fantastiques de la Hammer films, est historiquement comme esthétiquement peu approprié en dépit de la mode actuelle, pour plusieurs raisons.

L’interprétation athée de La Revanche de Frankenstein (GB 1958) de Terence Fisher, a été soutenue par Jean-Pierre Bouyxou et je crois comprendre qu’elle est reprise par Nicolas mais elle fut vigoureusement refusée par son scénariste Jimmy Sangster au cours de leur entretien (publié in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma, éditions U.G.E., collection 10/18, Paris 1971).

Christopher Lee et Fisher ont soigneusement maintenu l’ambivalence humaine / inhumaine du personnage de Dracula, monstre rendu plus dangereux par sa beauté apparente mais néanmoins monstre. Aspect démoniaque (au sens à la fois théologique et kierkegaardien du terme) revendiqué par Lee dans son entretien avec Caen paru dans un Midi-Minuit Fantastique n°4-5 de janvier 1963. Lee le maintiendra dans ses interprétations suivantes, y compris dans les dernières grandes versions Hammer des années 1970 qu’il interprète, celles de Roy Ward Baker et de Peter Sasdy.

(PROGRAM(cauchemar_de_dracula)) (Dracula / Horror of Dracula) (GB 1958) de Terence Fisher n’est pas le premier film montrant les canines du vampire. Si ma mémoire est bonne, on les voyait déjà en 1943 chez Siodmak et en 1944 et 1945 chez Erle C. Kenton. On les voyait assurément dans El Vampiro ((PROGRAM(Les Proies du vampire))) (Mex. 1957) de Fernando Mendez avec German Robles. En couleurs et sanglantes, en revanche, possible mais… à vérifier cependant ! L’histoire du cinéma réserve tant de surprises… et il reste encore tant de films fantastiques inédits en France au cinéma à découvrir : je pense par exemple au The Return of the Vampire (USA 1943) de Lew Landers avec Bela Lugosi.

Concernant la réception politique de la Hammer films en France, une certaine ambivalence demeure: le public de gauche intellectuelle a certainement pensé ce que Nicolas écrit; le grand public apolitique n’a absolument pas pensé cela, quant au public de droite intellectuelle … je ne sais pas ! Je note, à ce sujet, que la revue Présence du cinéma (Michel Mourlet, Michel Marmin et les « mac-mahoniens ») défendait un cinéaste-bis (devenu d’ailleurs, non moins que Fisher, un cinéaste classique incontournable) tel que Vittorio Cottafavi alors que Jean Douchet crachait sur Fisher certaines des lignes les plus méprisantes jamais lues dans l’histoire critique française de ce cinéaste (lignes reproduites dans M.-M. F. n°1). Le paragraphe sur l’année 1968 et ses paradoxes culturels et sociologiques est très bon.

Sur les vedettes féminines de la Hammer, analyse assez complète mais l’espace manquait évidemment pour cerner totalement la richesse du sujet et il est, de toute manière, préférable de réserver une telle analyse à une critique titre par titre.

Le chapitre sur les Hammer « para-victoriens » (donc sur ceux relevant des genres de la sciences-fiction, de la terreur psychologique, de l’aventure historique et préhistorique) compense, en dépit de son inévitable brièveté, un peu leur absence du livre de référence.

Michael Carreras était déjà aux commandes et déjà actif dès les années 60, bien avant le passage de pouvoir « officiel » de James à Michael. D’autre part, les contemporains rendent responsables Aïda Young plutôt que Carreras de l’accentuation de la violence et de l’érotisme graphique. Un point d’histoire de la Hammer à creuser un jour (peut-être déjà résolu par les livres consacrés à l’histoire du studio, notamment les livres anglais et leurs témoignages de première main ?) mais Michael en fut aussi responsable, de toute évidence.

Intéressant paragraphe synthétique sur l’évolution fishérienne de la conception du baron Frankenstein mais il me semble que le passage « de l’autre côté du miroir » est déjà effectué à la fin de La Revanche de Frankenstein.

