Réalisé par Stéphane Brizé
Avec
Vincent Lindon, Mélanie Rover et Jacques Borderie
Édité par Diaphana
Il y a deux ans, était signé un accord entre les syndicats et la direction de l’usine Perrin Industrie d’Agen : en contrepartie d’une augmentation de la durée du travail et 35 à 39 heures sans compensation salariale et de la suppression de certaines primes, la direction s’était engagée à maintenir les 1 100 emplois pendant cinq ans. Trois ans après, tombe l’annonce de la fermeture de l’usine, décidée par la maison mère allemande, le site étant jugé non compétitif. Certains délégués syndicaux oeuvrent à améliorer les indemnités de licenciement, sauf Laurent Amédéo, résolu à sauver tous les emplois en s’opposant à la fermeture de l’usine…
Avec En guerre, son huitième long métrage, le réalisateur et scénariste Stéphane Brizé retourne au drame social qu’il avait une première fois exploré, en 2015, avec La Loi du marché.
On apprend, dès le début du film, que l’usine dégage un profit de 17 millions d’euros avec une marge supérieure aux autres sites européens du groupe et, vers la fin du film, que la maison mère s’oppose à céder l’usine à un repreneur qu’on nous présente comme très solide. Ces deux données rendent assez peu crédible une fermeture si facile, passant comme une lettre à la poste, dans un bassin d’emploi déjà sinistré, malgré la requête en annulation du plan de sauvegarde de l’emploi devant le tribunal de grande instance et l’intervention du Palais de l’Élysée. Des prémisses un peu plus nuancées auraient mieux servi la crédibilité du scénario.
Cette réserve faite, En guerre évite le manichéisme, en exposant les bons côtés et les travers des trois parties en lice, les syndicalistes, les représentants du patronat et l’émissaire du pouvoir politique. Une approche ouverte d’un conflit qui, bien que fictif, peut rappeler celui des usines Goodyear, Whirlpool ou Continental.
En guerre se distingue des films sur ce thème par le réalisme de sa représentation des conflits sociaux qui sautera aux yeux de toutes celles et ceux qui en ont été les observateurs… ou les acteurs. Ce brillant résultat ne tient pas à un miracle, mais à la collaboration au scénario de syndicalistes et au pari risqué de confier les rôles de délégués syndicaux à des délégués syndicaux et ceux des patrons… à des patrons !
Une vraie gageure : un acteur pourra, grâce à son talent et à son expérience, plus ou moins bien se faire passer pour un syndicaliste. Mais pas sûr qu’un syndicaliste puisse, devant la caméra, passer la rampe. Les dialogues et les attitudes sont vrais, on s’y croirait !
Ni magie, ni coup de chance, seulement l’aboutissement d’une intense et méthodique recherche de nombreux « acteurs non professionnels » dans le Lot-et-Garonne, une ambitieuse entreprise racontée dans un des suppléments vidéo de cette édition.
En guerre, avec des séquences prises caméra sur l’épaule ou par plusieurs caméras, n’a rien de la beauté d’Une vie, le film précédent de Stéphane Brizé, une magnifique mise en images du premier roman de Guy de Maupassant. Sa forme, plus brute, plus conventionnelle aussi, lui donne les allures d’un reportage, qu’accentue l’insertion de fausses actualités télévisées avec le logo de France 2 et de BFMTV.
En guerre (103 minutes) et ses bonus vidéo (43 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier de 11 mm.
Le menu animé et musical propose le film dans deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.
Piste d’audiodescription DTS Digital Surround 2.0 stéréo et sous-titres pour malentendants.
