Chaussure à son pied (1954) : le test complet du Blu-ray

Hobson's Choice

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par David Lean
Avec Charles Laughton, John Mills et Brenda De Banzie

Édité par Tamasa Diffusion

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Le 19/03/2019
Critique

Chaussure à son pied

Salford, dans la banlieue de Manchester, à l’époque victorienne, dans les années 1880. Harry Hobson, veuf, propriétaire d’une cordonnerie prospère, régente deux ouvriers et ses trois filles, mais passe beaucoup de temps autour de chopes de bière et de tumblers de whisky dans le pub voisin, le Moonrakers Inn. Sa fille aînée, Maggie, la trentaine, est, décide-t-il, trop vieille pour être mariée et doit continuer à s’occuper de lui. Il se débarrasserait volontiers des deux plus jeunes, Alice et Vicky, mais se réserve le choix de leurs futurs maris. Réussira-t-il à imposer ses choix ?

Chaussure à son pied (Hobson’s Choice) est le dixième long métrage de David Lean, entré par la petite porte dans l’industrie du cinéma comme coursier, puis électricien, il réussit à se faire une réputation de monteur dans les années 30 et 40 avant de s’imposer comme un des proéminents réalisateurs britanniques. Il coréalisera en 1941 avec Gabriel Pascal et Harold French Major Barbara, l’adaptation d’une pièce de George Bernard Shaw, puis, l’année suivante, avec Noël Coward, Ceux qui servent en mer (In Which We Serve). Mais c’est Brève rencontre (Brief Encounter), lauréat de l’un des onze Grands prix décernés à Cannes en 1946, l’année du premier festival, qui le fera vraiment connaître. Suivront, en 1948, deux adaptations de Charles Dickens, Les Grandes espérances (Great Expectations), salué par deux Oscars, et Oliver Twist, BAFTA Award du meilleur film britannique et Prix de la meilleure direction artistique à Venise. Ces succès lui ouvriront l’accès aux grandes productions, Le Pont de la rivière Kwai, en 1957, Lawrence d’Arabie, en 1962, deux films aux sept Oscars, Le Docteur Jivago, en 1965 qui ne glanera que cinq Oscars. La Fille de Ryan, en 1970 et La Route des Indes, en 1984, (A Passage to India) remporteront chacun deux Oscars.

Chaussure à son pied

Chaussure à son pied, l’adaptation d’une pièce de Harold Brighouse, sorti en 1954, s’ouvre sur un plan lugubre : en pleine nuit, sous la pluie, une botte se balance dans le vent qui siffle. Celle d’un pendu ? Non, ce n’est que l’enseigne du bottier Hobson dans la rue désertée d’un quartier modeste de Manchester. Ce seul plan, délibérément à contresens du genre du film, la comédie, montre le talent du chef opérateur Jack Hildyard qui collabora à plusieurs films réalisés par David Lean, dont Le Pont de la rivière Kwai qui lui vaudra l’Oscar de la meilleure photographie.

La maîtrise de la mise en scène avec de nombreuses séquences en extérieur, la sureté des mouvements de caméra, la beauté des cadrages, l’intelligence du montage, l’habile reconstitution de l’époque victorienne dans l’atmosphère embrumée par la fumée vomie par les cheminées d’usines qui surgissent des quartiers populaires, à elles seuls, retiennent l’attention.

Chaussure à son pied donne plus encore : des dialogues qui sonnent juste, avec l’accent du nord, et, surtout, une extraordinaire distribution en tête de laquelle Charles Laughton. Il venait de réendosser dans La Reine vierge (Young Bess, George Sidney, 1953) l’habit de Henry VIII qui lui avait valu l’Oscar de sa carrière pour La Vie privée d’Henry VIII réalisé par Alexander Korda en 1933.

Charles Laughton est particulièrement bien entouré, par John Mills, dans le rôle du cordonnier William Mossop (il décrochera l’Oscar du meilleur second rôle pour La Fille de Ryan), et par les trois actrices tenant le rôle de ses filles, Daphne Anderson dans celui d’Alice la cadette, Prunella Scales, débutante, dans celui de Vicky la benjamine et, surtout, Brenda de Banzie, dans celui de Maggie (on la reverra peu après dans L’Homme qui en savait trop, version 1956 d’Alfred Hitchcock). Suffragette avant l’heure, à jeu égal avec Charles Laughton, elle donne au film sa dimension féministe.

L’accompagnement musical, interprété par le Royal Philharmonic Orchestra, a été composé par Malcolm Arnold qui sera oscarisé en 1958 pour Le Pont de la rivière Kwai. Une composition plaisante, un peu trop descriptive.

Une édition qui vient enrichir la collection My British Comedies. Lancée par Tamasa Diffusion fin 2013, elle propose aujourd’hui douze films des années 40 à 60, tous inédits en vidéo, avec quelques références du genre, telles Passeport pour Pimlico (Henry Cornelius, 1949) et… Chaussure à son pied, récompensé par le BAFTA Award du meilleur film britannique et par l’Ours d’or à Berlin.

Chaussure à son pied

Présentation - 3,5 / 5

Chaussure à son pied (108 minutes, un peu plus long que les 104 minutes indiqués sur la jaquette) et ses suppléments (22 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, dans cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9 avec le même contenu, dans un digipack.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres imposés, qui auraient pu être placés plus bas sur l’image, au format audio Dolby Digital 1.0.

À l’intérieur du digipack, un livret illustré de 16 pages intitulé L’Impossible Mr. Lean, écrit par Eva Markovits, critique et chargée de programmation à la Cinémathèque Française. Elle évoque une scène de trois films, Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago et Oliver Twist pour démontrer que David Lean est un « homme d’images », pour qui les images sont « le faire-valoir d’un gros plan de l’individu dont il nous conte l’histoire ». Elle rappelle que le cinéma de David Lean, un temps dénigré, particulièrement en France par la Nouvelle vague, a été justement réévalué : « ses grandes fresques du passé (…) sont pour la plupart d’une grande beauté et d’un divertissement merveilleux ». Le livret se referme sur une courte notice biographique de Charles Laughton, splendide acteur et réalisateur de l’inoubliable La Nuit du chasseur.

Chaussure à son pied

Bonus - 2,5 / 5

Ces bonus sont repris de l’édition du soixantième anniversaire du film sortie par StudioCanal au Royaume Uni en 2014.

Entretien avec Norman Spencer (14’). Producteur et coscénariste du film, il était l’homme à tout faire aux Studios Denham où David Lean était monteur. Il devint ami avec lui et collabora à ses premiers films, notamment à l’écriture du scénario de Chaussure à son pied auquel David Lean voulait que la réalisation soit très fidèle. Il aidait les acteurs mais exigeait d’eux qu’ils suivent ses directives. Brillant monteur et photographe, il était très créatif. Le rôle de Willie Mossop avait été proposé à Robert Donat : né à Manchester, il avait l’accent du Lancashire. Un problème de santé entraîna son remplacement par John Mills six jours avant le tournage. « Sérieux film de divertissement ! », Chaussure à son pied connut un bon succès commercial. (Norman Spencer vit toujours : au moment de cet entretien, en 2014, il avait 100 ans !).

Entretien avec Prunella Scales (6’). C’est l’interprète de Vicky, la plus jeune des trois filles de Hobson. Elle sortait d’une école d’art dramatique quand elle a été embauchée pour le film et se souvient de la gentillesse de David Lean et de Charles Laughton (Prunella Scales tint le rôle de Sibyl auprès de John Cleese dans l’irrésistible série L’Hôtel en folie / Fawlty Towers, 1975-1979).

Galerie de photos et d’affiches (2’).

Image - 4,0 / 5

L’image (1.37:1, au format original du film, et non 1.66:1 comme indiqué par erreur au dos du digipack, 1080p, AVC) a été parfaitement débarrassée de toute tache ou griffure parasite et stabilisée. Avec des blancs lumineux et des noirs denses, elle est idéalement contrastée, sauf dans la séquence où Hobson, sorti de sa boutique, marche sur un trottoir, à partir de 14’43”. Flatteuse à l’oeil, on peut lui reprocher un lissage légèrement excessif.

Son - 4,0 / 5

Le son au format Dolby Digital 1.0 (le format standard du DVD), soigneusement nettoyé de tout bruit parasite, y compris du souffle, ne fait pas son âge. Sa clarté, sa dynamique et une relativement large ouverture du spectre assurent la clarté des dialogues et de l’accompagnement musical, sans la moindre distorsion.

On regrettera pourtant que n’ait pas été repris le format non compressé LPCM 1.0 de l’édition anglaise.

Crédits images : © Tamasa Diffusion

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 19 mars 2019
Mise en scène maîtrisée, beauté des cadrages, intelligence du montage, reconstitution habile de l’époque victorienne, dialogues qui sonnent juste, Charles Laughton en tête d’une extraordinaire distribution... voici quelques-unes des raisons pour découvrir ce film méconnu de David Lean qui vient enrichir la collection British Comedies, une suite de films inédits en vidéo, sortis de l’ombre par Tamasa Diffusion.

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Chaussure à son pied
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