Bons paragraphes sur les Hammers des années 1970 et sur la présentation de (PROGRAM(frankenstein_et_le_monstre_de_l_enfer)) (GB 1973) de Terence Fisher à la Convention française du cinéma fantastique, ce qui accentue la reconnaissance critique néanmoins encore marginale et pour longtemps, du genre. Sur le plan du grand public, en revanche, la Hammer n’est pas encore classique : elle demeure également marginale et pour aussi longtemps, notamment à la télévision (la télédiffusion du (PROGRAM(cauchemar_de_dracula)) en VF d’époque vers 1975 demeurant l’exception qui confirme la régle). Terence Fisher meurt en 1980 dans l’indifférence critique et médiatique la plus complète et la Hammer. Il faudra attendre presque trente ans pour que la Cinémathèque française lui rende hommage (2007).

Excellent chapitre sur les doubles-programmes mythologiques des cinémas parisiens Brady et Colorado et sur ma génération mais un bémol historique : au tournant des années 1980, la mort des cinémas de quartier est inexorablement enclenchée et de tels doubles-programmes disparaissent progressivement. Après 1985, le phénomène s’accentue.

Le Baiser du Vampire

Bonus - 4,0 / 5

2 suppléments vidéo complètent le livret : « la petite boutique des horreurs » (10 min.) est une brève introduction à l’histoire de la Hammer Films par Nicolas Stanzick, illustrée de documents de première main et la présentation de Le Baiser du vampire (20 min environ) par Nicolas couvre bien sa genèse, sa situation thématique dans l’histoire du cinéma, sa production, sa réception française. Elle est bien informée, montée assez nerveusement par Erwan Le Gac et, en outre, très bien illustrée. Sur certains points de cette présentation, je renvoie à ce que j’ai écrit plus haut concernant le livret car certains éléments du livret se retrouvent dans cette présentation.

La galerie images  : une vingtaine de belles photos de plateau N&B en majorité et quelques-unes en couleur (mais celles-là parfois un peu décadrées ou recadrées car elles ont pour sources des photos d’exploitation détourées), remarquablement reproduites à la bonne taille, afin qu’on en profite pleinement sur grand écran TV ou vidéoprojecteur.

La section bandes-annonces (une dizaine proposées en VOSTF) est intéressante car on y trouve une BA de 1961 proposant le double-programme (en très mauvais état chimique et recadrée : des avertissements signalent que le master Elephant est évidemment d’une qualité bien supérieure) de La Nuit du loup-garou et de Le Spectre du chat. Notons que cette BA est intégralement N&B alors que le premier film est en couleurs. On y trouve également une belle bande-annonce au format HammerScope 2.35 N&B de Paranoïaque. L’état chimique comme vidéo de l’ensemble de ces BA varie du bon au médiocre, y compris concernant les cadrages des formats. Cette section contient également une publicité filmée pour l’édition revue et augmentée de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique.

L’ensemble est sympathique et très honorable. mais on aurait pu ajouter le commentaire audio VOSTF de l’acteur Edward De Souza et de l’actrice Jennifer Daniel, audible (en VO sans STF) sur le bluray anglais édité par Final Cut en 2014, pour faire bonne mesure.

Le Baiser du Vampire

Image - 5,0 / 5

Format original 1.85 respecté compatible 16/9 en couleurs, sur le Blu-ray 1080p Full HD Elephant, correspondant au master utilisé sur le coffret Universal américain édité là-bas en 2016 d’ailleurs fidèle au coffret DVD de 2005, de ce point de vue. Copie chimique bien restaurée mais un ou deux plans (par exemple le plan d’ensemble du château ouvrant la scène de l’arrivée du couple en voiture, observés par Ravna) sont en un peu moins bon état chimique que le restant. C’est inévitable car ce genre de plans de coupe souffraient davantage que le restant : ils servaient parfois à plusieurs films successivement voire simultanément et on ne prenait donc pas la peine de les retourner à chaque fois sur un négatif neuf. Et image supérieure, à format identique, à celle visible sur l’ancien Blu-ray anglais Final Cut en raison de son encodage mieux défini.

Le Baiser du Vampire

Son - 5,0 / 5

Son DTS HD Master audio Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque savoureuse bien conservée et restituée : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Les dialogues français d’époque modifient parfois légèrement ce qui est dit en VOSTF. Sous-titres bien lisibles sans être trop gros, amovibles en option si on veut écouter la VO pure, comme c’est le cas de toute cette série Hammer éditée fin 2017 chez Elephant. Partition signée James Bernard, une de ses meilleures (en raison de l’étonnante composition piano, inédite dans son histoire musicologique), fidèle à son style expressionniste, baroque et pléonastique.

Le Baiser du Vampire

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
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francis moury
Le 5 mars 2019
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