Huit heures ne font pas un jour (1972) : le test complet du Blu-ray

Acht Stunden sind kein Tag

Réalisé par Rainer Werner Fassbinder
Avec Gottfried John, Hanna Schygulla et Luise Ullrich

Édité par Carlotta Films

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Le 12/06/2018
Critique

Huit heures ne font pas un jour

Quatre générations des Krüger-Epp, une famille d’ouvriers de Cologne, fêtent l’anniversaire d’Oma, la grand-mère. Jochen, ouvrier dans une usine d’outils, chargé d’aller acheter une autre bouteille, rencontre Marion qu’il ramène avec lui… sans la bouteille de champagne ! Marion va être le témoin des joies et drames de la famille et des conflits entre ouvriers et cadres de l’usine de Jochen…

Huit heures ne font pas un jour (Acht Stunden sind kein Tag, eine Familienserie, 1972), une suite de cinq épisodes, chacun de la durée d’un long métrage, ressortie dans les salles françaises le 25 avril 2018, est la dix-neuvième réalisation, après trois courts métrages et six téléfilms, du jeune Rainer Werner Fassbinder, tout juste âgé de 27 ans. C’est aussi la première des trois séries qu’il réalisera et coécrira, avec Le Monde sur le fil (Welt am Draht, 1973), un curieux récit d’anticipation, et l’incontournable Berlin Alexanderplatz sur les bas-fonds de la ville dans les années 1920, toutes deux également éditées par Carlotta Films.

Huit heures ne font pas un jour est originale à plus d’un titre. C’est la première des séries familiales allemandes, généralement situées dans la bourgeoisie, à explorer le quotidien d’ouvriers. C’est aussi une série optimiste, chaque membre de la famille réussissant, à force de réactivité et de persévérance, à surmonter les difficultés auxquelles il est confronté, tant dans la vie privée que dans la vie professionnelle, une rareté dans l’imaginaire sombre et désenchanté de Rainer Werner Fassbinder. C’est aussi sa première réalisation avec autant de moyens mis à sa disposition : 1 375 000 DM et 105 jours de tournage.

Huit heures ne font pas un jour

Huit heures ne font pas un jour, dans le registre de la comédie dramatique, ce sont les regards croisés du cinéaste sur la condition ouvrière, sur l’émancipation des femmes, sur le troisième âge, sur les lacunes des services sociaux destinés aux enfants. Le succès est au rendez-vous : la diffusion le dimanche en prime-time culmine avec une part d’audience de 60% et la série est aussi regardée en RDA par ceux, pas très loin de la frontière, qui peuvent capter le signal.

Das ist Gregor. Gregor ist mein Geliebte

« Voilà Gregor, mon amoureux ». Cette présentation par Oma, l’arrière-grand-mère, de l’inconnu vintage qu’elle mène par le bout du nez, depuis qu’elle vient de le rencontrer sur le banc d’un parc, est emblématique de l’humour inattendu de la série et aussi de la qualité de sa distribution, notamment des rôles féminins. Oma, c’est Luise Ullrich, pétillante et naturelle tout au long de la série, que Max Ophûls avait révélé dès 1933 dans Liebelei, avant qu’elle ne soit désignée Meilleure actrice à Venise en 1941 pour Annelie de Josef von Báky. Mais la lumière de Huit heures ne font pas un jour, c’est Hanna Schygulla, qui donne au personnage de Marion toute sa force et son pouvoir de séduction. Muse de Rainer Werner Fassbinder, elle aura joué dans la moitié de ses réalisations.

Une quarantaine d’oeuvres, réalisées en à peine treize ans, constitue l’héritage de Rainer Werner, disparu à 37 ans. Grâce à Carlotta Films, qui fit fort en éditant en 2005 la monumentale Collection R.W. Fassbinder, un coffret en édition limitée et numérotée contenant 18 films, une grande partie de cet héritage est aujourd’hui disponible. Seuls quatorze films, dont dix pour la télévision, pas nécessairement des moindres, attendent toujours une sortie en vidéo.

Huit heures ne font pas un jour

Présentation - 4,5 / 5

Huit heures ne font pas un jour (475 minutes) et son supplément (40 minutes) tiennent sur trois Blu-ray BD-50 logés dans un digipack à trois volets.

