La Maison qui tue (1971) : le test complet du Blu-ray

The House That Dripped Blood

Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret

Réalisé par Peter Duffell
Avec Christopher Lee, Peter Cushing et Jon Pertwee

Édité par ESC Editions

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Le 22/01/2019
Critique

La Maison qui tue

Surrey, Angleterre 1968 à 1970. Un inspecteur de police de Scotland Yard enquête sur une série de disparitions et de meurtres survenus depuis deux ans dans une inquiétante maison isolée au bord d’un lac. Le policier local puis l’agent immobilier Stoker lui racontent quatre histoires : un écrivain spécialisé dans l’horreur et l’épouvante croit y devenir fou; un financier retraité croit retrouver le portrait de cire de son ancien amour dans un curieux musée des horreurs; une gouvernante s’y inquiète de la passion d’une enfant pour la sorcellerie; un célèbre acteur, lui aussi spécialisé dans l’épouvante, la loue durant son tournage mais il achète une cape maléfique ayant appartenu à un véritable vampire. L’inspecteur incrédule décide de passer lui-même la nuit dans la maison, en dépit des mises en garde de Stoker.

La Maison qui tue (The House That Dripped Blood) (GB 1970) de Peter Duffell est une des perles noires produites par la société anglaise Amicus de Max J. Rosenberg et Milton Subotsky, une des firmes anglaises majeures de l’histoire du cinéma fantastique européen de 1960 à 1975. Réalisée par un cinéaste peu connu dont c’est aujourd’hui le titre culte, sa mise en scène est précise, élégante, parfois virtuose : une sorte de baroque glacé. Sur le plan purement plastique, elle est proche de celles de Roy Ward Baker et de Freddie Francis, à la même époque et pour la même firme. Et, surtout, son scénario est signé par le grand écrivain Robert Bloch qui reprend la ligne narrative des précédents films fantastiques à « sketchs » de la Amicus, à savoir environ 5 histoires courtes réunies par un fil conducteur. Bloch semble s’inspirer directement des magazines de bandes-dessinées américaines d’horreur et d’épouvante mais, en réalité, l’inverse est tout aussi vrai car les nouvelles et contes fantastiques de Bloch inspiraient les scénarios de ces bandes-dessinées. Qu’il suffise de lire les recueils de Bloch traduits en français dans la Bibliothèque Marabout (section fantastique), vers 1970, pour en être convaincu !

Le casting est un savoureux mélange, comme toujours aussi chez la Amicus, de comédiens de premier plan (Peter Cushing, Christopher Lee, Denholm Elliot, Ingrid Pitt) avec d’autres moins connus chez nous mais remarquables de talent et, parfois, de beauté (la blonde Nyree Dawn Porter). L’argument débute d’une manière réaliste (l’enquête d’un inspecteur de police sur une mort suspecte) mais vire rapidement au surréalisme et son traitement est d’un sadisme qui ne l’est pas moins Le scénario emprunte aux prestiges de la tradition thématique (un musée de cire, une sorcière, un enfant maléfique, des vampires) et rend hommage à de grands noms de l’histoire de la littérature et du cinéma fantastique (le premier sketch avec Denholm Elliot rend hommage à Edgar Poe, à Bram Stoker, à Lotte H. Eisner sans oublier un clin d’oeil à la littérature fantastique française que Pierre-Georges Castex défendit et illustra si bien en son temps). L’histoire de l’écrivain craignant de devenir fou et celle de l’acteur craignant de devenir un vampire sont toutes les deux typiques du génie de Bloch : le strict réalisme et les emprunts à l’histoire (histoire de la littérature, histoire du cinéma) y sont progressivement investis par la folie puis la terreur tandis qu’une étrange dialectique approfondit les rapports de la représentation et de la réalité. Celle de l’acteur-vampire et celle, finale, de l’inspecteur décidant finalement de visiter la maison de nuit y ajoutent des éléments certes parodiques (John Pertwee considérant que Bela Lugosi fut le seul bon interprète du rôle… alors que Christopher Lee joue dans le film !) mais suffisamment contrôlés pour maintenir l’équilibre authentiquement fantastique et terrifiant de l’ensemble. Les deux histoires les plus classiques sont celles avec Cushing (musée de cire) et Lee (l’enfant maléfique) : leur suspense est impeccablement dosé, sa gradation passant de l’inquiétude à la terreur finale. Quant à la la maison, ce n’est pas un décor : elle se nommait « Yew Tree House » et se trouvait derrière les studios anglais Shepperton de Londres. Elle fut malheureusement démolie au début des années 1970, assez peu de temps après le tournage. L’actrice, non créditée au générique, vue en gros plan sur la photographie N&B que contemple à plusieurs reprises Peter Cushing, est Nicola Paget (« Nicola » bien sans s à la fin). Un très bel exercice de style à redécouvrir.

