La Garçonnière

La Garçonnière (1960) : le test complet du Blu-ray

The Apartment

Réalisé par Billy Wilder
Avec Jack Lemmon, Shirley MacLaine et Fred MacMurray

Édité par Rimini Editions

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Le 26/02/2018
Critique

La Garçonnière

C.C. Baxter, employé peu ambitieux d’une compagnie d’assurances de New York, manque de sommeil. Pas évident, pour lui, de bénéficier régulièrement d’un repos réparateur dans son appartement : il n’ose pas refuser d’en confier la clef à quelques cadres supérieurs pour leurs ébats extra-conjugaux, contre des promesses d’avancement. Célibataire depuis des lustres, il n’a d’yeux que pour Fran Kubelik, une liftière de la compagnie qui le dépose tous les matins au 19e étage…

La Garçonnière (The Apartment, 1960) est le dix-septième film de Billy Wilder, un Autrichien qui quitta Berlin en 1933 pour rejoindre Hollywood, après un rapide passage par la France, où il coréalisa en 1934 son premier film, Mauvaise graine, avec son compatriote Alexander Esway et Danièle Darrieux en tête d’affiche. C’est aussi le troisième des douze films, après Certains l’aiment chaud, dont il a cosigné le scénario avec I.A.L. Diamond, d’origine roumaine, douze films depuis Ariane, en 1957, jusqu’à Buddy Buddy (1981, qui n’a encore été édité sur DVD qu’en Espagne).

La Garçonnière, c’est le regard, mêlé de tendresse et de causticité, porté par deux auteurs d’origine européenne sur les moeurs de l’Amérique, épinglant la course à la réussite (rat race) et une certaine hypocrisie : le film exploite le thème de l’adultère ordinaire à une époque où le code Hays résistait encore aux assauts du cinéma contre la sacro-sainte institution du mariage.

Ce qui n’empêcha pas La Garçonnière de glaner pas moins de cinq Oscars, ceux du Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario, Meilleur direction artistique et décors en noir et blanc et Meilleur montage et connut un considérable succès planétaire auprès du grand public.

Aux qualités formelles de l’oeuvre, grâce aux décors d’Alexandre Trauner, directeur artistique, à la photographie de Joseph LaShelle, le chef op’ du Laura d’Otto Preminger, à la musique d’Adolph Deutsch, s’ajoute l’universalité d’un scénario évitant tous les clichés du genre « romance », dans un délicat alliage de drame et de comédie, avec un couple ordinaire : C.C. Baxter n’est ni un don Juan, ni l’archétype du mâle américain et Shirley MacLaine, avec sa naïve gaucherie et ses cheveux courts, n’a rien d’une femme fatale.

Ces deux-là, bien qu’ils n’aient rien décroché aux Academy Awards pour leur prestation, ont leur part dans la réussite du film, particulièrement Jack Lemmon, si justement nuancé dans son incarnation, tantôt comique, tantôt pathétique, de C.C. Baxter, « C. pour Calvin, C. pour Clifford », plus communément appelé, avec condescendance, « Buddy Boy » par les cadres supérieurs de la compagnie d’assurance. Un personnage complexe, pas ambitieux pour deux sous, mais qui se laisse pousser au jeu en confiant la clef de son appartement, devenue la clef de son ascension hiérarchique, mesurée par le gravissement des étages ; du dix-neuvième, il monte au vingt-septième, avec l’insigne honneur de recevoir la clef d’accès aux toilettes réservées à la direction. La connivence entre Billy Wilder, née avec Certains l’aiment chaud, durera le temps de sept films, jusqu’à Buddy Buddy, la dernière réalisation du cinéaste, en 1981.

La Garçonnière vaut aussi pour la finesse de dialogues qui font souvent mouche, par la diversité qu’apportent les personnages secondaires, les cadres supérieurs, avec Fed MacMurray qui figurait, quinze ans plus tôt, dans une des premières grandes réussites de Billy Wilder, Assurance sur la mort (Double Indemnity), avec le médecin habitant l’appartement contigu de celui de C.C. Baxter, médusé par les performances sexuelles quotidiennes de son voisin dont le tapage traverse les murs, Margie MacDougall, une quadragénaire paumée rencontrée au comptoir d’un bar, etc., une galerie de personnages, croqués avec humour, qui concourt à enrichir le tableau des moeurs de l’époque.

La Garçonnière

Présentation - 5,0 / 5

La Garçonnière (125 minutes) et ses généreux suppléments (148 minutes) tiennent sur 1 Blu-ray (BD-50) logé dans un coffret non fourni pour le test. Une édition DVD, sur deux disques, est également disponible avec le même contenu et au même prix.

Le menu fixe et sonore (C.C. Baxter énumère des statistiques) propose le film dans sa version originale, au format DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français au format DTS-HD MA 2.0 mono.

