Il marchait la nuit (1948) : le test complet du Blu-ray

Film noir policier américain documentaire inspiré d’un fait réel impressionnant, signé par Alfred Werker et co-réalisé par Anthony Mann.

Los Angeles, USA 1946 : un voleur de matériel électronique tue un policier qui l’avait surpris en flagrant délit. Une enquête méthodique est lancée mais il récidive et blesse gravement un second policier. La police de Los Angeles lance alors une traque faisant appel à tous les services.

Il marchait la nuit (He Walked By Night, USA 1948) d’Alfred Werker & Antony Mann est un parfait exemple de la veine documentaire du film noir policier américain. Sa réalisation est signée par Alfred Werker mais il aurait été co-réalisé par Anthony Mann qui serait le responsable de sa spectaculaire séquence finale. Les historiens contemporains soutiennent parfois que Mann en aurait même été le quasi-réalisateur à part entière mais sans pouvoir s’accorder à l’aide d’arguments déterminants : la question demeure donc ouverte. Cette série B nerveuse et très soignée a inspiré des films noirs policiers majeurs, parmi lesquels ceux de Carol Reed (1949) et William Friedkin (1985). La séquence spectaculaire des égouts a probablement inspiré certains aspects plastiques de la fin du classique du cinéma fantastique Des monstres attaquent la ville (Them !, USA 1954) de Gordon Douglas.

Illustrant une affaire authentique survenue en 1946, Il marchait la nuit en modifie certains aspects mais en conserve d’autres car il veut familiariser le public - à l’aide d’une voix-offcommentant l’action de temps en temps, surtout durant la première partie - avec les récentes techniques policière (portrait-robot, laboratoire balistique, fichiers). Doté de scènes souvent impressionnantes, photographiées par le grand plasticien John Alton, Il marchait la nuit est très sobrement mais souvent très remarquablement interprété par un groupe d’acteurs homogènes, habitués du genre (citons au moins Whit Bissell, Scott Brady, Jack Webb mais ils mériteraient tous d’être cités) dont se détache évidemment Richard Basehart (1914 - 1984) dans le rôle du criminel : la scène où, blessé par balle, il s’opère lui-même à l’aide d’un miroir, demeure une performance qui lança sa carrière.

Sur le plan de l’histoire du cinéma, le générique est assez riche. Dans la même catégorie documentaire du film noir policier américain, Mann venait de tourner La Brigade du suicide (T-Men, USA 1947) produit par la même firme Eagle-Lion et aussi photographié par le même John Alton. Le réalisateur crédité Alfred Werker (1896-1975) fut un prolifique artisan qui, de 1925 à 1957, servit tous les genres populaires de l’histoire du cinéma : qu’on songe à son Les aventures de Sherlock Holmes (USA 1939) avec Basil Rathbone ! Signalons enfin la présence comme co-scénariste de Crane Wilbur, réalisateur d’un film noir policier relevant aussi du documentaire policier - Le Pénitencier du Colorado, (Canyon City, USA 1948) - ainsi que celle d’Howard W. Koch comme assistant-réalisateur qui deviendra par la suite un intéressant producteur-réalisateur au sujet duquel je renvoie à ma critique parue ici même de son Police connection (Badge 373, USA 1973).

1 Blu-ray BD50 région B + 1 DVD9, édités par Rimini le 28 août 2024. Durée du film : 80 minutes environ. Image N&B en Full HD 1920x1080p au format original 1.37 compatible 16/9. Son DTS-HD Master Audio 2.0 mono VOSTF. Suppléments : présentation par Florian Tréguer, professeur à l’université de Rennes 2.

Présentation par Florian Tréguer, professeur d’histoire du cinéma à l’université de Rennes 2 (durée 47 minutes environ) : trop longue mais intéressante et riche en informations. Genèse du film, soigneuse comparaison des faits réels et du scénario filmé, évaluation des hypothèses concernant la paternité du film parfois attribué presque intégralement à Mann mais signé par Werker, place du titre dans leurs filmographies génériques respectives, caractéristiques du documentaire policier du film noir américain et manière dont le titre de 1948 les illustre, rappel de la contribution plastique du directeur photo John Alton : rien ne manque et tout y est. Sans oublier une référence au livre classique de Borde et Chaumeton (éditions de Minuit, Paris 1955, revue en 1979) qu’on compare à une étude plus récente de Paul Schrader sur le film noir policier américain. Quelques longueurs inutiles (résumés de scénarios de quelques autres films noirs relevant eux aussi du documentaire policier, bref examen d’un autre film noir de Mann sans rapport avec la catégorie ici illustrée, etc.) mais une question générique intéressante : au fond le documentaire policier ressort-il du film noir policier ? On peut en discuter : Borde et Chaumeton répondaient oui et je pense qu’ils avaient raison. Une remarque intéressante de Treguer sur la photo de Alton qui serait davantage baroque lorsque le criminel est filmé, qui serait davantage neutre lorsque ce sont les policiers qui sont filmés. Présentation illustrée par des extraits.

Honorable édition spéciale mais une lacune regrettable : l’absence d’une galerie affiches et photos d’exploitation.

Image N&B Full HD 1920x1080p (sur Blu-ray) au format original 1.37 respecté compatible 16/9. Le logo MGM est le logo actuel mais n’appartenait pas à la copie de 1948 : simplement ce titre fait à présent partie de leur catalogue. Image argentique parfaitement nettoyée et très bien restaurée : seuls les premiers plans d’ensembles de la ville de Los Angeles, placés au début par le montage et commentés en voix-off, semblent rapportés sur le plan technique car leur définition est moins homogène. Le reste est impeccable. Report vidéo privilégiant le lissage par rapport au grain mais doté d’une bonne définition, particulièrement appréciable durant les plans d’ensemble aux assez vastes profondeurs de champ.

VOSTF en DTS HD Master audio 2.0 mono bien restaurée : bon équilibrage dialogues-musique-effets sonores, variation assez nette de niveau selon les séquences. Effets sonores un peu trop mis en relief à l’occasion. Reste le problème de l’absence de VF d’époque qui diminue la note de moitié : l’ancienne édition DVD zone 2 PAL de Wild Side Vidéo (collection Vintage Classics) ne la comportait pas non plus mais cela ne me console pas pour autant de son absence.

Crédits images : © Bryan Foy Productions