La Maison qui tue

Présentation - 4,0 / 5

1 combo Blu-ray + DVD édité par ESC le 04 décembre 2018. Image couleurs du Blu-ray en Full HD 1080p au format original 1.85 respecté et compatible 16/9. Son DTS HD Master audio en 2.0 mono VOSTF et VF d’époque. Supplément : présentation de la Amicus et du film par Laurent Aknin, livret de 16 pages de Marc Toullec intégré au boîtier. Durée du film sur Blu-ray : 102 min. environ. Suppléments vidéo identiques sur le Blu-ray et sur le DVD. Seul le Blu-ray a été testé.

Bonus - 3,0 / 5

Deux suppléments : une présentation de la firme Amicus (durée 5 minutes environ) et une présentation du film par Laurent Aknin. La première reflète la manière dont furent perçues ces productions au moment de leurs sorties françaises et la manière aussi dont la Amicus fut perçue en France. Elle est visible sur touts les titres de la collection Amicus éditée par ESC et je renvoie le lecteur à mon article sur le film fondateur de la série en 1964, à savoir Le Train des épouvantes, qui la discute. Concernant la présentation individuelle de ce titre précis (durée environ 15 minutes illustrées d’extraits du film), elle est globalement bonne et fournit la plupart des clés nécessaires à sa correcte situation historique et esthétique, notamment concernant Robert Bloch bien que tout cela demeure évidemment assez léger faute de temps : Aknin n’en parle pas mais ce n’est pas tout à fait par hasard que Bloch rend hommage à Lotte H. Eisner au début du film. Le spécialiste et l’amateur déjà cultivé n’apprendront, en revanche, rien de neuf. Trois bémols cependant : Le Train des épouvantes (encore lui) est qualifié de « pas très bon »; la mise en scène de Duffell est qualifiée de « purement fonctionnelle » : ces jugements esthétiques me semblent injustes. Le terme « gothique » sert encore une fois à caractériser la firme rivale Hammer, ce qui est une erreur historique et plastique partagée par la plupart des commentateurs et intervenants variés qui parlent de la Hammer depuis dix ans. J’ai déjà expliqué les tenants et aboutissants de cette erreur dans une note additionnelle de la version longue de mon article sur Les Sévices de Dracula, version archivée en ligne chez Stalker-Dissection du cadavre de la littérature : j’y renvoie donc le lecteur. Je ne peux absolument rien dire du livret écrit par Marc Toullec (ESC ne nous adresse pas les produits finis complets mais de simples disques isolés, sans boîtier ni livret ni jaquette). J’ajoute, par principe, un point à la note à cause de sa présence, ce qui donne 3 sur 5 en supposant qu’on doit y trouver de jolies photos et affiches reproduites mais c’est une supposition qui n’est pas, en l’état, une affirmation. Force est de constater, en revanche, l’absence totale d’une galerie affiches et photos d’exploitation sur la section vidéo des suppléments.

La Maison qui tue

Image - 4,0 / 5

Full HD 1080p au format original 1.85 couleurs compatible 16/9. Image argentique parfaitement restaurée, couleurs vives, chaudes au spectre admirablement nuancé. Deux instabilités d’une fraction de seconde sur l’émulsion pour le reste impeccablement stable. Lissage peut-être un peu excessif aux yeux des amoureux du grain mais admirable définition. Belle direction de la photo, sachant doser les effets les plus sophistiqués concernant les changements de distance focale, les arrières-plans et sachant aussi composer les couleurs d’une manière équilibrée dans chaque plan : une sorte de baroque contrôlé, en somme.

Son - 4,0 / 5

VOSTF et VF d’époque en DTS HD Master audio 2.0 mono : choix nécessaire et suffisant pour le cinéphile francophone. La piste anglaise est propre, elle équilibre correctement le rapport dialogues-musique-effets sonores. Musique assez bonne. Le choix des voix françaises pour la VF d’époque est excellent (sauf celles d’Ingrid Pitt et de Nyree Dawn Porter qui trahissent leurs véritables voix) et cette dernière est techniquement soignée, qualité cinéma. La musique que Peter Cushing écoute sur un tourne-disque est le Quatuor à cordes n°14 de Franz Schubert, composé en 1824 et dont le titre est La Jeune fille et la Mort, titre que le cinéaste Duffell aurait, paraît-il, voulu donner à son film. Le producteur Milton Subotsky imposa The House That Dripped Blood alors que pratiquement pas une seule goutte de sang n’apparaît à l’écran.

Crédits images : © ESC Éditions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony