Men of Honor (2017) : le test complet du Blu-ray

France, mars 1918 durant la dernière année de la Première guerre mondiale : la compagnie anglaise C du capitaine Stanhope prend la relève pour une semaine dans les tranchées de la Somme. Elle est rejointe par le jeune lieutenant Raleigh, impatient de retrouver son ami Stanhope mais cet officier valeureux, après trois ans de guerre, est devenu un autre homme : sombre, brutal, alcoolique. Ils attendent tous une offensive allemande et ont bientôt confirmation qu’elle va survenir. Le 21 mars 1918, elle débute à 4H30 du matin : au cours des cinq heures de combat, 6200 canons allemands tirent plus de 6 millions d’obus qui font environ 700 000 morts dans les deux camps. Les Allemands font 20 000 prisonniers et ont progressé de 20 km. Un mois plus tard, la zone sera reprise par les forces britanniques et alliées.

Men of Honor (Journey’s End)(GB 2017) de Saul Dibb est l’adaptation cinéma du roman tiré par R.C. Sheriff de sa propre pièce de théâtre, très célèbre en Angleterre. La Fin du voyage (Journey’s End)(USA 1930) de James Whale avait adapté la pièce de théâtre en 1930 avec Colin Clive dans le rôle du capitaine Stanhope et avec David Manners dans celui du lieutenant Raleigh. Lorsqu’on examine les photos d’exploitation colorisées de 1930 du film de Whale, on reconnaît évidemment certaines scènes reprises ici en 2017 mais modernisées par la syntaxe cinématographique d’une part (l’écran n’est plus standard 1.37 N&B mais 2.35 couleurs) et par les nouveaux acteurs d’autre part. Il aurait été intéressant de fournir un coffret comprenant la version 1930 et la version 2017, d’autant plus que la version Whale fut une production très célèbre, au gros budget (elle durait environ deux heures) et donnait l’occasion de voir Colin Clive en vedette un an avant que Whale ne lui confie le rôle titre du docteur dans sa version 1931 de Frankenstein. Contrairement au cinéaste Saul Dibb et au scénariste Simon Reade, R.C. Sheriff et James Whale avaient tous deux effectivement servi durant la Première guerre mondiale dans les tranchées : ils savaient donc inévitablement mieux de quoi ils parlaient. La biographie filmée très étonnante de Whale dans le Ni dieux ni démons (Gods and Monsters) (USA-GB 1988) de Bill Condon montrait d’ailleurs quelques plans saisissants d’images mentales atroces parsemant ses souvenirs de cette période.

Cela dit, pour en revenir à cette adaptation 2017, elle est remarquablement mise en scène, très bien jouée et, au total, très efficace. Les acteurs ont rencontré de véritables soldats souffrant de « stress post-traumatique » afin de parfaire leur jeu dramatique. La direction artistique est, sur le plan de l’armement, correcte (ce qui est toujours bon signe) : revolvers Webley calibre 455 pour les officiers, fusils Lee Enfield S.M.L.E. cal. 303 et mitrailleuses Lewis (inventées par des Américains mais adoptées réglementairement par l’armée belge et anglaise dès le début de la première guerre mondiale) pour les soldats. Le suspense très éprouvant de l’attente est réellement étouffant; la violence des combats est brève mais dévastatrice. Cette nouvelle adaptation s’inscrit dans une lignée prestigieuse composée, dans l’ordre sélectif chronologique, de titres tels que Les Chemins de la gloire (USA 1936) d’Howard Hawks, Les Croix de bois (Fr. 1932) de Raymond Bernard, Les Sentiers de la gloire (USA 1957) de Stanley Kubrick, Les Hommes contre… (Ital.-Fr. 1970) de Francesco Rosi.

1 combo Blu-ray + DVD édités par Swift Productions, distribué par ESC, le 23 octobre 2018. Durée du film en Blu-ray : 107 minutes environ. Image couleurs Full HD 1080p au format original 2.35 respecté et compatible 16/9. Son DTS HD 5.1. et D.D. 5.1. pour la VOSTF comme pour la VF. Suppléments : présentation du film (6 min. environ), entretiens avec le réalisateur Saul Dibb, le scénariste Simon Reade, les acteurs Sam Claflin, Asa Butterfield et Paul Bettany (30 min. environ) + Beyond the trenches (making of environ 2 min.), les grandes périodes de la Guerre de 1914-1918 par l’historien Jean-Yves Le Nahour (environ 7 min.), bandes-annonces (VO et VF), la Mission Centenaire de la Première guerre mondiale par Alexandre Lafon, directeur adjoint (environ 10 min.) Seul le Blu-ray a été testé.