À l’intérieur du boîtier, une invitation au téléchargement gratuit du numéro de L’Avant-Scène Cinéma consacré à En guerre, un dossier de 120 pages illustrées de plans du film et de photos de tournage, comprenant un long entretien de Stéphane Brizé avec Yves Alion, un article de Frédéric Lordon paru dans Le Monde diplomatique intitulé Pour la préemption salariale ! et, toujours recueilli par Yves Alion, un entretien avec Xavier Mathieu, ex-délégué syndical de Continental AG de Clairoix, devenu acteur (La Loi du marché, Fleur de tonnerre, 3 X Manon + Manon 20 ans), puis un entretien avec Frédéric Dumont, directeur de la photographie, par Sylvain Angiboust. Suit, Stéphane Brizé de A à Z, l’analyse de son oeuvre, allant de A, comme Asphyxie, un coup d’oeil sur des films tels que Le Bleu des villes, à Z comme Zizanie, une allusion aux empoignades d’En guerre et de Mademoiselle Chambon, en passant par L comme Littérature, une référence à Une vie, adapté de Guy de Maupassant. Ensuite, Quinze conflits sociaux à l’écran, vus par des critiques de cinéma, et Vincent Lindon : itinéraire d’un comédien hors-pair, retracé dans seize films, une revue de presse d’En guerre, La filmographie de Stéphane Brizé et les fiches technique et artistique détaillées d’En guerre. Ce dossier très complet se referme sur le scénario du film.
Le commentaire du film par Stéphane Brizé (DTS 2.0) donne une somme d’informations sur la genèse du film, son souci de réalisme, en dépit de la présence de Vincent Lindon, acteur connu, dit comment le réalisateur a réussi à donner l’impression d’une foule de participants, alors qu’ils n’étaient qu’une trentaine. Il présente les acteurs pour leur première apparition devant la caméra, dit pourquoi il a tenu à ne pas juger les protagonistes, chacun ayant, tour à tour, tort et raison…
Suit la bande-annonce du film.
Ces deux bonus vidéo sont dans l’édition standard de Diaphana. Ceux qui suivent sont propres à L’Édition spéciale FNAC.
À propos du casting (26’). Le réalisateur et Coralie Amadéo, directrice du casting, rappellent comment, à la suite d’annonces passées dans la presse locale, de recherches sur Internet, d’appels téléphoniques… des centaines de personnes ont été rencontrées pendant une heure en moyenne chacune. Ils expliquent ce qui les a amenés à choisir certains des acteurs : leur connaissance du monde du travail et leur comportement devant la caméra… Intéressant, mais parfois redondant avec le commentaire du film.
Discussion avec Frédéric Lordon (15’), un débat public enregistré le 6 juin 2018 au cinéma Le Méliès à Montreuil. « Le tragique du film de Brizé est qu’il y a un héros et que le héros va immanquablement perdre parce qu’il se trompe. (…) Il se bat pour sauver des emplois dans un monde agencé pour que ces emplois ne soient plus sauvables. » Cet extrait d’un article paru dans Le Monde diplomatique du 21 mai 2018 (à lire en intégralité dans le numéro de L’Avant-Scène Cinéma consacré à En guerre) résume le point de vue de l’économiste et chercheur du CNRS sur les conflits sociaux, selon lui tous voués à l’échec dans la France actuelle. Pour lui, la solution passe par la fin du néo-libéralisme dont il croit percevoir des signes annonciateurs. Il préconise un gouvernement interventionniste, sans évoquer les résultats désastreux du dirigisme étatique que l’Histoire a démontrés. Il souligne aussi que les médias, lorsqu’ils évoquent les conflits sociaux, ont tendance à n’en montrer que les images de violence, mais pas celles qui ont conduit à la violence.
L’image (1.85:1, 1080p, AVC), précise, généralement assez bien contrastée, prise apparemment avec très peu d’éclairages artificiels, propose des couleurs naturelles, soigneusement étalonnées.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo, très propre, assure une parfaite intelligibilité des dialogues, dans un bon équilibre avec l’ambiance et un accompagnement musical très minimaliste. La sollicitation discrète des voies latérales atténue les différences entre les deux versions.
Crédits images : © 2018 NORD-OUEST FILMS - Julien Millet