La Dame de Shanghaï (1947) : le test complet du Blu-ray

The Lady from Shanghai

Édition Coffret Ultra Collector - Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Orson Welles
Avec Rita Hayworth, Orson Welles et Everett Sloane

Édité par Carlotta Films

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Le 12/11/2018
Critique

La Dame de Shanghaï

Michael O’Hara fait la connaissance de la ravissante Elsa Bannister, qu’il sauve peu après d’une agression. Mariée à Arthur Bannister, un riche avocat âgé et peu scrupuleux, boiteux et de retour de Shanghai, Elsa fait embaucher Michael sur le yacht de son mari. O’Hara tombe sous le charme d’Elsa sous le regard indifférent de son mari quand, à l’occasion d’une escale, George Grisby, l’avocat associé de Bannister, lui fait une singulière proposition : le tuer sans risque contre une grosse somme d’argent avec l’argument qu’on ne peut pas être poursuivi en Californie tant que le corps n’est pas retrouvé par la police. À court d’argent, Michael O’Hara hésite, puis…

La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai), tourné en 1946 et sorti en décembre 1947, est depuis longtemps vu comme un des chefs-d’oeuvre d’Orson Welles, derrière l’inégalable absolu qu’est Citizen Kane, mais à égalité avec La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons), Othello, La Soif du mal (A Touch of Evil), Le Procès et Falstaff.

La Dame de Shanghai est l’adaptation d’un roman policier à succès de Sherwood King, If I Die Before I Wake, dont le réalisateur et producteur William Castle détenait les droits. Le tournage fut proposé à Orson Welles, alors ruiné par la production à Broadway d’une comédie musicale sur une partition de Cole Porter, Le Tour du monde en 80 jours.

-I don’t know how to shoot. -It’s easy: you just pull the trigger!

Cet échange, au début du film, entre Elsa et Michael met la puce à l’oreille du spectateur et à celle de Michael, étonné qu’elle ait jeté le sac contenant un pistolet qui lui aurait permis de garder à distance dans Central Park ses trois attaquants. L’explication d’Elsa, « je ne savais pas tirer », est loin de convaincre Michael que le charme de la belle n’empêchera pas de tomber dans le piège tendu. Cette approche nouvelle du film noir est un des atouts de La Dame de Shanghai.

Mais loin d’être le seul : il suffit d’un unique visionnage pour conserver le souvenir indélébile de l’originalité de ses cadrages, de ses éclairages expressionnistes et de ses angles de prises de vue insolites mais toujours justifiés. Les scènes finales dans le parc d’attraction avec le duel à mort d’Arthur Bannister et son épouse Elsa dans un labyrinthe de miroirs, celles qu’Orson Welles disait préférer dans toute sa filmographie restent, 70 ans plus tard, un grand moment du cinéma.

Difficile, pourtant, de ne pas regretter d’avoir été privé du film qu’avait voulu Orson Welles, celui du premier montage de 2h30, dans lequel figurent, imposés par la production, de trop longs gros plans de Rita Hayworth, cristallisée comme sex symbol par le succès de Gilda, alors qu’Orson Welles voulait, avec ce film (en cadeau d’adieu, puisqu’ils étaient déjà séparés avant que ne commence le tournage) la faire passer du statut de movie star à celui d’actrice.

La Dame de Shanghai rassemble, autour d’Orson Welles et de Rita Hayworth, Everett Sloane dans son meilleur rôle, celui de l’avocat contrefait se déplaçant dans un équilibre instable avec deux cannes (une idée du réalisateur qui estimant que l’acteur ne savait pas se déplacer devant une caméra !) et Glenn Anders, très convaincant dans son interprétation de George Grisby, une parfaite ordure.

Cette nouvelle édition, après restauration 4K, la première en haute définition disponible en France, vient à point pour remplacer le DVD, aujourd’hui épuisé, sorti par Sony Pictures en 2010.

La Dame de Shanghaï

Présentation - 5,0 / 5

La Dame de Shanghai (87 minutes) et ses suppléments (68 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et DVD-9 insérés dans la couverture d’un Mediabook de 160 pages, glissé dans un épais étui cartonné. Une édition numérotée limitée à 3 000 exemplaires, à la manière des dix précédents volumes de la collection des Coffrets Ultra Collectors, lancée par Carlotta Films en décembre 2015 avec Body Double de Brian De Palma.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Le livre de 160 pages, intitulé Miroir d’un film, s’ouvre sur 7 000 ans de malheur, un article de Frank Lafond, d’une vingtaine de pages, très documenté, sur la genèse du film, le premier d’Orson Welles sous la bannière de Columbia Pictures, qui lui imposa Rita Hayworth mise sous le feu des projecteurs par Gilda (Charles Vidor, 1946), sur l’élaboration du scénario, sur le tournage. Suit un entretien avec la productrice Dominique Antoine, productrice du dernier film d’Orson Welles, qu’il avait laissé inachevé, The Other Side of the Wind, où elle évoque ses rencontres avec le réalisateur, « un vrai magicien », au fond assez modeste « qui se voyait plus comme acteur que réalisateur », très attentif au montage de ses films… Viennent ensuite, un entretien avec le chef opérateur Darius Khondji (Delicatessen, La Cité des enfants perdus, Seven…) que le cinéma d’Orson Welles a inspiré, une courte mais intéressante analyse du film par Nicolas Saada, et Mutinerie sur le Zaca (le nom de la goélette appartenant à Errol Flynn rebaptisée Circé pour le film), un extrait du livre Step Right Up! …I’m Gonna Scare the Pants Off America (Comment j’ai terrifié l’Amérique, Capricci, juin 2015) de William Castle qui décida Orson Welles à tourner La Dame de Shanghai. Le livre se referme sur La Dame de Shanghai dans la presse, un imposant recueil de critiques allant de 1948 à 1998.

