Duel au soleil (1946) : le test complet du Blu-ray

Duel in the Sun

Édition Coffret Ultra Collector - Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par King Vidor
Avec Jennifer Jones, Joseph Cotten et Gregory Peck

Édité par Carlotta Films

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Le 05/04/2018
Critique

Duel au soleil

Après l’exécution de son père, condamné à mort pour avoir tué sa femme indienne et son amant, la jeune Pearl Chavez part s’installer chez les McCanles, de riches cousins éloignés vivant au Texas. Sa peau métissée lui vaut de connaître l’hostilité de certains et sa beauté d’attiser les tensions familiales, notamment entre les deux frères Jesse et Lewt. L’aîné, brillant diplômé en droit, est aussi pondéré et intègre que le cadet, jeune voyou sans foi ni loi, est impulsif et passionné. Entre ces deux frères rivaux, Pearl va devoir choisir…

Duel au soleil (Duel in the Sun) matérialise un rêve de David O. Selznick. Obsédé par sa superproduction Autant en emporte le vent (Gone with the Wind) sortie sept ans plus tôt, en 1939, il voulait produire une oeuvre encore plus ambitieuse. Avec les scènes à grand spectacle de l’affrontement entre les éleveurs et les équipes de construction du chemin de fer, mobilisant des centaines de figurants, des centaines de cavaliers, les multiples reprises de tournage de scènes entières, le film fut alors le plus cher jamais tourné, avec un coût de près de 6,5 millions de dollars (90 millions de dollars 2018), en fort dépassement du budget.

Duel au soleil, comme certains films à grand spectacle de l’époque, s’ouvre sur un prélude et une ouverture plutôt longuets (11 minutes) et le rideau tombe avec un postlude, tous dirigés par Dimitri Tiomkin, compositeur de la musique du film. Une entrée en matière qui donne le ton de l’interprétation, nettement surjouée, du personnage de Pearl par Jennifer Jones, avec une sensualité qui titille constamment les canons du Code Hays et déclenchera les foudres des ligues de vertu. Le film fut d’ailleurs mis à l’index par l’église catholique.

Duel au soleil

Autour d’elle, le gratin des stars d’alors, Lillian Gish, l’ex-« petite fiancée de l’Amérique » des années du muet, Lionel Barrymore dans le rôle du patriarche du clan McCanles, Herbert Marshall, Charles Bickford, Walter Huston, le père de John Huston, Joseph Cotten, auréolé du succès de La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons, Orson Welles, 1942) et l’étoile montante, lancée par Les Clés du royaume (John M. Stahl, 1944), Gregory Peck, dans un rôle de vilain.

Duel au soleil marqua un tournant dans la vie de Selznick : l’accueil réservé du public ne couvrit pas le budget et le désastre commercial du Portrait de Jennie (William Dieterle, 1948) mit le producteur dans une situation délicate. Les quatre films d’Alfred Hitchcock, Rebecca (1940), La Maison du Docteur Edwardes (Spellbound, 1945), Les Enchaînés (Notorius, 1946) et Le Procès Paradine (The Paradine Case, 1947) ne cumulèrent pas assez de recettes pour inverser la tendance (ces quatre films ont été récemment réunis dans l’édition Carlotta Films Alfred Hitchcock - Les Années Selznick, distinguée par le Prix du meilleur coffret attribué par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma). Au bord de la ruine, David O. Selznick dut liquider sa société.

Carlotta Films vient combler un vide : l’édition, sortie en 2007 par DVDY Films, était depuis longtemps épuisée. Cette nouvelle édition, exceptionnelle, nous propose une version récemment restaurée, pour la première fois en haute définition.

Duel au soleil

Présentation - 5,0 / 5

Duel au soleil (144 minutes) et ses suppléments (32 minutes) tiennent sur un Blu-ray (BD-50) et un DVD-9, avec le même contenu, glissés sous les couvertures du digibook de ce neuvième volume de la Collection Édition Ultra Collector lancée par Carlotta Films en 2015 avec Body Double de Brian De Palma.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, ou dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 1.0.

Le livre illustré de 200 pages, ce remarquable travail de Pierre Berthomieu, intitulé Le Temps des folies : la fabrique de Duel au soleil, est divisé en trois parties. La première, Tara meurt au Texas, le phantasme du génie littéraire, évoque la longue adaptation (pas moins de huit versions du scénario), avec une fin modifiée, d’un roman de Niven Busch. L’auteur a aussi participé à l’écriture du scénario avec Ben Hecht, Oliver H.P. Garrett et David O. Selznick lui-même, aboutissant à un mélange de mélodrame et de western situé dans l’immensité du Texas, « cette terre qui se laissait pénétrer par le sperme chaud du soleil ». C’est le récit de la passion torride de Pearl pour les deux frères, Jesse et Lewt, Jekyll et Hyde.

