Les Expériences érotiques de Frankenstein

Les Expériences érotiques de Frankenstein (1973) : le test complet du Blu-ray

La Maldición de Frankenstein

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Jess Franco
Avec Alberto Dalbés, Dennis Price et Howard Vernon

Édité par Artus Films

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Le 21/01/2019
Critique

Les expériences érotiques de Frankenstein

Le Dr. Frankenstein et son assistant Morpho parviennent à insuffler la parole à sa créature mais ils sont assassinés et la créature enlevée par le magicien Cagliostro et sa femme-oiseau Mélissa qui veulent créer une fiancée pour la créature afin que, de leur accouplement, surgisse une nouvelle race. Mais la fille de Frankenstein est déterminée à venger la mort de son père, avec l’aide d’un jeune médecin amoureux d’elle, ce dernier surveillé par un inspecteur de police qui s’intéresse de près à l’affaire.

Les Expériences érotiques de Frankenstein(La Malédiction de Frankenstein (*)) (France-Espagne 1973) de Jesus Franco fait partie, avec Dracula prisonnier de Frankenstein (1972) et La Fille de Dracula (La Hija de Dracula) (1972), de ce qu’on a nommé avec raison sa trilogie kentonienne. Son inspiration baroque y est, en effet, assez similaire à celle qui anima La Maison de Frankenstein (USA 1944) et La Maison de Dracula (USA 1945) de Erle C. Kenton où différents monstres se rencontraient. (1) Franco m’avait avoué, lors de notre rencontre en 1987 à Paris, avoir particulièrement aimé Kentonn lorsqu’il était adolescent cinéphile. Un autre lien les unit : ils appartiennent aussi à la catégorie esthétique de sa filmographie tournée en CinémaScope couleurs, gage d’ampleur plastique. Ils appartiennent enfin à la troisième période dramaturgique de sa filmographie fantastique sélective, à savoir celle débutée en 1970 et durant laquelle il revient aux personnages et aux thèmes classiques de l’âge d’or fantastique américain de 1931-1945. Notons toutefois qu’il y avait eu un précédent « kentonien » dans l’histoire du cinéma fantastique espagnol, à savoir le Dracula contre Frankenstein (Los Monstruos del terror) (Espagne 1970) de Tulio Demicheli.

Après s’être astreint à adapter le plus strictement possible le roman Dracula de Bram Stoker dans son Les Nuits de Dracula (El conde Dracula) (1970), Franco souhaitait certainement retrouver une liberté d’écriture. Alliant avec aisance voire désinvolture des personnages appartenant à des lignées littéraires et historiques différentes (ici Cagliostro joué par Howard Vernon, là Frankenstein joué par Dennis Price), en inventant d’autres (telle la fille de Frankenstein ou bien encore cette femme-oiseau aveugle jouée d’une manière extatique par la mignonne Anne Libert), maintenant une folie baroque qui frôle le cinéma expérimental tout en prétendant - c’est là son paradoxe - vouloir donner satisfaction à ses producteurs-distributeurs, Jesus Franco livre une oeuvre finalement très étrange. Sa filmographie 1970-1975 est autant le miroir que le laboratoire de ce paradoxe : inexorablement, le baroque s’y transforme en formalisme, le formalisme en répétition vide, la forme finissant par prendre le pas sur le fond. Franco y devient un cinéaste de la séquence bien davantage que du film dans sa continuité. Ce qui explique qu’il puisse, sans difficulté, réemployer la même séquence dans différents titres dotés de différents scénarios. Par exemple, ici, la séquence des fantômes errant dans une forêt embrumée.

(*) Notez que le titre original visible au générique français restauré comme au générique espagnol est La Malédiction de Frankenstein. Le titre d’exploitation français fut inventé par Robert de Nesle, son co-producteur et distributeur parisien qui modifia le matériel publicitaire initial. Le scénario n’a strictement aucun rapport avec celui du Frankenstein s’est échappé ! (The Curse of Frankenstein) (GB 1957) de Terence Fisher, en dépit de l’homonymie entre titre original anglais du Fisher et titre original français comme espagnol du Franco.