Un remarquable ouvrage sur le film !

La Dame de Shanghaï

Bonus - 4,0 / 5

Conversation avec Peter Bodganovich (21’, 2000). Après Citizen Kane et l’accueil mitigé de The Magnificent Ambersons, Orson Welles, suspecté de sympathies communistes, connut une période difficile jusqu’au succès de Le Criminel (The Stranger), un film qu’il considérait peu. Sa relation difficile avec Rita Hayworth, perturbée par l’inceste qu’elle avait subi pendant son adolescence, avait pris fin avant le tournage. Elle apparaissait pour la première fois sans sa longue chevelure rousse. Une malédiction sembla peser sur le film : des techniciens sont morts et une maladie de Rita Hayworth suspendit le tournage (en studio, mais aussi à San Francisco et Acapulco) pendant un mois. Le désordre régnant dans la salle du tribunal reflète l’aversion d’Orson Welles pour les avocats et pour l’autorité et la scène finale dans le parc d’attractions, sévèrement coupée au montage, était quelque chose qui n’avait encore jamais été vu. Le film fut bien reçu en Europe, moins bien aux USA jusqu’à ce qui Truman Capote en fasse les louanges dans les années 50. L’échec consécutif de Macbeth en 1948 décida Orson Welles à s’établir en Europe.

Simon Callow : à propos de La Dame de Shanghai (21’, 2017). Le flop de l’ambitieuse comédie musicale Around the World in 80 Days poussa Orson Welles à saisir l’offre de Harry Cohn. Il avait projeté à l’équipe Le Cabinet du docteur Caligari pour montrer le style expressionniste qu’il voulait donner à l’image et put, malgré l’interventionnisme de la production, préserver l’essentiel de l’oeuvre, un reflet de sa vision pessimiste, voire cauchemardesque, du monde.

Henry Jaglom en tête à tête avec Orson Welles (24’, Carlotta Films, 2018). Il évoque sa première rencontre avec Orson Welles auquel il venait proposer le rôle du magicien dans son premier film A Safe Place, en 1971, et comment il lui fit accepter de ne pas intervenir dans la réalisation. Parmi les films d’Orson Welles, il aime particulièrement F for Fake (Vérités et mensonges) un documentaire emblématique de sa vie et de son oeuvre, et Falstaff. Il l’a dirigé une seconde fois dans Someone to Love et raconte comment il a réussi à filmer un gros éclat de rire de celui qui ne voulait jamais rire devant une caméra. En dépit des exigences d’Orson Welles vis-à-vis des acteurs, il garde de lui le souvenir d’un homme généreux, chaleureux et bienveillant. Ils ont passé beaucoup de temps ensemble et Orson Welles lui a un jour demandé d’enregistrer leurs conversations dont il se servirait pour écrire son autobiographie « quand il serait trop vieux pour continuer de tourner des films ». Une centaine d’enregistrements sur une période de quatre ans, fournirent le matériau du livre qu’écrivit Henry Jaglom, My Lunches with Orson, publié en France sous le titre En tête à tête avec Orson (Robert Laffont, 2015).

Pour finir, la bande-annonce.

Cette remarquable suite de suppléments n’empêche pas le regret de n’y voir pas figurer le commentaire audio de Peter Bodganovich qui complétait l’édition américaine sortie en 2014.

La Dame de Shanghaï

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC) a bénéficié d’une soigneuse restauration qui a effacé la moindre tache, stabilisé l’image, renforcé les contrastes, allant de blancs lumineux à des noirs denses en passant par un fin dégradé de gris. Le bruit a été réduit jusqu’aux limites au-delà desquelles la texture argentique aurait été dénaturée, ce qui conduit à rejeter les reproches d’un grain résiduel adressés par certains.

Nous avons là une restauration exemplaire !

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 de la version originale, très propre, pratiquement sans souffle, restitue les dialogues avec toute la clarté requise, dans un équilibre satisfaisant avec l’ambiance et l’accompagnement musical, manquant toutefois de graves et occasionnellement affecté par quelques saturations.

On n’en dira pas autant du doublage en français, assez pitoyable artistiquement et, de plus, gâché par un souffle variable, par des dialogues placés beaucoup trop en avant, souvent crachouillants, avec un défilement instable, comme le montre, par exemple, la chanson de Rita Hayworth sur le pont de la Circé, à 21 minutes du début.

Aucune alternative à la version originale à laquelle la note donnée s’applique seule.

Crédits images : © 1948, RENOUVELÉ 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 12 novembre 2018
Ce jalon du film noir, au final emblématique du génie d’Orson Welles, nous arrive fraîchement restauré, dans une édition à la hauteur de son mérite. Un bel objet de collection !

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