Suit La lumière verte qui recule devant nous, la guerre des signatures. Ce passionnant chapitre recherche à qui attribuer la paternité du film, au réalisateur King Vidor ou au producteur et coscénariste David O. Selznick. Tous les éléments à prendre en compte sont examinés : le choix des lignes de force du scénario, la caractérisation des personnages, la sélection des acteurs, la décision de retourner telle ou telle séquence, le montage… Selznick, après avoir renvoyé King Vidor, dirigea lui-même certaines scènes et confia le tournage d’autres aux cinéastes qui avaient assisté Vidor, William Dieterle, Otto Brower, Sidney Franklin, William Cameron Menzies et Josef von Sternberg… Une série de photos permet de comparer des plans tournés par King Vidor à ceux tournés par William Dieterle et Josef von Sternberg. Ce volet se termine sur les interventions de Selznick sur le montage et sur une analyse de la partition de Dimitri Tiomkin, avec une réduction pour piano de ses onze thèmes. Passionnant !

Le chapitre final, Un empire ouvert à la ruine, la révolution baroque de Hollywood, évoque la naissance des blockbusters à Hollywood, les démêlés du film avec la censure, son accueil par le grand public, la comparaison du personnage de Lewt au Rhett Butler d’Autant en emporte le vent, les riches heures des intrigantes baroques de Hollywood allant de Becky Sharp (Rouben Mamoulian, 1935) avec Miriam Hopkins, à Quand la terre brûle (Miracle, Irving Rapper et Gordon Douglas, 1959), avec Carroll Baker.

Duel au soleil

Bonus - 2,5 / 5

En complément vidéo, Jennifer Jones et David O. Selznick (2017, 18’, inédit réalisé par Bertrand Tessier), raconté par Daniel Selznick, fils du producteur. Phyllis Walker, fille d’un propriétaire de plusieurs théâtres du sud-ouest des USA, sollicite le rôle de Claudia dans Claudia and David (Walter Lang, 1946). David O. Selznick lui conseille de jouer dans une pièce à Santa Monica, puis, séduit par sa beauté, la fait embaucher par la 20th Century Fox, dirigée par son beau-frère William Goetz, dans Le Chant de Bernadette, sous le pseudonyme de Jennifer Jones, et en fait sa maîtresse. Pour ce rôle, elle remporta un Oscar contre la solide concurrence de Greer Garson, Joan Fontaine et Ingrid Bergman. Puis Selznick la retient pour le rôle de Pearl dans Duel au soleil, tourné en neuf mois dans les studios de Culver City et à Tucson, sous une chaleur accablante. Bien reçu en Europe, le film fut considéré aux USA comme un « horse opera à l’eau de rose », malgré la publicité alléchante faite sur les charmes de l’actrice : « Built by the devil, she drives them crazy! ». Puis vint, Portrait of Jennie, avec Joseph Cotten, illustré par de la musique de Debussy, retraçant un peu la liaison entre Selznick et Jennifer Jones. Après des moments difficiles, ils se marièrent en 1949, à Amalfi, pendant le tournage de Plus fort que le diable (Beat the Devil, John Huston, sorti en 1953). Il la fera jouer avec les plus grands réalisateurs. Pendant le tournage d’Adieu aux armes, Selznick entre en conflit avec John Houston, qu’il fait remplacer par Charles Vidor. Il meurt en 1965, deux ans après avoir été renvoyé par la Fox, juste avant le tournage de Tender Is the Night.

Et repris de l’édition Kino Lorber, sortie aux USA en août 2017 : Gregory Peck, le rebelle (2017, 10’), un entretien avec ses enfants, Cecilia, Gary et Anthony Peck. Trois films avec Gregory Peck, Spellbound, Duel au soleil et Le Procès Paradine ont été produits par David O. Selznick. L’acteur entretenait d’excellentes relations avec King Vidor, Jennifer Jones et Lionel Barrymore et, bon cavalier, refusait d’être doublé dans les scènes où son personnage montait à cheval.

Trois bandes-annonces, l’originale de 136 secondes, une de 60 secondes et une de 30 secondes.

Duel au soleil

Image - 4,0 / 5

L’image (1.33:1, 1080p AVC), stable, propre (on ne distingue que quelques infimes taches), restitue assez fidèlement les couleurs franches du Technicolor, avec d’occasionnels excès de saturation. La fine résolution révèle les détails sur toute la profondeur de champ des plans larges filmés en plein jour. L’image est nettement plus douce dans quelques séquences tournées en basse lumière.

La texture argentique a été préservée, au prix d’un léger bruit vidéo, surtout discernable sur les fonds de ciel.

Duel au soleil

Son - 3,5 / 5

Le son de la version originale (DTS-HD Master Audio 1.0) souffre de saturations qui affectent la netteté de l’accompagnement musical et, très occasionnellement, des dialogues. Le souffle a été remarquablement réduit.

Les dialogues du doublage sont trop en avant et manquent souvent de naturel.

Duel au soleil

Crédits images : © 1947 AMERICAN BROADCASTING COMPANIES, INC. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 5 avril 2018
Obsédé par le désir de dépasser Autant en emporte le vent, David O. Selznick se lança dans l’aventure de Duel au soleil dont le coût précipita la ruine de sa société de production. Il réunit autour de sa muse, Jennifer Jones, deux grandes stars de l’époque, Joseph Cotten et Gregory Peck, pour ce western à grand spectacle que les censeurs d’alors virent comme une provocation. Une édition rare !

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Duel au soleil
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