Le menu fixe et musical propose la série dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

À l’intérieur, un livret de 36 pages s’ouvre sur une introduction de Juliane Maria Lorenz, présidente de la Rainer Werner Fassbinder Foundation (RWFF), sur la production de la série, entièrement prise en charge par la chaîne WDR qui négocia l’adhésion du cinéaste contre l’engagement de compléter le financement du film en cours de tournage, Le Voyage à Niklashausen (Die Niklashauser Fart, 1970). Pour la première fois, la vie des ouvriers, représentant alors plus de la moitié de la population active, allait être montrée sur les écrans. Rainer Werner Fassbinder écrivit le scénario dans le cadre accepté, mettant en situation des personnages confrontés à des conflits qu’ils réussissaient à résoudre dans la durée. L’accueil du public fut enthousiaste, celui de la critique et des institutions plus réservé, en raison de la vision utopique du règlement des conflits sociaux directement par les ouvriers, sans l’entremise des syndicats. La polémique aboutit à la décision de WDR de ne pas tourner les trois derniers épisodes initialement prévus. Suit Rainer Werner Fassbinder et la première « École de Berlin », par Hans Helmut Prinzler, une suite de « remarques » sur la vision du monde du travail dans le cinéma allemand avec une analyse de Huit heures ne font pas un jour que le critique met en parallèle avec Liebe Mutter, mir geht es gut (Christian Ziewer, 1972), l’histoire d’un ouvrier serrurier qui a perdu son emploi. Vient ensuite le rappel par Martin Wiebel des polémiques soulevées par la série, notamment dans l’émission de débats Glashaus où l’on épingla les « prolos fardés de Fassbinder ». Le livret se termine par une courte notice sur la restauration de la série, le synopsis des cinq épisodes et la fiche technique.

Huit heures ne font pas un jour

Bonus - 4,0 / 5

En complément inédit, Huit heures ne font pas un jour, une série qui fit parler dans les chaumières (Eine Serie wird zum Familientreffpunkt, 2017, 40’). Producteurs et acteurs rassemblent leurs souvenirs d’une série combinant critique sociale et divertissement populaire, à laquelle certains ont reproché qu’elle se moquait de la gauche en montrant que l’union des ouvriers suffisait à asseoir leur force face au patron qui avait besoin d’eux. Günter Rohrbach, responsable de la fiction à la WDR, se souvient que la chaîne avait décidé de rompre avec la tradition en produisant, pour la première fois, une saga familiale dans un milieu ouvrier. Rainer Werner Fassbinder n’avait qu’un court délai pour l’écriture du scénario, mais jouissait, dans l’esprit de 1968, d’une grande liberté pour contester les structures sociales. Le tournage, rapide, en plans très longs, dans le calme, s’est en grande partie déroulé dans un atelier mis à la disposition de la production par une usine de Cologne. C’est délibérément que la stylisation a prévalu sur le réalisme, un choix qui a nourri l’hostilité des syndicats et du patronat et fait arrêter la série au bout de cinq épisodes.

Huit heures ne font pas un jour

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080i, AVC), parfaitement restaurée (par scan du positif inversible en 2K, nous dit un avis), très soigneusement nettoyée, affiche des couleurs ravivées, naturelles avec des contrastes fermes et des noirs bien denses.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, débarrassé, lui aussi, des marques du temps, restitue avec clarté les dialogues (parfois légèrement étouffés) et l’accompagnement musical par des tubes populaires du début des années 70. Le bruit de fond occasionnel est certainement celui de l’environnement pendant la prise de son.

Huit heures ne font pas un jour

Crédits images : © 1972 WDR / © 2017 RAINER WERNER FASSBINDER FOUNDATION POUR LA VERSION RESTAURÉE. TOUS DROITS RÉSERVÉS.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 13 juin 2018
Voici enfin la seule des trois séries réalisées par Rainer Werner Fassbinder qui n’était pas encore disponible en vidéo, une comédie dramatique achevée et l’occasion que saisit le réalisateur pour communiquer ses vues sur la condition ouvrière, sur l’émancipation des femmes, sur le troisième âge et sur les lacunes des services sociaux.

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