Deux hommes en fuite (1970) : le test complet du Blu-ray

Deux hommes courent au crépuscule, le long d’un rivage, les mains attachées derrière le dos, poursuivis par un hélicoptère…

Deux hommes en fuite (Figures in a Landscape, 1970), coédité par Carlotta Films et L’Atelier d’Images, est une oeuvre de commande, l’adaptation d’un roman à succès de Barry England racontant l’évasion de deux prisonniers de guerre dans un pays asiatique indéterminé. Le scénario de Robert Shaw, un des deux acteurs principaux, encore plus vague, ne révèle pas la situation des deux fugitifs. C’est un des films les moins connus de Joseph Losey : il n’avait plus été projeté dans les salles françaises jusqu’à sa ressortie le 27 septembre 2017 et n’était disponible en vidéo qu’aux USA et au Royaume Uni.

Deux hommes en fuite, fait plutôt exceptionnel dans l’oeuvre de Joseph Losey, a des allures de western. Toute l’action se déroule dans de grands espaces (tournage en Andalousie) dans lesquels les deux protagonistes apparaissent souvent comme des petits points dans le cadre, « comme deux fourmis » précise le réalisateur dans l’entretien en bonus.

Une fable désespérée sur le combat pour la liberté

La mise en scène et les cadrages accentuent l’angoisse diffusée par le film : l’hélicoptère (on ne verra jamais le visage du pilote et du passager) joue au chat et à la souris avec les fugitifs, prisonniers d’un paysage aride où la maigre végétation n’offre pratiquement pas d’abri.

Deux hommes en fuite, tout au long de la chasse à l’homme, montre l’évolution des relations, parfois d’une sauvagerie animale, entre deux personnages que tout sépare, MacConnachie, le plus âgé et le plus brutal, et Ansell, plus jeune et plus sensible. Le scénario souligne leur constant antagonisme, l’un voulant imposer sa volonté à l’autre, un des thèmes récurrents du cinéma de Losey qui atteint son apogée avec Eva, en 1962 et The Servant, en 1963.

Robert Shaw, dans la peau de MacConnachie, est au faîte de sa renommée après Un Homme pour l’éternité (A Man for All Seasons, Fred Zinnemann, 1966) qui lui valut une nomination aux Oscars. Et Ansell, c’est Malcolm McDowell qui, après des débuts dans quelques séries télévisées, venait d’être révélé par If de Lindsay Anderson, salué à Cannes par la Palme d’or en 1969.

Après la récente édition de M le maudit, celle de Deux hommes en fuite vient doucement compléter la filmographie de Joseph disponible en vidéo. Des titres continuent de manquer à l’appel, notamment parmi les films noirs réalisés juste avant et après son exil au Royaume Uni.

Deux hommes en fuite (109 minutes) et ses suppléments (30 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier de 7 mm, glissé dans un fourreau.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 1.0.

L’Oiseau de proie (20’), un entretien avec Michel Ciment, directeur du magazine Positif et auteur de Le Livre de Losey : Entretiens avec le cinéaste (Ramsay, 1996) et de Kazan, Losey (Stock, 2009). Le film est une commande passée à Joseph Losey après l’échec commercial de deux superproductions avec Elizabeth Taylor, Boom et Cérémonie secrète, réalisées en 1968, deux sortes de huis-clos. Deux hommes en fuite, en plein contraste, se déroule exclusivement dans des grands espaces, sur le thème de la fuite qu’il avait visité avec Haines (The Lawless, 1950), un des cinq films tournés à Hollywood avant son inscription sur la liste noire du sénateur McCarthy et son exil en Angleterre. On ne sait rien sur les personnages, sur ce a conduit à leur capture, sur le pays dans lequel se passe l’action : Deux hommes en fuite est un conte abstrait, une allégorie de l’impossibilité d’échapper au destin. L’antagonisme entre les deux personnages est l’autre thème qui fut celui de The Servant, un des chefs-d’oeuvre du cinéaste. Il y a trois parties dans le film, le western, la guerre, puis la politique dans la scène finale où apparaissent les gardiens d’un régime totalitaire…

Le Journal du cinéma (8’), une interview de Joseph Losey par Bertrand Tavernier. Le réalisateur dit regretter le titre français qui dénature la thématique du film, celle, mieux servie par le titre original, « deux silhouettes dans un paysage », la fuite de deux personnes, perdues dans des champs très larges, comme deux fourmis, courant dans un paysage lunaire, sans progresser, sauf dans la découverte respective de la personnalité de l’un et de l’autre. Alors que, dans le roman de Barry England, les deux hommes s’échappaient d’une colonne de prisonniers de guerre, le scénario ne révèle rien sur les circonstances de leur fuite : la seule chose qui importe est leur comportement dans leur situation délicate. « Le spectateur n’a pas à s’identifier aux personnages. Je déteste la sentimentalité ! »

Pour finir, la bande-annonce de 2007.

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), parfaitement restaurée, lumineuse, présente des couleurs ravivées, naturelles, bien contrastées, avec des noirs denses. Toutes les marques du temps ont été soigneusement effacées et le bruit réduit sans qu’un lissage excessif vienne dénaturer la texture originale. Le bruit résiduel, limité à de courts plans filmés dans l’obscurité, passe presqu’inaperçu.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, étonnamment propre, bénéficie d’une surprenante dynamique et d’une généreuse ouverture de spectre donnant une réelle présence aux effets spéciaux, tirs d’armes à feu, explosions de grenades. Ce qui n’empêche pas une finesse dont profitent les dialogues et l’originale partition de Richard Rodney Bennett.

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