Les expériences érotiques de Frankenstein

Présentation - 5,0 / 5

1 Blu-ray Full HD 1080p région B + 1 DVD zone 2 PAL édité par Artus Films le 05 juin 2018. Sérigraphies différente : celle du DVD est empruntée à l’affiche espagnole, plus belle que l’affiche française. Image couleurs au format original 2.35 respecté compatible 16/9. Son DTS HD 2.0 Mono VF. Durée du film sur Blu-ray : 74 min, sur DVD : 77 min. environ. Suppléments : galerie photos et affiches, présentation du film par Alain Petit (environ 25 min), montage espagnol du film (VOSTF uniquement disponible sur le Blu-ray), souvenirs sur le producteur-distributeur Robert de Nesle par Alain Petit (environ 25 min), une dizaine de films-annonces de la collection Jess Franco chez Artus.

Bonus - 5,0 / 5

Bandes-Annonces : Sur la dizaine de bandes-annonces proposées, seules quatre (celles de Venus in Furs, Les Inassouvies, de Les Expériences érotiques de Frankenstein sous le titre original La Malédiction de Frankenstein, de Les Démons) sont vraiment des films-annonces d’époque ayant valeur historique, en état argentique variant de l’assez bon à l’excellent, durées respectives d’environ 3 min. Le format des trois dernières est celui des trois titres de référence, à savoir 2.35. Curiosités techniques : la bande-annonce de Les Démons est (en format scope 2.35 aussi) munie d’un titre et de slogans publicitaires allemands tandis que sa bande-son est française, celle de Venus in Furs (en format 1.78 alors que le film est 1.85 d’origine) est anglaise ou américaine (VO sans STF). Les autres films-annonces ne semblent pas être d’époque : ce sont probablement des montages vidéo effectués par Artus. Ils donnent une idée correcte du film de référence, en une minute environ à chaque fois.

Diaporama léger par rapport à d’autres éditions Artus. Deux ou trois photos d’exploitation, une ou deux affiches, deux ou trois photos de plateau : maigre mais certaines sont belles. On peut y examiner des échantillons des deux jeux de photos françaises : celui muni du titre original, celui re-étiqueté. J’espérais cependant, comme sur d’autres éditions Artus, des jeux complets : déception.

Souvenirs d’Alain Petit sur le producteur-distributeur Robert de Nesle fondateur en 1942 de C.F.F.P. = Comptoir Français du Film Productions : (durée environ 25 min., 16/9). Alain Petit a rencontré de Nesle « au début de la fin », comme il le dit. Il résume l’histoire de C.F.F.P. : sa naissance, sa gloire, sa décadence, sa chute. Petit fut aussi un témoin de l’histoire vidéo et TV de son riche catalogue, après la mort de Nesle : cette section est savoureuse. Illustrations utiles (belles affiches bien sélectionnées, notamment de Marchands de filles, La Vengeance d’Hercule, Maciste contre les hommes de pierre) et bien reproduites. Seul point de désaccord : le jugement à l’emporte-pièce sur Les Légions de Cléopâtre (Ital.-Fr. 1959) de Vittorio Cottafavi, qualifié de « pas formidable », m’agace car c’est un des plus beaux titres de Cottafavi. Je garde le souvenir d’une séance comble à la Cinémathèque française du Palais de Chaillot, vers 1975, un samedi ou un dimanche après-midi. Dès le générique d’ouverture, on savait qu’on avait affaire au chef-d’oeuvre. Bref passons… c’est la seule ombre à ce tableau par ailleurs intéressant en dépit de sa brièveté rapporté à l’ampleur du sujet : l’histoire de CFFP mériterait un livre entier et très bien illustré. Franco n’est évidemment pas oublié puisqu’il est l’occasion de ces souvenirs : la section consacrée à leurs rapports est riche en anecdotes.

