Paranoïaque (1963) : le test complet du Blu-ray

Paranoiac

Édition Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Freddie Francis
Avec Janette Scott, Oliver Reed et Sheila Burrell

Édité par Elephant Films

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Le 12/02/2018
Critique

Paranoïaque !

Angleterre 1962 : Eleanor, dépressive depuis la mort de ses parents, est sauvée du suicide par son frère Tony qu’elle croyait disparu. Ce dernier est considéré comme un imposteur par la tante d’Eleanor et par son second frère Simon qui veut la faire passer pour folle afin d’hériter de la solide fortune familiale, gérée par un cabinet d’avoués jusqu’à la date fatidique fixée pour l’héritage. Qui est réellement Tony ? Est-il vraiment le frère tant espéré ou bien un sosie au service d’intérêts cachés ? Et surtout, réussira-t-il à protéger Eleanor de Simon dont les colères sont si redoutables et imprévisibles qu’elles pourraient l’amener à tuer ?

Paranoïaque ! (Paranoiac) (GB 1962) de Frederick (« Freddie ») Francis est le second (ou le troisième, selon qu’on privilégie les dates de production ou celles de distribution) thriller psychologique écrit par Jimmy Sangster pour la Hammer films, dans la lignée du Psychose (Psycho) (USA 1960) d’Alfred Hitchcock. Dans la filmographie de Francis, c’est son second ou troisième film fantastique en tant que réalisateur (selon qu’on prend en compte ou non La Révolte des Triffides qu’il a co-réalisé mais sur lequel il n’est pas crédité), le suivant étant filmographiquement son ambitieux L’Empreinte de Frankenstein (The Evil of Frankenstein) (GB 1964) également produit par la Hammer.

Les scènes au bord des falaises sont plastiquement splendides pour deux bonnes raisons : Francis était lui-même un grand directeur de la photo avant de passer à la mise en scène et c’est ici Arthur Grant, l’un des meilleurs directeurs de la photo Hammer, qui est son chef-opérateur. Elles sont évidemment un écho de celles déjà écrites par Sangster pour Hurler de peur (Taste of Fear / Scream of Fear) (GB 1961) de Seth Holt mais un écho intelligemment renouvelé. Le scénario est nourri de davantage de rebondissements, semble plus sophistiqué encore que celui de Hurler de peur mais la rançon de ce brio revendiqué est qu’il apparaît parfois légèrement plus artificiel. Un casting homogène et inspiré, quelques idées plastiques mémorables telles que ce fameux plan du tueur annonçant Halloween - La nuit des masques (Halloween) (USA 1978) de John Carpenter ou bien le plan subjectif en contre-plongée de la belle Liliane Brousse noyée par Oliver Reed, une photo scope N&B élaborée, un montage très nerveux et précis, une musique souvent inspirée signée par la grande Elisabeth Lutyens, achèvent pourtant de faire de Paranoïaque ! un bel exercice de style, oscillant entre réalisme et baroque, frôlant régulièrement le fantastique, l’horreur et l’épouvante.

Cette veine de la « terreur psychologique » compte presque une dizaine de titres Hammer tournés entre 1961 (Hurler de peur) et 1972 (Sueur froide dans la nuit) qui mériteraient tous d’être réédités intégralement en Full HD.

Paranoïaque !

Présentation - 4,0 / 5

Edition spéciale « combo » Blu-ray region free + DVD édités le 5 décembre 2017 par Elephant film. Durée du film en Blu-ray : 83 minutes, en DVD : 80 minutes environ. Image au format respecté 2.35 compatible 16/9 N&B, en Full HD 1920x1080p sur Blu-ray, en SD sur DVD. Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF et VF d’époque. Suppléments : livret collector 20 pages, la petite boutique des horreurs de la Hammer (10 min. environ), le film par Nicholas Stanzick (10 min. environ), jaquette réversible (affiche contemporaine par le graphiste Melchior Ascaride / affiche d’époque), bandes-annonces, galerie d’images. A noter que le titre mentionné sur la jaquette n’est pas le titre français mais le titre original orthographié anglais (amputé de son point d’exclamation final présent sur toutes les affiches originales mais… absent du générique). Seul le Blu-ray a été reçu par la rédaction.

Le livret illustré de 20 pages, signé Nicolas Stanzick, est une introduction à la Hammer films, sa genèse, son histoire, sa réception en France. On sait que ce dernier point, pas seulement sociologique mais aussi historique et esthétique, était l’objet principal du livre de Nicolas Stanzick, Dans les griffes de la Hammer, éditions BDL (revue, corrigée et augmentée), Paris 2010. Il n’est évidemment pas oublié ici et le chapitre sur la naissance de la revue Midi-Minuit Fantastique est; sans surprise, l’un des meilleurs du livret. Je signale que Nicolas est le maître d’oeuvre d’une nouvelle édition, revue et augmentée, de cette célèbre revue dont les tomes reliés I et II sont déjà sortis chez l’éditeur Rouge profond, dont le tome III devrait sortir cette année 2018. Voici quelques observations concernant certains points intéressants, dans l’ordre de leur apparition :

Le cinéma fantastique muet (notamment celui de l’expressionnisme allemand de 1915-1930) puis le cinéma fantastique parlant américain, donc celui de la Universal historique de 1931-1945 et celui des majors concurrentes qui lui emboîtèrent immédiatement le pas (notamment Warner, Paramount, MGM, RKO), avaient déjà produit sur le public de 1931-1945 l’effet sociologique que produisit la Hammer sur celui de 1955-1975. Penser que la Hammer a introduit un frisson nouveau me semble donc une erreur rétrospective, y compris concernant l’érotisme et l’aspect social. qui ne sont absents ni l’un ni l’autre de l’histoire du cinéma fantastique des origines à 1955.

Le terme « gothique » pour définir les films fantastiques de la Hammer films, est historiquement comme esthétiquement peu approprié en dépit de la mode actuelle, pour plusieurs raisons.

L’interprétation athée de La Revanche de Frankenstein (GB 1958) de Terence Fisher, a été soutenue par Jean-Pierre Bouyxou et je crois comprendre qu’elle est reprise par Nicolas mais elle fut vigoureusement refusée par son scénariste Jimmy Sangster au cours de leur entretien (publié in Bouyxou & Lethem, La Science-fiction au cinéma, éditions U.G.E., collection 10/18, Paris 1971).

Christopher Lee et Fisher ont soigneusement maintenu l’ambivalence humaine / inhumaine du personnage de Dracula, monstre rendu plus dangereux par sa beauté apparente mais néanmoins monstre. Aspect démoniaque (au sens à la fois théologique et kierkegaardien du terme) revendiqué par Lee dans son entretien avec Caen paru dans un Midi-Minuit Fantastique n°4-5 de janvier 1963. Lee le maintiendra dans ses interprétations suivantes, y compris dans les dernières grandes versions Hammer des années 1970 qu’il interprète, celles de Roy Ward Baker et de Peter Sasdy.

Le Cauchemar de Dracula (Dracula / Horror of Dracula) (GB 1958) de Terence Fisher n’est pas le premier film montrant les canines du vampire. Si ma mémoire est bonne, on les voyait déjà en 1943 chez Siodmak et en 1944 et 1945 chez Erle C. Kenton. On les voyait assurément dans El Vampiro (Les Proies du vampire) (Mex. 1957) de Fernando Mendez avec German Robles. En couleurs et sanglantes, en revanche, possible mais… à vérifier cependant ! L’histoire du cinéma réserve tant de surprises… et il reste encore tant de films fantastiques inédits en France au cinéma à découvrir : je pense par exemple au Le Retour du vampire (USA 1943) de Lew Landers avec Bela Lugosi.

Concernant la réception politique de la Hammer films en France, une certaine ambivalence demeure: le public de gauche intellectuelle a certainement pensé ce que Nicolas écrit; le grand public apolitique n’a absolument pas pensé cela, quant au public de droite intellectuelle … je ne sais pas ! Je note, à ce sujet, que la revue Présence du cinéma (Michel Mourlet, Michel Marmin et les « mac-mahoniens ») défendait un cinéaste-bis (devenu d’ailleurs, non moins que Fisher, un cinéaste classique incontournable) tel que Vittorio Cottafavi alors que Jean Douchet crachait sur Fisher certaines des lignes les plus méprisantes jamais lues dans l’histoire critique française de ce cinéaste (lignes reproduites dans M.-M. F. n°1).

Le paragraphe sur l’année 1968 et ses paradoxes culturels et sociologiques est très bon.

Sur les vedettes féminines de la Hammer, analyse assez complète mais l’espace manquait évidemment pour cerner totalement la richesse du sujet et il est, de toute manière, préférable de réserver une telle analyse à une critique titre par titre.

Le chapitre sur les Hammer « para-victoriens » (donc sur ceux relevant des genres de la sciences-fiction, de la terreur psychologique, de l’aventure historique et préhistorique) compense, en dépit de son inévitable brièveté, un peu leur absence du livre de référence.

Michael Carreras était déjà aux commandes et déjà actif dès les années 60, bien avant le passage de pouvoir « officiel » de James à Michael. D’autre part, les contemporains rendent responsables Aïda Young plutôt que Carreras de l’accentuation de la violence et de l’érotisme graphique. Un point d’histoire de la Hammer à creuser un jour (peut-être déjà résolu par les livres consacrés à l’histoire du studio, notamment les livres anglais et leurs témoignages de première main ?) mais Michael en fut aussi responsable, de toute évidence.

Intéressant paragraphe synthétique sur l’évolution fishérienne de la conception du baron Frankenstein mais il me semble que le passage « de l’autre côté du miroir » est déjà effectué à la fin de La Revanche de Frankenstein.

Bons paragraphes sur les Hammers des années 1970 et sur la présentation de Frankenstein et le monstre de l’enfer (GB 1973) de Terence Fisher à la Convention française du cinéma fantastique, ce qui accentue la reconnaissance critique néanmoins encore marginale et pour longtemps, du genre. Sur le plan du grand public, en revanche, la Hammer n’est pas encore classique : elle demeure également marginale et pour aussi longtemps, notamment à la télévision (la télédiffusion du Le Cauchemar de Dracula en VF d’époque vers 1975 demeurant l’exception qui confirme la régle). Terence Fisher meurt en 1980 dans l’indifférence critique et médiatique la plus complète et la Hammer. Il faudra attendre presque trente ans pour que la Cinémathèque française lui rende hommage (2007).

Excellent chapitre sur les doubles-programmes mythologiques des cinémas parisiens Brady et Colorado et sur ma génération mais un bémol historique : au tournant des années 1980, la mort des cinémas de quartier est inexorablement enclenchée et de tels doubles-programmes disparaissent progressivement. Après 1985, le phénomène s’accentue.

Paranoïaque !

Bonus - 4,0 / 5

2 suppléments vidéo complètent le livret : « la petite boutique des horreurs » (10 min.) est une brève introduction à l’histoire de la Hammer Films par Nicolas Stanzick, illustrée de documents de première main et la présentation de Paranoïaque ! (15 min pile) couvre bien sa genèse, sa production, la naissance du courant « terreur psychologique » et l’importance du scénariste Jimmy Sangster, sa réception française. Elle est bien informée, montée assez nerveusement et, en outre, très bien illustrée. Sur certains points de cette présentation, je renvoie à ce que j’ai écrit plus haut concernant le livret car certains éléments du livret se retrouvent dans cette présentation.

La galerie images  : aucune affiche mais une vingtaine de très belles photos de plateau N&B, remarquablement reproduites à la bonne taille, afin qu’on en profite pleinement sur grand écran TV ou vidéoprojecteur. Malheureusement aucun jeu complet de photos d’exploitation n’est proposé.

La section bandes-annonces (une dizaine proposées en VOSTF) est intéressante car on y trouve une BA de 1961 proposant le double-programme (en très mauvais état chimique et recadrée : des avertissements signalent que le master Elephant est évidemment d’une qualité bien supérieure) de La Nuit du loup-garou et de Le Spectre du chat. Notons que cette BA est intégralement N&B alors que le premier film est en couleurs. On y trouve également une belle bande-annonce au format HammerScope 2.35 N&B de Paranoïaque ! L’état chimique comme vidéo de l’ensemble de ces BA varie du bon au médiocre, y compris concernant les cadrages des formats. Cette section contient également une publicité filmée pour l’édition revue et augmentée de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique.

L’ensemble est sympathique et très honorable. mais on aurait pu ajouter à la galerie photos, déjà très mignonne, les 54 documents visibles dans la section « Ephemera » du bluray anglais édité par Eureka, pour faire bonne mesure.

Paranoïaque !

Image - 5,0 / 5

Format original 2.35 HammerScope N&B respecté et compatible 16/9, en Full HD 1080p. C’est le master américain d’Universal qui est ici utilisé par Elephant et c’est tant mieux car sa qualité d’image est supérieure à celle du master utilisé par l’éditeur Eureka, à formats identiques. Copie chimique parfaitement restaurée, définition et contraste magnifiques : ce Blu-ray Elephant est l’édition de référence en Full HD.

Son - 5,0 / 5

Son DTS HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital 2.0 (sur DVD) en VOSTF (la voix de l’actrice française Liliane Brousse est doublée par une actrice anglaise) et VF d’époque. VF d’époque en bon état mais la voix française d’Oliver Reed (le neveu du cinéaste Carol Reed) ne lui convient pas alors que les autres sont pertinentes. Les dialogues français d’époque modifient parfois légèrement ce qui est dit en VOSTF. Sous-titres pas trop gros mais bien lisibles.

Paranoïaque !

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Panasonic FullHD
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Sony
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p
Note du disque
Avis
Multimédia
Paranoïaque
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