The Terrorizers

The Terrorizers (1986) : le test complet du Blu-ray

Kong bu fen zi

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Edward Yang
Avec Cora Miao, Wang An et Li Li-chun

Édité par Spectrum Films

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Le 09/05/2018
Critique

The Terrorizers

Taipei. Une jeune fille rebelle trompe sa solitude en appelant des gens au téléphone. Un médecin piège un de ses collègues pour avoir une promotion. Un photographe qui a perdu sa muse, vit quasiment dans sa chambre noire. Une épouse en crise se rappelle un amour de jeunesse avec nostalgie. Une romancière peine à trouver l’inspiration.

The Terrorizers (Kong bu fen zi), troisième long métrage d’Edward Yang, sorti en 1986, après Ce jour-là, sur la plage (Hai tan de yi tian, 1982) et Taipei Story (Qing mei zhu ma, 1985, salué par le Prix FIPRESCI à Locarno), est reconnu comme un des films emblématiques du Nouveau Cinéma taiwanais, dont Edward Yang fut un des porte-drapeaux avec Hou Hsiao-hsien.

The Terrorizers débute, un matin, dans l’appartement d’un photographe. Dans la rue, en contrebas, le cadavre d’un homme, des coups de feu tirés, deux hommes qui s’enfuient, l’arrivée de voitures de police. Juste au moment où, pas loin de là, Li, le médecin part au travail. Un instant après, un couple saute du premier étage d’un immeuble voisin : l’homme est arrêté par la police, la femme, une jeune Eurasienne, réussit à se cacher. Le photographe la conduit à l’hôpital : elle s’est cassé une jambe. C’est elle qui, sortie de l’hôpital, par jeu ou par désoeuvrement, par des appels téléphoniques passés au hasard, provoquera le télescopage des personnages, des rencontres purement accidentelles, mais aux conséquences dramatiques.

The Terrorizers

The Terrorizers peut faire penser au Short Cuts - Les Mméricains de Robert Altman qui, en un même lieu et dans une même journée, fait se croiser les chemins de personnages sans lien les uns avec les autres. L’éclatement du récit, l’absence d’un fil conducteur, peut dérouter jusqu’à ce que, progressivement, les enjeux apparaissent et les morceaux du puzzle commencent à s’assembler, sans toutefois que le scénario donne toutes les clefs du drame. Un second visionnage du film fait découvrir une structure du récit beaucoup plus rigoureuse qu’elle n’était apparue au premier regard.

Impossible de ne pas être impressionné, hypnotisé même, par la composition des cadres, par le placement des personnages dans l’architecture de la ville, par les angles de prises de vue, par l’utilisation des surfaces réfléchissantes, miroirs, fenêtres ou cloisons de verres qui peuvent renvoyer l’image des personnages ou, à l’inverse, la cacher en partie.

Cette réédition de The Terrorizers par Spectrum Films, complétée par de très généreux suppléments (la précédente édition de 2014 par Carlotta Films était épuisée) donne envie de découvrir les sept autres longs métrages d’Edward Yang, l’héritage d’une vie interrompue à l’âge de 60 ans. Seul Yi Yi, son dernier film, réalisé en 2000, maintenant épuisé, avait aussi été édité sur disque optique en France.

The Terrorizers

Présentation - 4,0 / 5

The Terrorizers (108 minutes) et ses suppléments (200 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier de 11 mm glissé dans un fourreau au beau graphisme original, en compagnie d’un DVD-9 avec le film, mais seulement quatre des cinq bonus.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 2.0 sur le Blu-ray, Dolby Digital 2.0 sur le DVD.

Bonus - 4,0 / 5

Interview de Jean-Michel Frodon (15’). Brighter Summer Days (Gu ling jie shao nian sha ren shi jian, 1991) a longtemps été le seul film distribué en France et donc celui qui a assuré la réputation d’Edward Yang, dessinateur, peintre, musicien, mentor du renouveau du cinéma taiwanais au début des années 80, entre tradition et modernité, à un moment où Taiwan était en pleine mutation, après les années de dictature de Chiang Kai-chek et du Kuomintang. Taipei, au milieu d’une effervescence architecturale et de bouleversements sociaux est, en quelque sorte, le personnage principal de The Terrorizers.

Essai vidéo de Seventh Art (16’) examine le film en se référant souvent à l’analyse qu’en a faite Paul Virilio, urbaniste et essayiste français. The Terrorizers, oeuvre postmoderniste, étudie les effets de la croissance débridée de Taipei sur la population, soulève « une interrogation sur les pressions exercées par les espaces urbains ». Avec une structure complexe, donnant peu d’indications sur la liaison entre les quatre personnages isolés, suggérée par des similarités graphiques. The Terrorizers réorganise les différents incidents pour parvenir à une fin concluante qui restera pourtant énigmatique, à la différence du Blow-Up d’Antonioni avec lequel il a pourtant beaucoup en commun. On peut voir le film comme une analyse de l’organisation sociale qui n’est peut-être pas tant relationnelle qu’accidentelle. Une passionnante analyse du film !

The Terrorizers

Présentation de Frédéric Voisin (39’). On dit qu’Edward Yang, après des études et un emploi dans l’informatique aux USA, aurait été attiré vers une carrière dans le cinéma après avoir découvert Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes) de Werner Herzog et le cinéma de Michelangelo Antonioni. De retour à Taiwan, il écrit en 1982 le scénario de L’Hiver de 1905 (Yi jiu ling wu de dong tian, réalisé par Cheng-Wei Yu), avant de réaliser un segment du film à sketches In Our Times (Guang yin de gu shi). D’emblée, The Terrorizers montre des milieux sociaux différents, pauvres et aisés, situés dans le même espace de Taipei, avec quelques références à L’Enfer des armes (Di yi lei xing wei xian), réalisé par Tsui Hark en 1981. Edward Yang, après ce film, va regrouper les jeunes cinéastes taiwanais, et en influencer d’autres, dont le réalisateur de Hong Kong Wong Kar-Wai, ce que Frédéric Voisin démontre par plusieurs exemples. Il souligne aussi la brillante utilisation que fait Edward Yang des surfaces vitrées. Une autre caractéristique du film, et plus généralement du cinéma d’Edward Yang, est qu’il ne donne pas toutes les clefs de lecture, laissant un espace libre à l’imagination du spectateur. Une analyse intéressante du film, replacé dans son contexte géopolitique.

Interview d’une partie de l’équipe (20’). L’image gardée d’Edward Yang par Liao Ching-song, monteur du film, Yeh Hsiao, coscénariste, et le réalisateur Hou Hsiao-hsien est très américaine. Par son apparence, T-shirt, casquette et Walkman avec lequel il écoutait de la musique classique, mais aussi pour sa formation aux USA qui lui faisait porter un regard spécial sur Taiwan. Il ne se laissait pas influencer, s’attachait à ce que le scénario fut exactement comme il le voulait, au besoin après plusieurs remodelages, et il pouvait décider de changer un acteur au milieu d’un tournage. Il restait très investi dans le montage, la postproduction et même le marketing du film. L’idée centrale de The Terrorizers était que, dans la société de Taipei en 1980, les pires choses pouvaient arriver sans prévenir

Flowers of Taipei : Taiwan New Cinema (109’, uniquement sur le Blu-ray), un film réalisé en 2014 par Chinlin Hsieh. Une quinzaine de cinéastes asiatiques, dont Hou Hsiao-hsien, Jia Zhangke, Hirokazu Kore-eda, Kiyoshi Kurosawa, Tian Zhuangzhuang, Apichatpong Weerasethakul, des critiques, comme Tonu Raynes, Pierre Rissient et Jean-Michel Frodon, Marco Mueller, sélectionneur à la Mostra de Venise de 1980 à 1994, etc. évoquent la naissance, avec des réalisateurs tels qu’Edward Yang, Hou Hsiao-hsien, Te-Chen Tao, I-Chen Ko, and Yi Chang, Chen Kunhou…. du Nouveau Cinéma taiwanais, de 1980 à 1990. Un cinéma qui a notablement influencé d’autres réalisateurs, notamment japonais et chinois. Un cinéma réaliste, humaniste, d’une beauté formelle inventive. Apprécié au Japon, il est relativement peu connu en Europe : pas toujours d’un abord facile, assez lent, il n’était pas fait pour attirer le grand public, mais pouvait séduire par l’originalité de sa syntaxe et par la variété de points de vue qu’il proposait. Ce documentaire est une excellente introduction à cette période du cinéma de Taiwan, illustrée par de nombreux extraits de ses films les plus emblématiques.

Pour finir, la bande-annonce.

The Terrorizers

Image - 5,0 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC), soigneusement restaurée, parfaitement définie, lumineuse et fermement contrastée, avec des noirs profonds, des couleurs vives, délicatement étalonnées, assure une parfaite lisibilité de tous les plans, diurnes ou nocturnes. Le bruit a été réduit au point d’être à peine décelable, sans que soit affectée la texture argentique.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono (Dolby Digital 2.0 sur le DVD), très propre lui aussi, profite d’une large bande passante et d’une bonne dynamique qui lui donne une belle ampleur en restituant les dialogues avec clarté.

The Terrorizers

Crédits images : © Spectrum Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

5,0
5
1
4
0
3
0
2
0
1
0

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Philippe Gautreau
Le 9 mai 2018
The Terrorizers, reconnu comme une œuvre emblématique du Nouveau Cinéma taiwanais pour l’habileté de la construction de son scénario et la beauté quasi-hypnotique de sa photographie, n’était plus disponible. On apprécie donc cette réédition par Spectrum Films, accompagnée de généreux bonus.

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