Parmi les suppléments les plus intéressants, les deux entretiens avec le scénariste Simon Reade et le cinéaste Saul Dibb qui expliquent bien en quoi le roman anglais de R.C. Sheriff se distingue de sa pièce de théâtre de 1928, en quoi leur film se distingue de celui de James Whale. Six semaines de tournage auront été nécessaires, dont deux en décors naturels, pour reconstituer les tranchées de la Somme dans le Suffolk et dans des ruines du Pays de Galles. Le cinéaste définit sa conception de la mise en scène simplement mais clairement : montrer l’action comme si vous y étiez. Samuel Fuller, en son temps, n’aurait pas dit mieux. Les entretiens avec les acteurs sont plus convenus. Celui qui ignore tout de la Première guerre mondiale pourra avantageusement visionner le résumé commode de Jean-Yves Le Nahour, docteur en histoire. La mission éducative Centenaire de la Première guerre mondiale est présentée brièvement par son directeur adjoint Alexandre Lafon. En réalité, c’est surtout le film américain de 1930 qu’on aurait pu songer à mettre en bonus de celui-ci. La comparaison entre la version 1930 et la version 2017 eût été plus utile et surtout plus parlante que tous ces bavardages réunis. Aucune galerie affiche ni photos.

Celui qui veut comprendre l’évolution du conflit durant l’année 1918 davantage en profondeur et disposer d’images d’archives supplémentaires, pourra visionner intégralement la seconde section (40 min., 2.35 compatible 16/9) de La Grande histoire, intitulée Men of Honor, mars 1918 : contexte historique et chronologie de la bataille (40 min). Il est constitué de deux entretiens croisés très détaillés (avec cartes géographiques) couvrant à la fois l’histoire stratégique et l’histoire tactique, avec Philippe Nivet, Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Picardie et Jean-Yves Le Naour, Docteur en histoire, spécialiste de la Première Guerre Mondiale (tourné au Musée de la Grande Guerre de Meaux et à l’Historial de Péronne). Un seul regret : qu’il n’y ait pas de professeur anglais ni allemand associés à ces deux professeurs français afin d’avoir les trois points de vue sur la même période.

La troisième section (2.35 compatible 16/9) de ce bonus est constituée par un émouvant hommage visuel au Mémorial du régiment royal anglais de Terre-Neuve, à Beaumont-Hamel, qui fut presque entièrement décimé durant l’année 1916 mais se signala encore durant 1918 par sa valeur. Les images d’archives sont alternées au montage par des images prises par un drone sur les lieux actuels laissant voir, sous la végétation, les cavités creusées par les explosions des obus de l’époque.

Image couleurs Full HD 1080p au format original 2.35 compatible 16/9. Image argentique impeccable et définition de haut niveau qui triomphe du brouillard, de la poussière, de la fumée des explosions. Palette de couleurs volontairement réduites mais travaillées de manière à saisir, en extérieurs, les nuances d’aube et de crépuscule, déterminantes en cas de combat et savants dosages de clairs-obscurs reflétant, dans les scènes intérieures souterraines, la psychologie des héros.

VOSTF et VF en DTS HD 5.1. et en Dolby Digital 5.1. : quatre pistes sont proposées. La plus dynamique est, sans surprise, la piste DTS VOSTF notamment durant le raid commando sur la tranchée allemande et durant le début de l’offensive allemande sur la tranchée anglaise : l’immersion sonore est impressionnante. Excellent équilibrage dialogues-musique-effets sonores. La VF est soignée mais constitue, qu’il s’agisse de la piste DTS ou de la piste D.D. 5.1, un second choix : la VO restitue en effet les nuances d’accents et d’élocution distinguant intuitivement les officiers des hommes du rang, nuances qui n’existent évidemment plus en VF.

Crédits images : © Steffan Hill 2016