Réalisé par Leslie Norman
Avec
Michael Redgrave, Sheila Sim et Alexander Knox
Édité par Tamasa Distribution
Six personnes sont inscrites sur un vol ralliant Hong Kong à Tokyo. La veille au soir, le colonel Lindsay leur avait raconté son dernier rêve : il était à bord d’un Dakota qui, pris dans un ouragan, s’était écrasé avec, à son bord, treize personnes, huit passagers et cinq membres d’équipage. Le lendemain matin, certains passagers voient comme un mauvais présage l’annonce que deux personnes non prévues seront aussi du voyage. Avec l’équipage, cela fera treize personnes… à bord d’un avion du même modèle !
The Night My Number Came Up, sorti en 1955, distribué en France sous le titre La Nuit où mon destin s’est joué, est une production Ealing Studios par Michael Balcon, producteur des premiers films d’Alfred Hitchcock. C’est la première réalisation confiée à Leslie Norman, sur un scénario coécrit avec R.C. Sherriff (Au revoir Mr. Chips, Sam Wood, 1939), inspiré par le récit du rêve d’un officier de la Royal Air Force, Victor Goddard, publié dans un journal.
Leslie Norman, surtout connu pour Dunkerque (Dunkirk, 1958, encore inédit en vidéo en France), est entré à 14 ans dans l’industrie du cinéma, par la petite porte, comme balayeur dans les studios Warner de Teddington, un faubourg de Londres. Après une solide expérience de monteur, puis de producteur, The Night My Number Came Up est le premier de la dizaine de films qu’il réalisera pour le grand écran, au long d’une carrière qui s’orientera vers la télévision, avec une contribution notable à la série Le Saint, plus limitée à Le Baron, Chapeau melon et bottes de cuir, Amicalement vôtre…
The Night My Number Came Up, un huis-clos centré sur les réactions des passagers et de l’équipage, se déroule principalement dans l’espace confiné de la cabine et du cockpit d’un petit bimoteur, quelques plans de coupe de l’avion en vol (une maquette) assurant la transition entre les scènes. Leslie Norman démontre son talent de conteur en réussissant à soutenir l’attention avec ce dispositif minimaliste et à susciter des moments de forte tension, avec l’appui de la musique de Malcolm Arnold qui recevra en 1958 son Oscar pour la partition du célébrissime film de David Lean, Le Pont de la rivière Kwai.
En tête d’affiche de ce film choral qu’est The Night My Number Came Up, Michael Redgrave, connu pour 80 rôles et une contribution à plusieurs films majeurs, Une femme disparaît qui l’a révélé en 1938, Au coeur de la nuit en 1945, Temps sans pitié en 1957… Deux autres figures du cinéma britannique, Alexander Knox, avec près d’une centaine de rôles, notamment, aux côtés de Humphrey Bogart dans Tokyo Joe (Stuart Heisler, 1949), et Denholm Elliott, encore au début d’une carrière sur le grand écran entamée avec Le Mur du son (The Sound Barrier, David Lean, 1952).
Avec The Night My Number Came Up, le premier film de Leslie Norman disponible en vidéo en France, Tamasa Distribution poursuit une de ses missions : donner aux cinéphiles l’occasion de découvrir des cinéastes britanniques ignorés en France et des films inédits de réalisateurs plus connus qui tiennent une place importante dans son catalogue, The Blue Lamp (Police sans arme) (Basil Dearden, 1950), The Magnet Charles Frend, 1950), Pool of London (Les trafiquants du Dumbar) (Basil Dearden, 1951), Chaussure à son pied (Hobson’s Choice, David Lean, 1954), The Green Man (Robert Day, Basil Dearden, 1956), ), School for Scoundrels (Robert Hamer, 1960), Payroll (Les gangsters) (Sidney Hayers, 1961), un coffret 3 films d’Alexander Mackendrick, etc. On aimerait y trouver un jour Dunkirk, vu comme le chef-d’oeuvre de Leslie Norman, édité en 2017 au Royaume Uni par Studiocanal.
The Night My Number Came Up (95 minutes) et son supplément (22 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-25 et un DVD-9, logés dans un Digipack à deux volets.
Le film est proposé dans sa langue, l’anglais, avec sous-titres optionnels, au format audio Dolby Digital 2.0 mono sur les deux disques.
Dans un livret de 16 pages, intitulé Dreams are my reality, Mélanie Boissonneau évoque le rêve de Victor Goddard, le regard critique sur les conséquences de la seconde guerre mondiale d’un film qui fait voler l’avion au-dessus de Nagasaki et Hiroshima, rappelle les clés du suspense selon Alfred Hitchcock et souligne comment The Night My Number Came Up, « vrai/faux film fantastique, (…) joue avec l’idée de suspense en lui ajoutant de l’incertitude, liée à notre crédulité et à celle des personnages »…
Suspendus dans le vide (2024, 24’). N.T. Binh (Positif, connaisseur du cinéma britannique, auteur de nombreux ouvrages, notamment Mankiewicz, Rivages, 1986) rappelle que le film a été réalisé à un moment de déclin de l’industrie du cinéma britannique et des Ealing Studios. Ce film semi-fantastique est dans la veine d’Au coeur de la nuit ou de la série The Twilight Zone. Avec une « grande économie de moyens », la caméra « change de point de vue à chaque scène » en observant, tour à tour, les réactions de tous les protagonistes qui composent un portrait de la société britannique d’après-guerre. Croire ou ne pas croire à un rêve prémonitoire est le fil ténu d’un crescendo dramatique, efficacement conforté par le montage et la bande-son. Leslie Norman exploitera encore les réactions d’un groupe à des événements disruptifs dans deux films réalisés dans la foulée, X the Unknown (1956) et Dunkirk (1958).
L’image, au ratio de 1.33:1 (1.37:1 au dos du Digipack), réencodée au standard 1080p, AVC, après une restauration sur laquelle rien ne nous est dit (probablement celle utilisée pour l’édition Blu-ray Kino Lorber sortie en 2020), soigneusement débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, propose des contrastes fermes, avec un stable dégradé de gris entre blancs lumineux et noirs denses. Le grain argentique, fin et homogène, s’il a été affiné, respecte la texture du 35 mm.
Le son mono d’origine, réencodé au format standard Dolby Digital 2.0 (on aurait préféré le format non compressé DTS-HD Master Audio qui n’aurait pu être supporté que par un Blu-ray double couche) fait néanmoins le job. Très propre, sans souffle, il assure la clarté des dialogues et sert le rôle important donné à la bande-son.
Crédits images : © Ealing Studios, Michael Balcon Productions