Présentation du film (durée 25 min. environ, 16/9) par Alain Petit qui distille les informations nécessaires à une situation correcte du titre dans la filmographie de Franco, dans celle de ses principaux interprètes (Howard Vernon, Anne Libert, Britt Nichols, etc.) et techniciens sans oublier une filmographie commentée du personnage historique que fut Cagliostro : la version signée Gregory Ratof avec Orson Welles dans le rôle-titre est citée. Je me demande si Franco n’a pas songé à ce titre lorsqu’il a imaginé le scénario, rendant ainsi hommage à Welles, par la bande si on peut dire ? Petit nous apprend que Vernon était un bon photographe de plateau, outre un acteur inspiré : ses photos de plateau présentées dans le diaporama sont, en effet, réussies. Le tournage eu lieu pour l’essentiel dans un superbe palais au bord de la mer, entouré par un domaine forestier et muni de souterrains (dont Petit connaît le nom et la localisation) mais peut-être aussi (c’est une hypothèse personnelle) concernant certains plans d’intérieurs, dans les studios d’Alfonso Balcazar puisque ce dernier est crédité au générique final de la version espagnole. L’ensemble est illustré de nombreuses affiches, parfois rares lorsque Petit commente la filmographie d’un acteur espagnol peu connu chez nous.

La Malédiction de Frankenstein (VOSTF, durée 81 minutes environ, supplément exclusif au Blu-ray mais absent du DVD) : c’est le montage espagnol inédit en France et comportant moins de plans érotiques mais rajoutant des séquences (éclairées en « nuit américaine » pour l’essentiel) avec Lina Romay dans le rôle d’une bohémienne tombée sous l’emprise mentale de Cagliostro, cherchant à s’en défaire sans y arriver. État argentique moins bon que celui de la VF (poussières, instabilités momentanées de l’émulsion, etc.), état numérique moins soigné aussi mais l’ensemble est passable techniquement et constitue un intéressant document d’histoire du cinéma fantastique et un non moins intéressant document d’histoire de son exploitation européenne.

Les expériences érotiques de Frankenstein

Image - 4,0 / 5

Format original CinémaScope 2.35 respecté, en couleurs et compatible 16/9, en Full HD 1080p sur le Blu-ray, en définition standard sur le DVD. Image argentique de la VF parfaitement restaurée, privilégiant la netteté par rapport au respect du grain. Si on aime ce dernier, il faut visionner la version espagnole offerte en supplément qui en contient davantage mais qui est sale car moins bien restaurée. Transfert numérique soigné sur la VF. Quant aux couleurs, mises à part les séquences éclairées partiellement ou totalement en rouge, la photo est assez sèche et neutre. Il ne faut pas forcément incriminer les problèmes d’inter-négatifs ou la défaillance d’indications de tirage, aujourd’hui problématique pour les laboratoires vidéo. Jesus Franco avait peut-être voulu cette sécheresse et ce dépouillement.

Son - 4,0 / 5

VF d’époque en LPCM 2.0. mono et VOSTF pour le montage espagnol. La première est parfaitement restaurée et dotée d’un bon équilibrage, compte tenu du matériel original. La seconde, offerte en supplément uniquement sur le Blu-ray, est moins bien restaurée mais passable. Musique curieuse, co-signée par quatre compositeurs différents (dont Vladimir Cosma) et lorgnant parfois vers un dodécaphonisme tonitruant. Sur le générique final de la version espagnole offerte en supplément, les 4 noms sont remplacés par un seul : « Daniel White ». L’effet sonore le plus mignon est celui de la chouette inquiétée par l’arrivée de la femme-oiseau. Le cri de cette dernière est peut-être bien un détournement en auditorium du cri d’un monstre provenant d’un film japonais « kaiju-eiga » mais bien malin (ou bien informé) serait celui qui pourrait, aujourd’hui, remonter le fil sonore jusqu’à sa source exacte. Les techniciens chargés du mixage en 1973, s’ils sont encore de ce monde, sont les seuls99 à détenir la réponse.

Crédits images : © Artus Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony