Inferno (1980) : le test complet du Blu-ray

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Dario Argento
Avec Leigh McCloskey, Irene Miracle et Eleonora Giorgi

Édité par ESC Editions

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Le 22/01/2019
Critique

Inferno

New York et Rome, 1980. L’architecte Varelli assure, dans son autobiographie latine, qu’il a construit les demeures de trois redoutables sorcières : une à Fribourg, une à Rome, une à New York, villes à partir desquelles elles contrôleraient secrètement le monde. Rose, une jeune fille intriguée par le livre qu’elle a commencé à traduire, craint que sa propre demeure ne soit précisément une des trois. Elle appelle à l’aide son frère Mark, étudiant en musique vivant à Rome, dès lors menacé à son tour. Des meurtres sanglants déciment ceux qu’ils approchent au cours de leur enquête ou même ceux qui n’y sont mêlés qu’incidemment. Mark arrive trop tard pour sauver Rose mais il découvre que son hypothèse était encore au-dessous de la terrible réalité, effectivement abritée par l’immeuble.

Inferno (Italie-USA 1980) de Dario Argento élargit l’argument de son antérieur Suspiria (Italie 1977) qu’il avait développé avec l’actrice et scénariste Daria Nicolodi à partir d’un poème en prose de Thomas de Quincey, Suspiria de produndis (1825). Argento y intégre naturellement certaines recherches esthétiques et stylistiques de ses films policiers antérieurs (frôlant parfois le fantastique) depuis L’Oiseau au plumage de cristal (Ital. 1970) jusqu’à Les Frissons de l’angoisse (Profondo Rosso) (Ital. 1975). Le casting féminin comporte un registre varié de beautés : Eleonora Giorgi, Ania Pieroni, Daria Nicolodi, Irene Miracle. Sans oublier l’inquiétante Veronica Lazar ni la guest star Alida Valli, lien charnel avec le titre de 1977. Le résultat est globalement remarquable. Reste que ce titre, hommage lointain à l’écrivain Dante autant qu’un hommage plastique au cinéaste Mario Bava, pose une intéressante question d’histoire du cinéma : quel fut, justement, le degré de participation au tournage de Bava ?

Sur la genèse du film, tout semble clair : Argento écrit le scénario découpé dans une chambre d’hôtel à New York durant trois mois à partir d’un argument de Daria Nicolodi. Le scénario d’un film est son squelette : sa chair le recouvre progressivement durant le tournage. Or, concernant ce tournage, le nom de Mario Bava revient dans des proportions assez variables pour qu’on s’y arrête. Selon l’actrice Irène Miracle, pratiquement toutes les scènes qu’elle tourna auraient été dirigées par Bava (sauf la célèbre scène sous l’eau qui aurait été tournée directement, sans aucun effet optique, par Gianlorenzo Battaglia). Si oui, Bava respecta-t-il scrupuleusement le découpage d’Argento ? Ce témoignage est infirmé par celui de Daria Nicolodi selon qui Bava ne collabora qu’à deux effets spéciaux sur deux plans très précis intégrés dans la séquence de l’éclipse et dans celle de l’apparition finale. Le tournage de cette seconde scène fut d’ailleurs observé avec intérêt par le cinéaste américain William Lustig (coordinateur avec Andrew W. Garroni des plans tournés aux USA) qui en a raconté ses souvenirs dans le célèbre livre de Tim Lucas, Mario Bava - All the Colors of the Dark (2007). D’autres sources assurent que, non crédité au générique, Bava aurait été alternativement directeur des effets spéciaux, réalisateur de seconde équipe, directeur de la photo (se substituant parfois à Romano Albani ici crédité), chef-éclairagiste.

De là à dire que Inferno pourrait être considéré comme le dernier grand film réalisé sinon signé par Bava, il y a certes un pas qu’il est difficile de franchir. On sait que Argento fut gravement malade durant ce tournage (pour lui réellement infernal), parfois trop malade pour venir au studio romain où l’essentiel fut réalisé. Mario Bava (dont le fils Lamberto Bava était assistant sur Inferno) l’a franchement remplacé ces jours-là et lui a sans doute aussi prodigué conseils et aide à l’occasion sur le restant du tournage. Un certain nombre de plans, voire même certaines séquences entières ne seraient donc pas simplement des hommages plastiques d’Argento à Bava, mais bel et bien des plans voire des séquences de Bava. Nuance intéressante qui éclaire d’un jour nouveau (d’une nuit nouvelle, dirait Tim Lucas !) certaines séquences aussi purement bavaïennes que celle où Rose, menacée, erre dans l’immeuble new-yorkais (reconstitué en studio à Rome).