À l’intérieur du boîtier, La Garçonnière, la clef de la réussite, un intéressant livret de 32 pages, par Marc Toullec, rappelle l’idée originelle du film, tirée de Brève rencontre (David Lean, 1945), une histoire d’adultère qui aurait alors déclenché les foudres du code Hays. Dans la foulée du succès de Certains l’aiment chaud, Billy Wilder estime le moment venu de reprendre l’idée pour un second film avec Jack Lemmon. Après avoir songé à Marilyn Monroe pour le rôle de Fran, il choisit une « beauté moins tapageuse », Shirley MacLaine. L’article détaille la genèse du film, le tournage, le pointilleux respect du scénario et des dialogues que le réalisateur imposait aux acteurs, le choix du « troisième larron », Fred MacMurray, la conception du décor du « plus grand bureau du monde » par Alexandre Trauner, le bon accueil du public, la moisson de cinq Oscars, en dépit des dissensions de la critique… Le meilleur film de Billy Wilder ? C’est ce que pensait le réalisateur qui affirmait, vers la fin de sa vie : « Lorsque je fais moi-même la critique de mes films, j’en arrive à la triste conclusion que je n’ai rien fait de vraiment bon depuis La Garçonnière. Je suis très déçu de moi ! »

La Garçonnière

Bonus - 5,0 / 5

Quatre compléments sont repris de l’édition Arrow sortie aux USA en décembre 2017 :

Entretien avec Hope Holiday (13’). L’interprète de Margie MacDougall, une femme rencontrée dans un bar que C.C. Baxter emmène dans son appartement le soir de la Saint-Sylvestre, se souvient d’avoir été sèchement enjointe de respecter à la lettre son dialogue et de l’émotion ressentie sous les applaudissements à la première du film.

Le couple imparfait (20’). David Cairns replace La Garçonnière dans l’oeuvre de Billy Wilder et insiste sur sa collaboration avec le scénariste I.A.L. Diamond et avec Jack Lemmon qu’il avait choisi parce qu’il correspondait à l’image de l’Américain moyen. Il était le seul acteur autorisé à tenter quelques improvisations.

L’art de Jack Lemmon (13’). Plusieurs témoignages, dont celui de son fils, Chris Lemmon, retracent les débuts de la carrière de l’acteur, sa rencontre avec Billy Wilder, le succès de Certains l’aiment chaud, l’importance de La Garçonnière, un film qu’il a porté sur ses épaules, sa capacité à passer de la comédie au drame…

À l’intérieur de La Garçonnière (30’) souligne le réalisme du film, l’apport de I.A.L. Diamond au cinéma de Billy Wilder (ils tourneront douze films ensemble), leur regard critique sur certaines valeurs de la société américaine d’alors, leur refus du sentimentalisme, traduit par la dernière réplique du film…

Puis, une bande-annonce.

Rimini Éditions a ajouté deux bonus inédits qui complètent très utilement, avec peu de redites, ceux repris de l’édition américaine :

Conversation entre Mathieu Macheret et Fréderic Mercier, journalistes (46’). Cette conversation, manifestement bien préparée, éclaire le film, le premier que Billy Wilder tournait en cinémascope (un moyen de souligner la solitude des personnages principaux), brocardant la course à la réussite dans un environnement kafkaïen où les employés sont interchangeables. Évitant les clichés des films romantiques, La Garçonnière montre les rapports complexes d’un homme très ordinaire avec une femme que tout éloigne de lui, avec laquelle il réussit à tisser des liens de « compagnonnage ». Billy Wilder et I.A.L. Diamond ont intelligemment rusé avec les interdits du code Hays, notamment le caractère sacré du mariage en réussissant à banaliser l’adultère à la petite semaine… Une fine analyse de l’oeuvre !

Entretien avec Didier Naert, peintre et architecte (26’). Ayant assisté le chef décorateur Alexandre Trauner en 1975 lors du tournage de L’Homme qui voulut être roi de John Houston, Didier Naert rappelle la difficulté de passer de la maquette dessinée par le directeur artistique aux décors, une opération souvent confiée à des architectes, capables de tracer les plans qui serviront aux différents corps d’état impliqués dans leur construction. Il revient sur la carrière de Trauner qui avait quitté la Hongrie pour la France où il créa, notamment, les décors de dix films de Marcel Carné, dont Drôle de drame et Les Enfants du Paradis. En soulignant la nécessaire complicité entre le décorateur et le directeur de la photographie, il explique les astuces utilisées par Trauner pour étirer la perspective du bureau qui devait tenir dans l’espace réduit du studio. Passionnant !

La Garçonnière

Image - 5,0 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), absolument propre, avec une réduction du bruit qui respecte la texture argentique d’origine, propose un délicat dégradé de gris, allant de blancs lumineux à des noirs très denses, et assurant une parfaite lisibilité dans toutes les conditions d’éclairage.

Son - 4,5 / 5

Deux remixages sont proposés pour la version originale : DTS-HD Master Audio 2.0 stéréo ou DTS-HD MA 5.1. Sans dénaturer la bande originale mono, ils ajoutent, avec discrétion, à sa largeur et à sa profondeur.

Les bruits parasites et le souffle ont été soigneusement éliminés. Restent seulement d’occasionnelles saturations dans l’accompagnement musical, sensiblement aéré par le format 5.1.

Ce constat vaut pour le doublage en français au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono qui, toutefois, ne brille pas pour son naturel.

La Garçonnière

Crédits images : © Rimini Éditions

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 26 février 2018
Avec La Garçonnière, le regard mêlé de tendresse et de causticité de Billy Wilder égratigne les prétendues valeurs de l’Amérique des années 60, la course à la réussite, l’hypocrisie des biens pensants... Ce film aux cinq Oscars qui a remarquablement résisté au temps est accompagné de bonus d’une remarquable qualité.

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