Sonatine (1993) : le test complet du Blu-ray

Sonachine

Exclusivité FNAC

Réalisé par Takeshi Kitano
Avec Takeshi Kitano, Aya Kokumai et Tetsu Watanabe

Édité par Wild Side Video

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Le 27/02/2019
Critique

Sonatine

Japon 1993 : à Tokyo puis Okinawa. Le gangster Murakawa, violent et très dangereux mais fondamentalement lassé, fait enlever puis assassiner un organisateur de paris car ce dernier refusait de verser un pourcentage de ses bénéfices. Il est ensuite envoyé à Okinawa pour superviser une guerre des gangs locaux dans laquelle son patron a un intérêt. Murakawa comprend un peu trop tard (alors qu’il venait de tomber amoureux dans d’étranges circonstances) que sa propre élimination était l’un des buts visés. Il décide d’en tirer les ultimes conséquences.

Sonatine (Sonatine : mélodie mortelle) (Jap. 1993) de Takeshi Kitano est le troisième volet d’un triptyque thématique et stylistique constitué par ces trois films noirs policiers que sont Violent Cop (1989), Jugatsu (1990) et Sonatine (1993).

Projeté au Festival de Cannes le 15 mai 1993 en première mondiale (avant sa sortie japonaise le mois suivant) il fut ensuite sélectionné au Festival du film policier de Cognac en avril 1995 avant d’être, enfin, distribué commercialement en mai 1995 en France où il remporta un grand succès critique. Il permit la découverte de ses deux titres antérieurs qui sortirent à leur tour chez nous en 1998 et 1999, avec presque dix ans de retard mais mieux valait tard que jamais. Sur ces trois titres, Kitano était crédité de quatre postes : réalisateur, scénariste, monteur, acteur. Autant dire qu’il accédait au statut d’auteur.

Revu aujourd’hui à la faveur de cette première édition française Full HD et revu dans l’ordre chronologique de sa production qui permet de mieux le situer, que peut-on dire de Sonatine ?

Sonatine

C’est un surprenant alliage de film noir policier violent et de surréalisme poétique qui conserve la virulence de Violent Cop et est découpé d’une manière narrative plus rigoureuse que Jugatsu . Un peu comme s’il était la synthèse réussie et encore enrichie des deux précédents. Certains effets de montage proviennent en ligne droite de la Nouvelle vague française des années 1955-1965 : par exemple, le discours du jeune serveur à la cliente invisible, alterné au montage en voix-off sur les images de la marche de Murakawa dans la rue de Tokyo qui arrive bientôt à leur niveau mais sans qu’ils le remarquent. Le cauchemar et le rêve font alternativement irruption dans une intrigue par ailleurs soigneusement construite et charpentée. La continuité d’inspiration avec les deux titres précédents de 1989 et 1990 est confirmée : même lassitude ontologique du héros, même fin meurtrière et suicidaire dans les trois cas. Un relatif féminisme est également visible. La version M4 commando à canon court du fusil d’assaut M16 est à nouveau utilisée, comme elle l’était déjà par le yakuza de Jugatsu l’année précédente : continuité strictement réaliste car cet équipement provient évidemment (par vol ou trafic) des bases américaines installées à Okinawa. De l’ensemble émane une sombre puissance, une ironie noire voire macabre, un certain désespoir assez romantique aussi. Le grand cinéaste Yasuzo Masumura avait déclaré aux Cahiers du cinéma n°224 en octobre 1970 : « Dans la pensée européenne, il y a, je crois, deux choses : le rationalisme et l’individualisme. Ni l’une ni l’autre ne conviennent au tempérament japonais. » Sonatine de Takeshi Kitano en est bien une preuve de plus, s’il en était besoin.

Sonatine

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray 50 zone B édité le 21 novembre 2018 par Wild Side Vidéo. Format original 1.85 respecté en couleurs, son DTS HD stéréo 2.0. VOSTF + VF, durée Blu-ray du film : 94 min environ. Supplément : présentation par Benjamin Thomas (durée environ 20 min.).

Bonus - 2,0 / 5

Présentation (durée environ 20 min.) du film par Benjamin Thomas, maître de conférence et spécialiste du cinéma de Kitano sur qui il a écrit un livre. C’est la meilleure et la plus ample des trois présentations : elle couvre en profondeur l’inspiration de Kitano et son oeuvre dans sa globalité : signe que Sonatine est, finalement, une meilleure voie d’entrée que les deux précédents titres pour appréhender sa richesse. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisque Sonatine est une synthèse des deux précédents : la synthèse est, par définition, toujours plus riche que les éléments qu’elle synthétise. Son montage est soigné, son habillage vidéo est élégant mais la construction est dotée d’un défaut : il aurait fallu commencer par le commencement, à savoir le poisson bleu harponné, première image du film. Elle n’est (bien) commentée qu’au bout de 10 ou 15 minutes. Bien sûr, en 20 minutes, Thomas ne dit pas tout non plus : il ne commente pas, par exemple, le choix des caractères gothiques utilisés pour les lettres du titre du film. Ce que dit Thomas n’est pas toujours non plus lettre d’or  : l’aveu par Murakawa de sa fatigue n’est pas un des tous premiers dialogues du film comme l’assure Thomas. Cet aveu n’intervient dans le dialogue qu’au bout de 6 minutes de film. Murakawa a dit auparavant un certain nombre de choses à un certain nombre de gens. Quant au thème plastique de la plage et de la mer, il est commun à Kitano et à bien d’autres cinéastes japonais : le Japon est une île et il est normal que ces thèmes plastiques reçoivent là-bas une valeur poétique. Kitano est comme Charles Baudelaire : il chérit la mer car c’est un homme libre, définition de l’artiste créateur. Mais ne finassons pas trop non plus : globalement, c’est une bonne présentation qui témoigne d’une bonne connaissance de l’oeuvre. Cela dit, un tel film mériterait une édition collector comprenant des témoignages japonais de première main, une galerie affiches et photos japonaises et françaises d’exploitation. Nous avons donc ici affaire à une édition spéciale minimaliste, sur le plan matériel.

Sonatine

Image - 4,0 / 5

Format 1.85 original respecté, en couleurs et en Full HD 1080p. Copie argentique en bon état sauf la séquence de l’exécution nocturne du parieur par noyade, où quelques plans sont griffés, marqués, voire même durant quelques secondes, affligés d’une sorte de rayure au centre de l’image. Le reste est impeccable. Bon équilibre général entre grain et lissage, colorimétrie satisfaisante. Nécessité de visionner le générique de fin jusqu’au bout pour visionner les derniers plans insérés après.

Sonatine

Son - 4,0 / 5

DTS HD à partir d’un Dolby Stéréo d’origine 2.0 VOSTF + VF : offre nécessaire et suffisante pour le cinéphile francophone. Il faut impérativement privilégier la VOSTF car elle seule permet de profiter du jeu original et des intonations des acteurs. Excellente musique signée par Joe Hisaichi. Effets sonores réalistes des armes légères : le son sec des détonations du pistolet semi-automatique Colt 45ACP est correct, même si, évidemment, très atténué par rapport au son réel. Heureusement car s’il était identique en volume, les spectateurs seraient sourds durant quelques secondes après l’audition de chaque détonation et perdraient, sans protection auditive, irrémédiablement une partie de leur capacité auditive. Mais sa nature sonore est bien celle qu’on entend dans le film. C’est aussi à ce souci du détail réaliste qu’on reconnaît un grand cinéaste.

Sonatine

Crédits images : © Wild Side

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony