Le Coureur (1984) : le test complet du Blu-ray

Amiro, un orphelin de 12 ans, vit seul dans l’épave d’une barge échouée sur la plage d’un port du Golfe Persique. Il aime faire la course avec ses amis et gagne sa vie en ramassant des déchets ou des bouteilles vides, en vendant de l’eau ou en cirant des chaussures. Les bateaux le fascinent : quand ils passent, au loin dans la brume, il hurle : « Prenez-moi à bord »…

Le Coureur (Davandeh), sorti en 1984, primé à Nantes en 1985, est le dixième film de l’Iranien Amir Naderi, une des figures du Cinemay-e motefavet (Cinéma différent) dont un des films fondateurs fut La Vache (Gaav, 1969) de Dariush Mehrjui. Un cinéma d’auteur, influencé par le néoréalisme italien, qui s’éloignait résolument du Film fārsi, un cinéma commercial avec une prédilection pour le mélodrame populaire.

Le Centre Pompidou rend un bel hommage à Amir Naderi en organisant, du 5 avril au 17 juin 2018, une rétrospective intégrale de son oeuvre, commencée en 1971 avec Adieu l’ami (Khodahafez rafigh).

Le Coureur, en dépit de l’âpreté de son thème, l’histoire d’un enfant qui ne peut compter que sur lui pour survivre, gagner de quoi se nourrir et se vêtir, se défendre contre les autres, enfants ou adultes, reste toujours optimiste, loin, par exemple, de la noirceur du Sciuscià de Vittorio De Sica. À l’inverse, le film d’Amir Naderi est un hymne à la vie, un chant d’espoir symbolisé par les appels d’Amiro lancés aux navires et aux avions, promesses d’ouverture vers un futur meilleur. Pas seulement un fantasme, puisque, piqué par la remarque d’un marchand de journaux, « Les garçons de ton âge savent tous lire », il va relever le défi et s’inscrire dans une école. Il hurle désormais aux paquebots et aux avions l’alphabet, la probable clef pour ouvrir les portes d’un autre univers…

Le Coureur, coécrit par Amir Naderi, est autobiographique : né en 1945 à Abadan (là où sont tournées la plupart des scènes), orphelin à 5 ans, autodidacte, il a eu l’enfance d’Amiro, a choisi d’apprendre à lire, s’est instruit en regardant des films, s’est finalement sorti de sa condition. Après être entré dans le monde du cinéma comme opérateur, il a réalisé son premier film à 25 ans.

Amir Naderi a trouvé Majid Niroumand, le jeune acteur incarnant Amiro, en voyant sa photo sur la couverture d’un magazine de sport. Un heureux coup du sort, tant il déborde de vitalité. Il tournera, cinq ans plus tard, dans un autre film du cinéaste, L’Eau, le vent, la poussière (Aab, baad, khaak, 1989, lui aussi primé à Nantes), le dernier que réalisera Amir Naderi en Iran, avant de poursuivre sa carrière aux USA.

Le Coureur est le premier film d’Amir Naderi édité en vidéo en France, grâce à Elephant Films qui réédite simultanément trois autres films iraniens, signalés à la fin de la rubrique Suppléments.

Le Coureur (91 minutes) et ses suppléments (35 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, en compagnie d’un DVD-9, dans un boîtier non fourni pour le test.

Le menu animé et musical, dans la charte graphique de la collection Cinéma MasterClass d’Elephant Films, propose le film dans sa version originale en persan, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 1.0.

Entretien avec Najid Niroumand (15’, en anglais, sous-titré). L’acteur se souvient du jour où, à 13 ans, on est venu lui proposer de tenir le rôle d’Amiro, de la séparation d’avec sa famille pendant plusieurs mois, de ses appréhensions, de la manière avec laquelle Amir Naderi l’a fait rentrer dans la peau de son personnage… Il a lui-même connu les difficultés d’Amiro en devant refaire sa vie après avoir quitté l’Iran en 1989. Il vit maintenant heureux dans le sud de la Californie…

Le film par Jean-Michel Frodon (21’), critique, enseignant et historien du cinéma. Le Coureur s’inscrit dans la mouvance du Cinéma différent, encore qu’Amir Naderi soit parfois sorti de ce cadre en touchant à tous les genres. Les cris d’Amiro, ceux d’Amir Naderi au même âge, sont à la fois des cris de joie et de colère, ceux d’un élan vital et d’une protestation contre l’injustice. Le film n’est jamais misérabiliste, très différent de deux autres films sur le thème de la pauvreté, Olvidados, Los de Luis Buñuel (1950) ou Affreux, sales et méchants (Brutti sporchi e cattivi, Ettore Scola, 1976). Le Coureur est une sorte d’amalgame entre réalisme et mythologie, Amiro pouvant être vu comme un autre Prométhée.

Pour finir, une galerie de photos et les bandes-annonces de Le Coureur et des trois autres films iraniens simultanément réédités par Elephant Films, [PROGARM(vache_1969)] (Gaav, Dariush Mehrjui, 1969), Close-Up (Nema-ye Nazdik, Abbas Kiarostami, 1990) et Leila (Dariush Mehrjui, 1997).

L’image (1080p, AVC), au format original de 1.37:1 (et non 1.85:1 comme indiqué sur la jaquette) a été soigneusement débarrassée de toutes marques parasites et le bruit vidéo a été réduit aux limites du possible, sans altérer la texture argentique. Lumineuse, avec des couleurs ravivées, bien étalonnées, elle est fermement contrastée, un peu douce dans les plans larges.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, contenu dans un spectre nécessairement assez étroit, restitue clairement les dialogues et l’ambiance (Trains, bruits du port…) avec un réalisme plutôt surprenant.

Crédits images : © Éléphant Films