Ces informations confèrent du coup à Inferno une importance redoublée dans l’histoire du cinéma fantastique mondial comme italien : c’est assurément le dernier long métrage cinéma important auquel Mario Bava ait contribué avant sa mort en 1980; c’est probablement aussi le film le plus inspiré et plastiquement le plus beau (car aussi le plus cher : environ 3 millions de US$) jamais signé par Dario Argento qui ne retrouva plus jamais un tel budget sinon une telle inspiration.

Inferno

Présentation - 4,0 / 5

1 Blu-ray région B édité par ESC le 04 décembre 2018. Sérigraphie du disque reprenant heureusement l’image de l’affiche italienne et française de 1980, également reprise sur le menu principal. Exit l’atroce jaquette de l’ancienne édition Wild Side Vidéo dont se plaignait, à juste titre, Giuseppe Salza ! Image couleurs du Blu-ray en Full HD 1080p au format original 1.85 respecté et compatible 16/9. Son DTS HD Master audio en 2.0 mono VF d’époque, VISTF 2.0 mono et VASTF D.D. 5.1. Supplément : présentation et entretiens avec Dario Argento, avec Daria Nicolodi. Conférence de Luigi Cozzi (alias « Lewis Coates ») et entretien séparé avec lui. Entretien avec le directeur photo Luciano Tovoli. Présentation générale par Frédéric Mercier et analyse de 2 séquences par Frédéric Mercier. Durée du film sur Blu-ray : 107 min. environ. Seul le Blu-ray a été testé.

Inferno

Bonus - 4,0 / 5

Ils se divisent en bonus français et étrangers.

Excellente présentation française (31 min. environ) du titre par Frédéric Mercier, couvrant bien son originalité thématique et et surtout esthétique (sur le « préraphaélisme » d’Argento), illustrée par des extraits. Le mot « giallo » n’est pas trop prononcé par Mercier : pourtant certaines séquences (y compris celle de la bibliothèque philosophique romaine qu’il a raison d’aimer) en reprennent pourtant évidemment les codes, déjà mis au point par Mario Bava depuis 1964 voire même 1962 sans oublier l’apport personnel d’Argento à partir de 1970. Mercier, d’autre part, passe un peu vite à mon goût sur le problème historique de l’étendue de la collaboration de Bava au film : il se fie apparemment aux seules indications de Daria Nicolodi mais… il en existe d’autres. Bonnes analyses de 2 séquences (la visite de Sara à la bibliothèque romaine et la mort de Rose à New York : environ 17 min) par le même Frédéric Mercier mais, concernant la séquence new-yorkaise, je ne suis pas trop convaincu de la pertinence du rapport établi entre elle et la séquence d’un film noir américain de Fritz Lang. Disons que le rapprochement est suggestif par lui-même mais il n’est ici pas assez étayé. Si Bava a éclairé cette séquence (ce que plusieurs indices plastiques me font penser, outre le témoignage d’Irène Miracle dont je parle dans la section critique du film car elle est ignorée par les suppléments), alors une partie de l’analyse de Mercier deviendrait caduque puisqu’il ne créditerait qu’Argento du résultat. A moins de couper la poire en deux : on pourrait toujours répondre que Bava l’a tourné et que Argento l’a approuvé.

Les bonus étrangers sont très inégaux. La courte présentation d’Argento (visible et audible en français dans le texte sur toutes les versions) n’est pas inintéressante en dépit de sa brièveté. On trouvera évidemment davantage d’éléments historiques exploitables dans ses deux entretiens (filmés en 2010 + 2018 = 2 x 15 min. environ). Argento s’intéressait à l’alchimie et aux cathédrales médiévales, à leur esthétique et à l’art du moyen-âge en général. Sherry Lansing, la patronne de la Fox qui avait co-financé le film avec Salvatore Argento, eut peur pendant la projection privée mais ne comprit absolument pas le film et refusa de le sortir au cinéma : il ne fut distribué aux USA qu’en VHS avec 5 ans de retard, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui. La conférence et l’entretien (durée environ 45 min. au total) avec le réalisateur (Contamination), distributeur et grand collectionneur Luigi Cozzi, contiennent quelques remarques éparses sur la « trilogie des trois mères » dans la filmographie d’Argento : Suspiria (1977), Inferno (1980), Mother of Tears - La troisième mère (2007). Argento dont Cozzi fut l’ami et le collaborateur occasionnel. Surtout, ce personnage haut en couleurs et très savoureux qu’est Cozzi, qui travailla aux USA avec Mémé et Yoyo, éclaire très bien la genèse et la réception critique italienne des premiers films policiers « giallo » d’Argento. L’entretien avec le grand directeur photo Luciano Tovoli (durée environ 27 min.) apporte beaucoup de choses sur la genèse plastique de Suspiria mais beaucoup moins sur celle de Inferno puisque Tovoli n’en fut pas son directeur photo : c’est son cadreur Albani qui est crédité (et Bava intervint à plusieurs endroits du métrage comme directeur photo, selon plusieurs sources). L’entretien avec l’actrice et scénariste Daria Nicolodi (environ 17 min.) revendique la maternité de l’argument, du sujet (elle avait été lectrice de Thomas de Quincey) et limite la contribution de Mario Bava à deux plans précis.

Ensemble très honorable. On peut le compléter par les entretiens avec Dario Argento, Lamberto Bava, Irene Miracle et Leigh McCloskey annexés au Blu-ray Blue Underground sorti aux USA en 2011. Un seul regret (applicable aussi au Blu-ray Blue Underground) : l’absence d’une galerie photos d’exploitation US (lobby cards), italiennes et française. On voit sur ces suppléments ESC quelques photos N&B de tournage et de plateau, une ou deux photos d’exploitation disséminées dans divers entretiens mais elles sont en général reproduites trop petit et ne peuvent compenser l’absence d’une galerie systématique.

Inferno

Image - 4,0 / 5

Full HD 1080p au format original 1.85 Technicolor compatible 16/9. Image argentique parfaitement restaurée sauf un ou deux plans contenant encore quelques poussières (entrée de Sara dans la bibliothèque). Couleurs vives, textures chaudes au grain assez préservé et au spectre admirablement nuancé. Lissage permettant une admirable définition : noirs profonds. Photographie baroque sachant doser les effets les plus sophistiqués : Mario Bava (dont Argento fut un des grands héritiers plastiques) contribua aux effets spéciaux et à la photographie, voire à la mise en scène, selon certaines sources, de certaines séquences.

Son - 5,0 / 5

VISTF et VF d’époque en DTS HD Master audio 2.0 stéréo : choix nécessaire et suffisant pour le cinéphile francophone. La VASTF en D.D. 5.1 est sans intérêt (celle en 7.1 disponible sur le Blu-ray Blue Underground, encore moins) car le doublage convient mal et gâche l’amélioration technique qui, au demeurant, trahit inévitablement la piste sonore originale qui est bel et bien Dolby stéréo. Le choix des voix françaises pour la VF d’époque est excellent : celle de Sacha Pitoëff introduit même une certaines distanciation un peu « Nouvelle vague » qui ne nuit heureusement pas à l’équilibre de l’ensemble. La musique alterne un fragment de l’opéra Nabucco (Nabuchodonosor) (1842) de Verdi et une musique contemporaine de Keith Emerson : ce mélange provoque régulièrement l’intérêt des commentateurs esthètes mais il était surtout destiné à frapper le jeune public populaire de 1980. Aujourd’hui, la musique d’Emerson apparaît inégale : belle et bien adaptée au générique d’ouverture, on peut en revanche trouver inutile ou lassante celle qui accompagne Sara dans le chemin en taxi. Verdi, en revanche, ne vieillit évidemment pas et la séquence de l’auditorium est, grâce à son montage fin images-musique, toujours aussi admirable.

Inferno

Crédits images : © ESC Éditions

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 20 février 2019
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Giuseppe Salza
Le 7 novembre 2010
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